Hamadi Jebali a joué une étonnante partie
de «ça passe ou ça casse» contre son propre parti Ennahda et une bonne partie de
l'Assemblée constituante. Il a échoué. Ça casse donc ! L'idée d'un gouvernement
«technocratique» dans une Tunisie en pleins tumultes politiques était
difficilement tenable. A moins d'un retournement de situation, option faible, le
chef du gouvernement tunisien qui devait rencontrer en fin d'après-midi le
président Moncef Marzouki, devrait tirer les conséquences de son échec en jetant
l'éponge. Il faut bien entendu s'attendre à un surcroît de tensions en Tunisie.
Les anti-Ennahda ont fait de l'option du «gouvernement technocratique» un moyen
d'affaiblir le parti islamiste et de l'écarter des affaires. Rached Ghannouchi,
patron d'Ennahda, mais également d'autres partis représentés à l'Assemblée
constituante l'ont ainsi compris. L'option technocratique est, selon eux, un
moyen de contourner, voire d'annuler le résultat des élections dont la
crédibilité n'était pas contestée. Hamadi Jebali a-t-il, sous l'effet de la
panique provoquée par l'assassinat de Chokri Belaïd, considéré «sincèrement» que
l'on pouvait se passer des politiques ? Si tel est le cas, il aurait fait preuve
d'une étonnante naïveté politique. Mais beaucoup pensent de manière prosaïque
que la naïveté n'était pas de mise et que Jebali a saisi une opportunité pour
contourner Rached Ghannouchi et lui damer le pion. Une confidence d'Abdelfatah
Mourou, vice-président d'Ennahda, très hostile à Ghannouchi, a montré que la
démarche n'avait rien de naïve : «C'est moi qui ai soufflé à Jebali l'idée d'un
gouvernement de technocrates, apolitique !».
Le problème est que le coup du gouvernement technocratique soutenu par les
syndicats et les patrons et les partis laïcs et modernistes se heurtait au refus
d'une majorité d'élus à l'Assemblée nationale constituante. Le parti Ettakatol,
membre de la troïka, a certes fait défection et a soutenu l'idée de Jebali mais
Ennahda et le CPR ont rallié d'autres petits partis disposant ainsi des moyens
de bloquer cette option. Ghanouchi a d'ailleurs choisi de faire preuve de
souplesse en admettant que son mouvement perde des ministères sensibles comme
l'Intérieur et les Affaires étrangères. C'est Jebali qui s'est enfermé dans
l'impasse avec son gouvernement «apolitique» composé de ministres « indépendants
des partis» qui s'engageraient à ne pas être candidats aux futures élections.
Dans cette logique, pourquoi un chef de gouvernement ne serait pas, lui aussi,
un «apolitique» ?
Cette idée de gouvernement technocratique est intenable dans une Tunisie en
proie à de grands tumultes politiques. Ce n'est pas «moins» de politique qu'il
faut, mais davantage de politique. Et en toute logique un gouvernement
«politique» de large union nationale a plus de sens qu'un gouvernement
«technocratique». Il reste à gérer les effets de cet échec prévisible. Rien en
théorie n'empêche que Jebali soit désigné à sa propre succession
Sauf peut-être
une question de cohérence et de pudeur. Mais le plus important est de reprendre
le chemin de l'apaisement politique afin de réussir la transition. Il n'y a pas
d'autre solution. Les Tunisiens qui imaginent une solution «à l'algérienne» - ça
existe ! - se trompent dramatiquement. Il n'y a de solution que tunisienne,
celle qui consiste à négocier et à chercher les solutions plutôt que les
conflits.
M. Saadoune
Source: Le Quotidien d'Oran
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