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Comment lutter contre le djihad au Mali (2/2)

Après la reconquête du Nord du Mali, la priorité de la France est la libération des otages principalement retenus dans la région de Kidal, selon l'écrivain et journaliste Serge Daniel.
 

 


Panneau placé par les islamistes à l'entrée de Tombouctou, 31 janvier 2013.
REUTERS/Benoit Tessier

 


SlateAfrique - Faut-il négocier avec les islamistes les plus radicaux notamment ceux d’Ansar Dine?

Serge Daniel - L’erreur qui a été commise est de penser qu’il y a des djihadistes radicaux, et des djihadistes modérés. Un djihadiste est un djihadiste, c’est à dire quelqu’un qui, pour l’application de la charia, prend les armes pour convaincre de gré ou de force les populations de contrées traversées ou visées. Si vous faites attention, Ansar Dine, le groupe dirigé par Iyad Ag Ghaly, n’a jamais publiquement condamné Aqmi. Le pacte entre les deux groupes était clair. Il n’y a pas de négociations possibles avec un djihadiste pour lui demander de déposer les armes. Pour exister, pour avoir la tête hors de l’eau, des anciens membres d’Ansar Dine ont créé le Mouvement islamique de l’Azawad (MIA).

«Il faut tendre la main à tous les groupes qui renoncent clairement au djihad»


SlateAfrique - Faut-il négocier avec le MNLA?

Serge Daniel - Ce mouvement dès le départ a combattu l’armée malienne aux côté du mouvement qui allait officiellement devenir Ansar Dine, et parfois aux côté des djihadistes. Le MNLA avait une politique de communication et les djihadistes, une politique de conquête du terrain.

Et quand les djihadistes se sont sentis véritablement implantés, ils ont foutu dehors le MNLA qui est devenu un mouvement politique, toujours médiatique, mais plus militaire, n’ayant pas les hommes et le matériel qu’il faut. Comme tous les autres groupes armés qui évoluent dans le nord du Mali, le MNLA a été accusé de graves violations de droits de l’homme par des associations de défense des droits de l’homme.

Il faut à mon avis tendre la main à tous les groupes qui renoncent clairement au djihad et au terrorisme. Maintenant, la communauté touareg est diverse et variée.

Au nord-est du Mali, il faut compter avec les Touareg de la tribu des Iforas. Membres du résidu du groupe islamique Ansar Dine, du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA, nouvelle version), et du Mouvement islamique de l'Azawad (MIA, dissidence d'Ansar Dine). Les Touaregs de la tribu des Iforas, ont investi tous les groupes armés dans leur région du nord-est du Mali, où l'une des priorités de la France reste la libération de ses ressortissants, retenus en otages par les djihadistes.


SlateAfrique - La démocratie a-t-elle déçu les Maliens?

Serge Daniel - Oui la démocratie a déçu les Maliens. En mars 1991, les Maliens se sont battus pour avoir la liberté et la démocratie, le multipartisme. Et 20 ans après des politiciens maliens renoncent à cette plage importante de liberté. En plus, ils n'ont fondamentalement rien changé aux conditions de vie du peuple.

«L'intervention au Nord-Mali va s'inscrire dans la durée»


SlateAfrique - Comment expliquer que la classe politique ait perdu sa légitimité auprès d’une partie de l’opinion malienne?

Serge Daniel - Je le disais plus haut, une grande partie de la classe politique malienne a perdu sa légitimité, à cause du fait qu’elle a accepté de rentrer en apnée à un moment donné au lieu de continuer le combat démocratique.


SlateAfrique - Comment les dirigeants politiques peuvent-ils retrouver rapidement une légitimité?

Serge Daniel - Tout dépendra de la suite des événements. On peut tenir des élections cette année si l’essentiel est fait: le sort des déplacés, des refugiés et l’occupation effective des zones libérées par l’armée et l’administration.


SlateAfrique - L’intervention française va-t-elle s’inscrire dans la durée? Le risque d’une évolution à l’afghane est-il réel?

Serge Daniel - Les djihadistes mènent une guerre asymétrique: guérilla, attentat, embuscade. C’est donc forcément une intervention qui s’inscrit dans la durée. Mais je ne vois pas une évolution à l’afghane. Le risque est réel. Les djihadistes vont trouver, pour certains, refuges dans les pays voisins. La tête d’Aqmi est basée en Algérie, il ne faut pas l’oublier.


SlateAfrique - Les islamistes radicaux conservent-ils de nombreux partisans dans le nord Mali et aussi dans les autres régions du pays? Est-il possible de désenclaver le nord et de lui permettre d’accéder rapidement à un plus grand niveau de développement?

Serge Daniel - Oui, c’est possible de désenclaver le nord du Mali. Mais avec des hommes neufs. Avec cette dimension culturelle du développement dont je parlais tout à heure. Quand on parle du nord du Mali, certains voient tout de suite les Touaregs, mais il y a aussi les Peuls, les Arabes, les Sonraï etc. Les maires de Tombouctou et de Gao ont la peau noire. Le nord est multicolore.


SlateAfrique - Le Mali peut-il rapidement redevenir un pays stable et indépendant?

Serge Daniel - Il faut attendre quelques temps encore pour que le Mali soit un pays stable mais il peut devenir indépendant. La communauté internationale ne va pas tout de suite se retirer. Avec deux milles soldats tchadiens à Kidal, six autres milliers de soldats africains au centre et au sud, des milliers de militaires français et les Etats-Unis qui conseillent une force de maintien de la paix, les Maliens vont pendant de longs mois partager leur territoire avec les bonnes volontés qui veulent aider à maintenir debout l’Etat malien


Propos recueillis par Pierre Cherruau


Source:Slateafrique

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