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Les ferrailleurs sénégalais en guerre contre les Chinois


Des ferrailleurs dans un «laboratoire» d'extraction de métaux précieux.
Le 21 juin 2007 à Dakar. Reuters/ Finbarr O'Reilly

 

 

La percée de la Chine en Afrique touche tous les secteurs et ne fait pas que des heureux. C'est le cas au Sénégal où les ferrailleurs entrent en résistance pour protéger leur gagne-pain.


«Au titre des textes législatifs et réglementaires, le conseil des ministres a examiné et adopté, un projet de décret portant suspension de l’exportation des ferrailles et sous-produits ferreux.»


Lorsque ce décret a été rendu public, en octobre 2012, les ferrailleurs sénégalais se sont mis dans tous leurs états. En effet, ce décret était censé donner le monopole du secteur à une usine chinoise et allair, par conséquent, provoquer la perte de 7.500 emplois et de 52 milliards de francs CFA (environ 7.927.500 euros) par an.

Les travailleurs intervenants dans ce secteur fort lucratif ont mis sur pied un syndicat dénommé Syndicat national de ferrailleurs, brocanteurs et recycleurs du Sénégal.

Des marches de protestations et des sit-in ont été organisés pour dénoncer la volonté hégémonique des Chinois. Une pétition a été initiée pour l’abrogation du décret interdisant l’exportation.


Une poule aux œufs d'or

La farouche opposition à ce décret montre à quel point le secteur de la ferraille est lucratif. Les ferrailleurs ont ainsi l’impression qu’on veut leur ôter le pain de la bouche en tuant leur poule aux œufs d’or.

Thierno Sané, un acteur du secteur travaillant dans une société qui emploie des dizaines de personnes, explique les retombées financières du secteur, statistiques à l’appui:


«L’Etat commettra une erreur monumentale en laissant le marché de la ferraille aux Chinois qui proposent de ne faire travailler que 276 employés. Parce que, ce n'est rien comparé au plus de 7.500 Sénégalais qui vivent actuellement de ce secteur. Le temps du monopole est révolu. Nous dénonçons l’analyse sur laquelle le gouvernement s’est appuyé pour prendre cette mesure.»


Selon Maouloud Diakhaté, membre dudit syndicat, l’exportation de la ferraille concerne plus de 18.000 citoyens, à travers le Sénégal.


«Plus de 1.250 containeurs pour une quantité avoisinant 25.000 tonnes de ferraille collectée par tous les éléments qui interviennent directement dans ce secteur, sont répertoriés mensuellement.»


Il dément par la même occasion l’hypothèse selon laquelle, l’Etat ne gagne rien dans le secteur de la ferraille.


«L’impôt sur les sociétés est payé par les entreprises fournisseurs de ferraille. Et plus de 13 milliards sont entièrement répartis dans le panier des ménagères.»


L'Inde, principal acheteur de la ferraille

La ferraille collectée via ce circuit est exportée vers les pays d'Asie, principalement, qui en usent pour leurs industries sidérurgiques. Ce sont 25.000 tonnes de ferraille qui sont exportées du Sénégal vers l’Inde, principal pays acheteur de ces matières premières.

Aujourd’hui, le prix de la tonne varie entre 120.000 et 125.000 francs CFA (environ 190 euros), et des milliers de containeurs quittent chaque jour le Sénégal en direction de l’Inde et Dubaï.

Cette exportation a entraîné la raréfaction de la ferraille au Sénégal, au moment où les cours mondiaux de l'acier ont très fortement augmenté. Conséquence: les industries locales, les aciéries, les menuiseries métalliques et les fonderies artisanales achètent le fer à des coûts exorbitants, plombant leurs perspectives de production.

Sur le plan environnemental, les ferrailleurs pensent que la suspension de l’exportation des ferrailles et sous-produits ferreux posera d’énormes problèmes. La seule société chinoise, Sometra, qui existe au Sénégal ne peut pas absorber les fortes quantités de ferrailles collectées. Pour cette raison, ils estiment que les Chinois ne doivent pas avoir le monopole du marché.
 

 

 


Volonté de développer le secteur de la métallurgie

Face aux complaintes des ferrailleurs, le gouvernement a expliqué que le décret interdisant l’exportation de la ferraille vise à favoriser le développement du secteur de la métallurgie avec deux projets de création d’usines qui vont produire de la richesse et des emplois au Sénégal.

La société chinoise se défend des nombreuses accusations en assurant que tous les emplois seront conservés.

«Contrairement à ce que craignent les acteurs, plus de 200 emplois nouveaux seront créés à l’horizon 2015, donc d’ici à l’ouverture de l’usine. Pendant les trois dernières années, ce sont 379.221 tonnes de fer qui ont été récupérées, soit une quantité moyenne de 126.407 tonnes par an, dont les 50% viennent du Sénégal. Ce qui représente 63.204 tonnes. Cela correspondant à la pleine capacité de la société qui est à même d'absorber 210.000 tonnes de ferrailles par an l’arrivée de ces sociétés ferreuses va, non seulement, permettre au Sénégal de contrôler le secteur, mais aussi de préserver l’environnement», indique Pape Diédhiou, un Sénégalais collaborateur de la société chinoise.


Ndèye Khady Lô

Source: Slateafrique

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