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Kenya : attention, économie fragile !

Les investisseurs ont encore en tête la crise postélectorale de 2007-2008. Depuis, Nairobi a renoué avec une croissance de plus de 5 %, mais seul un scrutin apaisé, le 4 mars, permettra de consolider ces acquis.

 

 

 

Après cinq années d'instabilité, l'économie kényane aspire à davantage de sérénité. Comme l'ensemble du pays, d'ailleurs, toujours traumatisé par la vague de violence (environ 1 300 morts) qui l'avait traversé après les élections de fin 2007 et avait perturbé durablement les grands indicateurs nationaux, à commencer par la croissance, en berne à 1,5 % en 2008, contre 7 % douze mois plus tôt.


« Le pays vient de dilapider un cycle entier de croissance qui ne pourra être rattrapé que si le contexte politique s'apaise enfin sur la durée », estime Aly-Khan Satchu, l'un des plus éminents analystes kényans, à l'approche des élections générales (présidentielle et législatives) du 4 mars. « Plus l'écart entre les candidats [à la présidence, NDLR] sera important au soir du premier tour et plus l'avenir sera dégagé pour le pays », pronostique encore l'économiste. Les derniers sondages, de plus en plus serrés, ne concourent donc pas à rassurer les milieux d'affaires de la principale puissance économique de l'Afrique de l'Est.



Locomotive


Car malgré les crises politiques qui ont exacerbé les tensions en 2008 puis en 2010, lors du débat constitutionnel, et les aléas climatiques qui ont plombé la production agricole en 2009 et gonflé l'inflation en 2011, le Kenya reste l'une des locomotives de la sous-région. Le pays n'a pas encore de pétrole, mais il dispose déjà de l'une des économies les plus diversifiées du continent et peut s'appuyer sur le dynamisme de son secteur privé ainsi que sur l'émergence d'une classe moyenne estimée aujourd'hui à un cinquième de la population. « Elle joue un rôle primordial dans l'économie, puisque la consommation intérieure contribue chaque année à hauteur de 74 % à la croissance du PIB », précise Aly-Khan Satchu. Le Kenya peut également compter sur la générosité de sa diaspora, première ressource en devises du pays, qui a encore injecté 83 millions d'euros en 2012, permettant ainsi de combler les difficultés rencontrées par les secteurs agricole et touristique, piliers traditionnels de l'économie kényane et qui pèsent plus d'un tiers du PIB.

 

 

 


Fort de ces atouts, le pays a certes évité la récession dans laquelle auraient pu l'entraîner un début de guerre civile ainsi que les effets de la crise financière internationale, mais sans avoir retrouvé le rythme qui était le sien avant ces événements. « Le Kenya alignait alors ses meilleurs taux de croissance depuis l'indépendance », rappelle Aly-Khan Satchu. Chaque année, le pays voit bien sa croissance prendre de la hauteur, mais, selon le Fonds monétaire international (FMI), celle-ci ne devrait toujours pas dépasser les 6 % en 2013.


Nairobi n'a pourtant pas perdu son temps ces dernières années. Les observateurs l'assurent : une fois le préalable électoral levé, le pays dispose de tous les éléments nécessaires à son décollage économique. Après avoir frôlé la catastrophe en 2011, avec une inflation qui a culminé à 18,6 %, un shilling kényan malmené sur le marché des changes face au dollar et une place boursière en chute libre, le gouvernement et la Banque centrale ont repris la main l'année suivante pour remettre de l'ordre dans les comptes. L'inflation, toujours préoccupante dans un pays où 40 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, a été ramenée à 7 % et semble désormais maîtrisée ; la devise locale a repris des couleurs grâce à une politique monétaire aussi rigoureuse qu'efficace ; et l'indice boursier du Nairobi Securities Exchange (NSE) a été l'un des plus performants au monde en 2012, avec une hausse de près de 50 %. Signe que, malgré les craintes affichées, les investisseurs n'ont pas abandonné le pays.



Prudence


« Ils auraient tort, vu que Nairobi est la porte d'entrée de l'EAC [Communauté d'Afrique de l'Est], qui est la zone régionale ayant enregistré en 2012 le deuxième meilleur taux de croissance de la planète derrière l'Asie du Sud-Est », souligne Aly-Khan Satchu. En plus de relancer le crédit, au point mort depuis deux ans, la baisse des taux d'intérêt consécutive à celle de l'inflation doit justement soutenir l'investissement, alors que les besoins du pays en infrastructures sont toujours aussi grands. De nombreux projets ont été lancés, de l'extension portuaire de Mombasa à la construction de routes et de centrales géothermiques, « même si les investisseurs étrangers attendent prudemment le résultat des élections », observe Patrick Obath (lire interview), président de la Kenya Private Sector Alliance (Kepsa), première organisation patronale du pays.


Seul le secteur pétrolier semble ne pas connaître de temps mort, les compagnies multipliant les forages offshore pour que le Kenya devienne un pays producteur d'ici à 2016. Cela devrait « profondément changer la structure économique du pays », selon Aly-Khan Satchu. En plus de rééquilibrer la balance commerciale et de réduire le chômage des jeunes, qualifié de « bombe à retardement » par tous les économistes, l'émergence d'une filière pétrolière permettrait au Kenya de poursuivre la modernisation de son économie, déjà lancée avec succès aussi bien dans le secteur financier que dans celui des télécoms. Reste à réorganiser l'agriculture, qui contribue à un quart du PIB mais reste trop vulnérable aux intempéries, pendant que le tourisme, en regain de forme en 2012, subit encore les contrecoups de 2008. « Il faut restaurer la confiance, celle des touristes comme celle des investisseurs », insiste Patrick Obath. C'est tout l'enjeu économique du scrutin à venir.



Des champions en pleine expansion

Les difficultés conjoncturelles qu'a connues le pays ces dernières années n'empêchent pas son secteur privé de rester le plus dynamique en Afrique de l'Est. Sur les 50 premières entreprises de la zone, 28 sont kényanes. Implanté dans une dizaine de pays d'Afrique de l'Est et d'Afrique centrale, KenolKobil (hydrocarbures), premier groupe de la sous-région, faisait état d'un chiffre d'affaires (CA) de 2,57 milliards de dollars (environ 2 milliards d'euros) en 2011... soit le double de l'année précédente.
De son côté, Kenya Airways (transport aérien), qui couvre 45 destinations à travers le continent et mise sur l'augmentation de ses dessertes en Chine, affiche un CA en 2011 de 1,25 milliard de dollars, ce qui en fait le troisième groupe régional, tous secteurs confondus, derrière son concurrent Ethiopian Airlines. Quant à l'opérateur de téléphonie mobile Safaricom (filiale de Vodafone, 66 % de part de marché au Kenya et 1,24 milliard de dollars de CA en 2011), il se développe localement en misant sur les services à valeur ajoutée tels que les échanges de données, les SMS et les services financiers.

Les grands groupes ont largement entamé leur régionalisation, en commençant par l'Ouganda et la Tanzanie. C'est le cas des leaders de la grande distribution, Nakumatt Holdings (349 millions de dollars de CA en 2011) et Uchumi Supermarket (125 millions de dollars), désormais présents dans la quasi-totalité des pays d'Afrique de l'Est. Si cette expansion se focalise actuellement sur les pays anglophones, l'implantation en Afrique francophone sera la prochaine étape. Le réassureur Kenya Re (76,5 millions de dollars de CA en 2011) a pris les devants en s'installant en Côte d'Ivoire fin 2010. Signe des temps, l'Export Promotion Council a organisé, début février à Kinshasa, une foire d'exposition des entreprises kényanes, afin de promouvoir un partenariat économique avec la RD Congo. F.R.



Source: Jeuneafrique.com

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