Des groupes de miliciens réclamaient, armes à la main, l'adoption d'une loi excluant de la politique les anciens cadres du régime de Kaddafi. Ils ont obtenu gain de cause, dimanche 5 mai.
Des manifestants en faveur du projet de loi, le 5 mai, à
Tripoli.
La pression de la rue a été la plus forte. Alors que des miliciens cernaient
depuis près d’une semaine les ministères de la Justice et des Affaires
étrangères, le Congrès général national libyen (CGN, Parlement), a adopté
dimanche un projet de loi sur l'exclusion politique des anciens collaborateurs
de l’ancien régime de Mouammar Kaddafi.
Juste après le vote, les miliciens ont annoncé qu’ils suspendaient leur
mouvement. Adoptée par 164 voix contre quatre, la nouvelle loi exclut d'office
le président du CGN Mohamed al-Megaryef, qui avait été ambassadeur en Inde sous
le régime de Mouammar Kaddafi durant les années 1980. « Il est un peu tôt pour
parler de l'exclusion de M. Megaryef. D'ici une semaine à dix jours, on verra
plus clair », a indiqué une source proche du président de l'Assemblée, laissant
entendre la possibilité d'« amendements ».
La loi, qui doit encore être ratifiée par la Commission juridique du CGN, risque
d'écarter aussi au moins quatre ministres du gouvernement d'Ali Zeidan et une
quinzaine de députés, dont le vice-président du CGN, Jomaa Atiga, selon un
responsable libyen. « On ne peut pas se prononcer à présent sur les personnes
qui pourraient être concernées par la loi », a déclaré Omar Hmidan, porte-parole
du CGN, précisant que la loi doit entrer en vigueur un mois après son adoption.
Frères musulmans
Le texte prévoit la formation d'une commission judiciaire qui se chargera de
l'application de la loi qui écartera de la vie politique durant une dizaine
d'années les personnalités ayant occupé des postes de responsabilité sous
l'ancien régime, depuis le 1er septembre 1969, date d'arrivée au pouvoir de
Mouammar Kaddafi, jusqu'à la chute de son régime en octobre 2011, après huit
mois de conflit. Sont concernés les anciens ministres, ambassadeurs, directeurs
de médias et officiers de la sécurité intérieure, voire les dirigeants de
syndicats d'étudiants ou doyens de facultés.
Ce n’est pas la première fois que le CGN est mis sous la pression des partisans
de cette loi. Début avril, le CGN avait adopté un amendement sur la Déclaration
constitutionnelle provisoire rendant impossible tout recours devant la justice
contre cette loi, avant même son vote ! Débattu maintes fois, le projet de loi
n'a cependant pas fait l'unanimité, car l'Alliance des forces nationales (AFN,
libérale) qui a remporté les législatives de juillet 2012, estimait qu'il a été
fait sur mesure pour exclure son chef, Mahmoud Jibril, président du Conseil
économique et social du temps de Kaddafi.
Le rival de l'AFN, le Parti pour la justice et la construction (PJC, islamiste,
issu des Frères musulmans libyens) s'est quant à lui félicité de l'adoption de
la loi. « Le bloc du PJC (au CGN) était le premier à demander son adoption », a
déclaré Mohamed Sawan, président du parti. « Le Congrès a pris une bonne
décision qui va faire baisser la tension dans la rue », a-t-il ajouté,
regrettant toutefois que cette loi porte atteinte à des figures historiques de
l'opposition libyenne qui ont travaillé même brièvement dans les années 1970 et
1980, en allusion notamment à M. Megaryef.
"Patience" ou "faiblesse" ?
De son côté, l'organisation de Défense des droits de l'homme, Human Rights
Watch, a mis en garde le CGN contre une adoption précipitée de la loi pour
satisfaire des milices qui encerclaient des ministères à Tripoli. « Le CGN ne
doit pas se laisser bousculer pour adopter de très mauvaises lois, parce que des
groupes d'hommes armés l'exigent », a ajouté Sarah Leah Whitson, directrice de
Human Rights Watch pour le Proche-Orient et l'Afrique du Nord.
Samedi, M. Zeidan, a répété que, face aux miliciens qui bloquent des
institutions de l'État, son gouvernement a privilégié le dialogue et la «
patience ». Mais les Libyens accusent de « faiblesse » les autorités qu'ils
estiment incapables de former une police et une armée pouvant faire le poids
face à des miliciens lourdement armés.
(Avec AFP)
Source:jeuneafrique.com
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