Dans son ouvrage "Le Printemps arabe : une manipulation ?" (éd. Max Milo), paru fin 2012, Naoufel Brahimi El Mili, professeur à Sciences-Po Paris, envisage le Qatar comme un relais régional des États-Unis. L'émirat oeuvrerait pour concrétiser la vision américaine de "Grand Moyen-Orient" esquissée par George W. Bush et revisitée par Barack Obama. Le docteur en sciences politiques confie à "Jeune Afrique" son analyse des rapports entre l'émirat et la République algérienne, épargnée par les révolutions de 2011.
L'émir du Qatar Hamad Ibn Khalifa Al Thani avec l'Algérien
Abdelaziz Bouteflika. © Farouk Batiche/AFP
Jeune Afrique : Que pensent les décideurs algériens du
Qatar ?
Naoufel Brahimi El Mili- Certains disent qu'il faut le ménager, d'autres
préfèrent le négliger. Car l'Algérie est riche et n'a pas besoin de l'argent
qatari : c'est la limite de l'émirat dans la République. Mais en haut lieu, on
ne sous-estime pas son pouvoir de nuisance - pouvoir que les diplomates qataris
ont rappelé à leurs homologues algériens en leur répétant, au Maroc puis en
Égypte, alors qu'ils s'opposaient sur la question syrienne : « Votre tour
viendra. » Cela peut inquiéter les Algériens, par ailleurs très anxieux de ce
qui se passe à leurs frontières malienne et libyenne.
Comment cette menace se manifeste-t-elle ?
Pendant la prise d'otages de la raffinerie d'In Amenas, à qui Al-Jazira a donné
la parole ? À Abassi Madani [l'un des fondateurs du Front islamique du salut
(FIS) algérien, exilé à Doha], qui répétait à l'envi que le peuple était choqué
de l'autorisation donnée à la France de survoler le territoire. De même, la
chaîne avait été la seule à couvrir une manifestation d'Ali Belhadj [ancien
numéro deux du FIS] qui n'a rassemblé qu'une quarantaine de personnes dont,
selon moi, une bonne moitié d'indicateurs. Un non-événement. C'est le type de
choses que les Qataris pratiquent en Algérie...
Quel est leur objectif ?
Le Qatar fait tout pour que Tunis ne se tourne pas vers Alger. L'Algérie, qui
vient de prêter 5 milliards de dollars [3,9 milliards d'euros] au FMI [Fonds
monétaire international], a les moyens d'aider la Tunisie voisine. Mais jusqu'à
présent, le pouvoir tunisien ne lui a rien demandé. Le Qatar et Ennahdha sont en
train d'installer un firewall. Pour moi, la seule façon pour qu'Alger - qui
traverse un grand moment de solitude diplomatique - soit pris au sérieux au
niveau régional, c'est de faire un plan Marshall pour la Tunisie. Et l'Algérie,
qui reçoit 80 000 ouvriers chinois, pourrait très bien ouvrir sa porte à 50 000
travailleurs tunisiens. Cela signifierait le retour d'Alger sur les radars
régionaux, ce dont les Qataris ne veulent en aucun cas.
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Propos recueillis par Laurent de Saint Perier
Source:http://www.jeuneafrique.com
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