Selon un rapport publié conjointement par la Banque africaine de développement et l'ONG Global Financial Integrity, le déficit net de ressources et les fuites illégales de capitaux depuis trente ans compromettent le développement du continent.
Le siège temporaire de la Banque africaine
de développement, à Tunis.
Entre 1980 et 2009, les sorties nettes de capitaux du continent africain ont
atteint entre 597 et 1 400 milliards de dollars (1 000 milliards d’euros),
estime un rapport conjoint de la Banque africaine de developpement (BAD ) et
l’ONG américaine Global Financial Integrity (GFI). Rendu public le 29 mai lors
des Assemblées annuelles de la BAD, qui se déroulent jusqu'au 31 mai à
Marrakech, ce document, baptisé "Les flux financiers illicites et le problème
des transferts nets de ressources en provenance d'Afrique : 1980-2009", vient
contredire l'idée généralement reçue selon laquelle le continent profiterait de
la générosité occidentale... « L’idée reçue a toujours été que l'Occident
injecte de l'argent en Afrique, grâce à l'aide étrangère et aux autres flux de
capitaux du secteur privé, sans recevoir grand-chose en retour. Notre rapport
inverse le raisonnement : l'Afrique est en situation de créancier net par
rapport au reste du monde depuis des décennies », a déclaré Raymond Baker,
directeur du centre de recherche et de défense GFI, basé à Washington. « La
fuite des ressources hors de l’Afrique au cours des trente dernières années –
quasi l’équivalent du PIB actuel de l’Afrique – freine le décollage du continent
», a déclaré Mthuli Ncube, économiste en chef et vice-président de la BAD.
Selon le rapport, les flux financiers illicites représenteraient l'essentiel de
ses montants, sans doute au-delà des 1000 milliards de dollars entre 1980 et
2009. Mais l'evaluation reste complexe. « Nous avons utilisé quatre
méthodologies différentes pour mesurer ces flux illicites, ce qui explique la
différence importante entre le niveau bas et le niveau le plus haut de notre
estimation », souligne Raymond Baker, interrogé par Jeune Afrique en marge des
Assemblees annuelles. GFI et la BAD ont ainsi utilisé les desequilibres dans les
balances de paiement mais aussi les différences dans les statistiques
commerciales entre les pays, mesurées par le FMI. « Lorsqu'un pays fait état de
100 milliards de dollars d'exportations vers un autre pays, tandis que ce
dernier enregistre 200 milliards d'importations venant de son partenaire, il y a
une différence de 100 milliards qui ont disparu », illustre Raymond Baker.
Transparence
Pour lutter contre ce phénomène de sorties illicites, plusieurs pistes sont
envisagées. En plus de veiller à l’application stricte des réglementations
anti-blanchiment déjà en vigueur, le rapport préconise de demander aux banques
et aux paradis fiscaux de fournir régulièrement à la Banque des règlements
internationaux (BRI) des informations détaillées sur les dépôts, qui précisent
le secteur, l’échéance et le pays de résidence des détenteurs de comptes de
dépôt. La BRI pourrait ensuite être autorisée à diffuser largement ces
informations bancaires auprès des pays d’origine et de destination concernés.
Enfin, s’attaquer au problème posé par les sociétés écrans ainsi que les
fondations et sociétés d’investissement est essentiel. La BAD et le GFI
suggèrent de demander confirmation quant à la propriété effective de tous les
comptes bancaires et valeurs mobilières, et exiger que les informations sur les
vrais propriétaires physiques de toutes les sociétés soient divulguées au moment
de leur constitution et disponibles dans des registres publics. « Ce qu'il faut,
c'est la transparence », insiste Raymond Baker.
Source:Jeuneafrique
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