Premiers destinataires des communiqués
d'Aqmi, les deux groupes de presse ne se privent pas de les publier. Une
proximité qui assure leur audience, mais les place sous le feu des critiques.
À chaque fois, le même procédé. Un coup de téléphone et puis plus rien. « Les
hommes d'Aqmi [Al-Qaïda au Maghreb islamique, NDLR] sont conscients des dangers
du téléphone. Ils jettent leurs puces après leurs appels, il est impossible pour
nous de les recontacter », assure Mohamed Ould Khattatt, rédacteur en chef à
l'Agence Nouakchott d'information (ANI). Ayant bien souvent la primeur des
communiqués de la nébuleuse terroriste, le petit groupe de presse privé
mauritanien (dont dépendent le site et le quotidien Nouakchott Info, ainsi que
Radio Nouakchott) ne se prive pas de les publier. Tout comme Sahara Média, une
autre agence mauritanienne (qui compte un site internet et une radio) contactée
régulièrement par Aqmi. Les sites des deux groupes, sur lesquels transitent
toutes les vidéos des otages occidentaux retenus au Sahel, sont devenus la seule
source des médias internationaux. Mais ne jouent-ils pas ainsi le jeu du groupe
jihadiste ?
Après la prise d'otages d'In Amenas, en janvier, l'ANI s'est retrouvée dans la
tourmente. Accusée par le quotidien algérien El Watan d'avoir relayé la «
propagande des terroristes » en acceptant de publier les communiqués des
assaillants, l'agence a dû s'expliquer devant la Haute Autorité de la presse et
de l'audiovisuel (Hapa) mauritanienne. « Nous ne faisons que notre travail.
Quand une info nous parvient, on ne doit pas la garder pour nous, estime Ould
Khattatt. Soit nous publions le communiqué tel quel, soit nous rédigeons une
dépêche. La Mauritanie étant première des pays arabes au classement de la
liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, nous pouvons nous
permettre de le retravailler dans les règles de l'art avant de le relayer. »
Sahara Média a échappé aux critiques. Pourtant, il avait aussi dépêché un
journaliste à In Amenas. Mais c'est l'ANI, en liaison téléphonique avec les
ravisseurs, qui a eu le privilège des scoops.
Écoles coraniques
L'Agence Nouakchott d'information a été créée en 2007 par la société Mapeci,
dont le propriétaire, Cheikhna Ould Nenni, soutenait Maaouiya Ould Taya (au
pouvoir de 1984 à 2005). S'il a subi beaucoup de pressions à la chute du
colonel, ce n'est désormais plus le cas. Sa nièce, conseillère à l'ambassade de
Mauritanie à Washington, est l'épouse du chef d'état-major de l'armée, Mohamed
Ould Ghazouani. Ce n'est pas un hasard si la petite structure a aujourd'hui la
confiance d'Aqmi : Mohamed Mahmoud Ould Aboulmaali, le directeur exécutif de
Mapeci, a commencé à enquêter peu après le 11 septembre 2001 sur les jihadistes
mauritaniens qui partaient vers In-Khalil (Nord-Mali) et l'Algérie rejoindre le
Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). Il les a vus grandir
et évoluer. En 2007, il a reçu leur premier communiqué et, en 2011, a décroché à
Gao une interview exclusive de l'ancien émir d'Aqmi Mokhtar Belmokhtar.
Abdallah Ould Mohamedi, le patron de Sahara Média - par ailleurs ancien
correspondant de l'agence marocaine de presse MAP et d'Al-Jazira pour l'Afrique
de l'Ouest -, a lui aussi commencé à s'intéresser très tôt aux groupes
jihadistes. Hormis un bon réseau, Ould Mohamedi, réputé prudent, a surtout
d'importants moyens matériels : il dispose de bureaux à Dakar et à Casablanca et
possède un studio de télévision ultramoderne à Nouakchott.
Mais une autre raison explique qu'Aqmi ait jeté son dévolu sur les médias
mauritaniens. « Les écoles coraniques du pays étant réputées pour leur bon
niveau, les Mauritaniens recrutés par le groupe se voient généralement confier
un rôle théologique, explique Hacen Ould Lebatt, auteur d'une étude sur Aqmi*.
Ce sont eux qui s'occupent de rédiger les communiqués et qui contactent la
presse. » En mars, c'est encore l'ANI qui a diffusé les communiqués annonçant
l'exécution de l'otage français Philippe Verdon.
Source: Jeuneafrique
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