Arrestations aux États-Unis et en Guinée,
rumeurs de corruption au plus haut niveau... Malgré les dénégations de BSGR, la
société de l'homme d'affaires israélien Beny Steinmetz est plus que jamais dans
la tourmente.
Dimanche 14 avril, à l’aéroport de Jacksonville, en Floride, Frédéric Cilins a
honoré le dernier rendez-vous d’une longue série avec la veuve de l’ancien
dictateur guinéen Lansana Conté. Mise sur écoute de son plein gré, cette
dernière a permis de monter un solide dossier dans le cadre de l’enquête pour
corruption menée par le FBI à l’encontre de BSGR, une société fondée par l'homme
d'affaires israélien Beny Steinmetz. L’intermédiaire français cherchait à
obtenir de la quatrième épouse de l'ex-président qu’elle détruise des copies de
contrat compromettantes, lui promettant jusqu’à 5 millions de dollars si elle
acceptait. Au moment de l’arrestation, les agents ont saisi plusieurs enveloppes
contenant au total 20 000 dollars en cash.
Le quotidien britannique Financial Times a pu se procurer des copies des
documents que Frédéric Cilins semblait si désireux de détruire. Bien que l’acte
d’accusation ne nomme à aucun moment la société minière pour le compte de
laquelle devaient être versés les pots de vin, les détails fournis ne laissent,
selon le quotidien britannique, guère de doute à ce sujet : il s’agit bien de
BSGR, la filiale minière de Beny Steinmetz Group (BSG).
Frédéric Cilins a quant à lui été décrit par l’actuel gouvernement guinéen comme
un agent de BSGR. La société a nié qu’il faisait partie de ses employés. L’acte
d’accusation n’identifie pas non plus la femme concernée, mais le Financial
Times estime qu’il s’agit bien de Mamadie Touré, la femme de Lansana Conté. En
effet, c’est sa signature qui apparaît au bas des contrats dont le quotidien a
obtenu copie.
"Bonne volonté"
D’après un contrat, apparemment signé par Asher Avidan, dirigeant de
l’implantation guinéenne de BSGR et ancien cadre du ministère de la Défense
israélien, la société a payé 4 millions de dollars pour obtenir les droits sur
le gisement du Simandou. 2 millions étaient destinés aux « personnes de bonne
volonté » qui ont mis de l’huile dans les rouages ; les deux autres millions
étaient destinés à une société du nom de Matinda.
Rio Tinto détenait les droits pour la totalité du Simandou, une chaîne de
montagne qui regorge de fer, pendant une dizaine d’années avant d’en être
dépossédé en août 2008 par le gouvernement Conté, au motif qu’il ne faisait pas
assez pour développer la mine. En décembre, quelques jours à peine avant la mort
du dictateur, le gouvernement a attribué plus de la moitié des droits pour le
Simandou à BSGR. C’est alors que la société israélienne a réalisé l’une des plus
incroyables transactions minières jamais conclues en Afrique en revendant 51% de
ses parts au brésilien Vale pour 2,5 milliards de dollars. Aujourd’hui, le
gouvernement guinéen, comme la société brésilienne, sont en train de revoir
leurs positions respectives.
Répercussions guinéennes
Une affaire qui n’est pas sans répercussions en Guinée. Dans un communiqué, le
ministère d’État chargé de la Justice a annoncé l'arrestation lundi 22 avril de
deux employés de BSGR : Ibrahima Sory Touré, vice-président et directeur des
relations publiques de la société et frère de Mamadie Touré, l'épouse de
l’ancien président Lansana Conté, qui vit actuellement aux Etats-Unis, et Issaga
Bangoura, responsable de la sécurité. Ces arrestations s’inscrivent, selon le
communiqué « dans le cadre d'une enquête pénale multi-juridictionnelle en cours
sur l'acquisition par la société BSGR de droits relatifs aux blocs 1 et 2 du
gisement de Simandou ».
Les deux cadres de BSGR sont tous deux des « témoins clefs » qui doivent être
entendus dans le cadre de cette affaire et leur arrestation « fait suite à des
activités suspectes visant à se soustraire de la procédure en cours ». Le
premier s’apprêtait à quitter le territoire guinéen alors que le second était,
en outre, recherché pour absence sans permission de son unité militaire.
Au cours des prochaines semaines, une commission mise sur pied par le
gouvernement guinéen pour examiner la légalité des licences minières devrait
publier ses conclusions au sujet de BSGR.
Gisements majeurs en souffrance
Cette histoire rocambolesque aura des conséquences majeures sur l'exploitation
du fer en Guinée, qui en est encore à ses balbutiements.Le pays, qui détient
pourtant les plus grandes réserves de ce minerai en Afrique de l'Ouest, n'est
pas parvenu à faire démarrer la production des gisements majeurs - mais isolés -
des régions de Guinée forestière et de Haute Guinée, malgré la présence de
plusieurs multinationales minières.
Suite à cette affaire de corruption, se pose notamment la question des réactions
des deux « majors » présentes en Guinée sur ce minerai : l'anglo-australien Rio
Tinto et le brésilien Vale. Rio Tinto, qui avait été déssaisi par l'État guinéen
des gisements du Simandou transférés à BSGR, pourrait demander des comptes,
alors qu'il développe ses projets sur les autres gisements du Simandou, associé
à Chinalco.
Quant au brésilien Vale, qui s'était associé avec BSGR en 2009 -avec le soutien
du président Lula -, il a refusé le 3 avril de régler ses engagements vis-à-vis
de l'israélien. Son avenir en Guinée paraît compromis à moins que l'État guinéen
ne signe un nouvel accord avec lui... sans BSGR cette fois-ci.
Source:Jeuneafrique.com
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