Cinquante ans de l'Union africaine, quel bilan en matière du respect des droits de l'homme sur le continent ? Sidiki Kaba, président d'honneur de la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) livre à Jeune Afrique son analyse.
Sidiki Kaba, président d'honneur de la FIDH.
Quel bilan dressez-vous de l'état des droits de l'homme
sur le continent, cinquante ans après la création de l'Organisation de l'union
africaine (OUA) ?
Il est mitigé. Avant les indépendances, les premiers dirigeants africains
avaient mis en avant la lutte pour les droits des peuples. Sur ce plan, c'est un
succès. Le continent est aujourd'hui totalement décolonisé. Mais lorsqu'il a
fallu appliquer les libertés revendiquées contre les colonisateurs, certains ont
affirmé que les droits étaient un luxe ou une notion importée. Dans ce domaine,
il faut progresser, même s'il y a eu des avancées.
Comment l'Union africaine (UA) pourrait-elle empêcher les
violations des droits de l'homme ?
Elle doit mieux anticiper des situations de conflits. L'organisation devrait
ensuite mettre en place une armée africaine dotée de moyens propres. Le
problème, c'est que nos institutions manquent de pouvoirs et de ressources.
L'UA a-t-elle raison de soutenir le président soudanais
Omar el-Béchir, visé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale
(CPI) ?
"L'UA doit soutenir les populations qui luttent pour leurs droits."
La tragédie du Soudan a montré son incapacité à réagir. Elle a abouti à
l'éclatement du plus grand État d'Afrique. Lorsque la communauté internationale
a saisi la justice internationale, le syndicat des chefs d'État africains a fait
bloc au détriment des populations civiles. Cela est choquant. L'UA doit soutenir
les populations qui luttent pour leurs droits plutôt que les chefs d'État qui
les répriment.
Le Mali organisait des élections crédibles, les droits y
étaient respectés. Cela n'a pas empêché son effondrement. Les droits de l'homme
sont-ils le seul critère à prendre en compte ?
Il faut pointer du doigt ces démocraties qui n'en ont que l'apparence. La bonne
gouvernance ou l'utilisation des fonds de l'État au service des populations sont
également nécessaires. Au Mali, la gestion consensuelle du président Amadou
Toumani Touré a masqué des dérives. L'État a échoué dans ses missions
régaliennes, la décentralisation n'a pas permis d'intégrer les populations du
Nord, la corruption s'est aggravée et le crime transfrontalier s'est développé.
L'avez-vous suffisamment dénoncé ?
Nos communiqués l'attestent. Nous avons dit qu'il fallait éteindre l'incendie
dès les premières crises dans le Nord. En même temps, il fallait soutenir le
processus en cours pour que les Maliens se dotent d'un président
démocratiquement élu. Il n'a manqué que trois semaines.
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Propos recueillis par Pierre Boisselet
Source:Jeuneafrique
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