Le président américain est attendu au Sénégal pour une tournée qui le conduira aussi en Tanzanie et en Afrique du Sud.
Banderole préparée pour l'accueil d'Obama à Dakar / Reuters
« …Alors ne vous y trompez pas : l’histoire est du côté de ces courageux
Africains et non dans le camp de ceux qui se servent de coups d’Etat ou qui
modifient les constitutions pour rester au pouvoir. L’Afrique n’a pas besoin
d’hommes forts, mais de fortes institutions ». Ainsi s’exprimait le président
américain Barack Obama devant le Parlement ghanéen en 2009 lors de son premier
voyage en terre africaine au cours de son premier mandat. Et le moins qu’on
puisse dire, c’est que le président américain est resté droit dans sa logique. A
l’heure où il s’apprête à refouler le sol africain lors de ce qui sera
certainement sa dernière tournée africaine en tant que président des Etats-Unis
d’Amérique, cette détermination du locataire de la Maison Blanche en faveur de
la démocratie et de l’Etat de droit, reste forte. Il n’y a qu’à regarder les
Etats dans lesquels Air Force One va se poser pour s’en convaincre.
Les pays africains choisis valent bien un détour
Le Sénégal, qui est sorti la tête haute de la dernière présidentielle alors que
le risque d’une crise postélectorale menaçait de remettre en cause les acquis
démocratiques du pays, aura fait la preuve de sa maturité démocratique. La
Tanzani qui, par la qualité de sa démocratie a su préserver l’héritage de son
premier et charismatique président, Julius Nyeréré. Quant à l’Afrique du Sud,
au-délà de ce qu’on peut reprocher au régime de Jacob Zouma, elle est une des
meilleures expériences de lutte pour l’égalité et la démocratisation sur le
continent. Si l’on ajoute à cela l’exemple qu’incarne celui que les
Sud-africains appellent affectueusement Madiba et qui est au soir de sa vie, on
comprend aisément le choix de l’étape sud-africaine.
Icône mondiale, il aurait pu régner à vie sur cette République sud-africaine.
Mais, du haut de sa sagesse, il a préféré se faire oublier, quitter le pouvoir
et tous ses avantages, ses honneurs afin que l’Afrique du Sud et bien entendu
ses institutions prévalent. Sur le continent, on ne connait que trop bien ces
chefs d’Etat bien moins emblématiques, qui s’estiment pourtant indispensables à
leurs pays respectifs. Ainsi, Nelson Mandela mérite bien plus qu’une visite. Et
pour leur exemplarité en matière de démocratie, les pays africains choisis
valent bien un détour et Obama ne s’y est pas vraiment trompé. Ce deuxième
voyage de Barack Obama en terre africaine suscite peu d’enthousiasme. Cela est
évident. La chute de la fièvre de l’ « Obamania » qui avait secoué le monde en
2008, est compréhensible à bien des égards. L’image de marque du président Obama
a pris un coup dans ses multiples combats contre les Républicains, mais aussi et
surtout à l’occasion de plusieurs affaires qui ont achevé d’étaler à la vue du
monde la face peu reluisante, pour ne pas dire sombre, de la démocratie
américaine tant vantée. Les affaires Wikileaks, Snowdon et dans une certaine
mesure l’affaire du blogueur chinois ont démontré les limites de l’attachement
des Etats-Unis d’Amérique à la démocratie, aux libertés fondamentales dont ils
se proclament pourtant le chantre.
Le récent sommet du G8 où Obama et les six autres dirigeants des huit pays les
plus puissants du monde sont restés « impuissants » face à un Vladimir Poutine
intraitable, notamment sur le dossier syrien, n’a pas non plus révélé un
président américain suffisamment fort et influent. Tous ces faits ont contribué
à écorner l’image des Etats-Unis d’Amérique et de leurs représentants au premier
rang desquels se trouve le président Obama.
Mais, il y a également le fait que bien des gens se sont fait beaucoup
d’illusions au moment de l’accession au pouvoir du premier président noir des
Etats-Unis, dont le père était africain. Ils étaient nombreux à voir en Obama le
messie qui réglerait les problèmes de l’Afrique d’un coup de baguette magique.
Ceux-là sont déçus.
Accepter avec sagesse les conseils du « cousin » venu
d’Amérique
Cela devait arriver et c’est tant mieux pour ces Africains pleins d’illusions.
En effet, les Africains doivent se convaincre que personne n’a le devoir de
faire leur bonheur à leur place. Il peut arriver que quelqu’un leur indique la
voie, les aide à l’emprunter, mais il leur appartient, au premier chef, de faire
le chemin. En cela, cette désillusion, ce réveil douloureux de ceux qui refusent
de comprendre que l’Afrique doit sortir de l’assistanat dans lequel elle se
trouve, est salutaire. Sur le plan de l’aide financière aux pays africains,
Obama aura, jusque-là, fait moins que Georges Bush qui se sera bien illustré à
travers le Millenium challenge corporation (MCC) et la loi sur la croissance et
les possibilités économiques en Afrique (en anglais AGOA). Mais Obama aura donné
à l’Afrique ce qu’il y a de mieux : conformément à la sagesse chinoise, il aura
appris à pêcher au continent au lieu de lui donner le poisson. Il lui aura
rappelé, avec conviction, que le secret du développement se trouve dans la
démocratisation réelle. Et cela vaut bien plus que des milliards. Malgré ses
déboires, Obama reste un leader très apprécié et respectable.
C’est le genre de visiteurs qui vous légitiment aux yeux de la communauté
internationale. On comprend donc aisément pourquoi sa tournée africaine charrie
son lot de « bienheureux » et de « malheureux ». Ceux qui ont l’honneur de
recevoir à leur table cet hôte de marque, ne boudent pas leur plaisir. Par
contre, ils sont certainement plus nombreux ceux qui grinceront des dents.
Certains pays comme le Burkina Faso pouvaient certainement rêver d’accueillir «
l’homme le plus puissant du monde ». Certainement qu’on se serait frotté les
mains à Kosyam. Quand on connait l’attachement des Etats-Unis à la sécurité, on
peut penser que le Burkina aurait pu mériter un clin d’œil de la part du
président américain. Cela aurait été la récompense des efforts du pays et de son
président, Blaise Compaoré, médiateur devant l’Eternel, pour la paix et la
stabilité de la sous-région. Mais Obama ne l’entend pas de cette oreille.
On peut longuement épiloguer sur les raisons qui font que, malgré sa diplomatie
active, le Burkina n’ait pas réussi à amadouer le locataire de la Maison
blanche. Mais, tout comme pour bien des Etats ignorés comme le Kenya, patrie de
son père, la vraie raison qui aurait contribué à ne pas faire du Burkina une
étape désirable pour Obama réside tout simplement dans l’insuffisance de la
qualité de la pratique démocratique du pays des Hommes intègres. Tant que dans
l’entendement américain, les institutions, dans leur essence et dans leur mise
en œuvre, ne seront pas suffisamment fortes, le Burkina et les Etats qui lui
ressemblent au plan de la gouvernance politique, seront aux antipodes du modèle
que prône Obama qui, dans son discours d’Accra, n’a pas manqué de relever que «
c’est le changement qui peut déverrouiller les potentialités de l’Afrique ».
Loin de s’en offusquer, il faudra plutôt accepter avec sagesse les conseils du «
cousin » venu d’Amérique. Car, malgré les limites objectives et déplorables à
plus d’un titre de la gouvernance américaine, il n’en demeure pas moins vrai
qu’en matière de pratique démocratique, les Etats-Unis se situent à des années
lumières de la plupart des Etats africains. C’est probablement le secret de leur
développement et de leur puissance tant enviés. Obama est donc en bonne posture
pour donner des leçons aux dirigeants africains dans leur grande majorité.
Source: Le Pays
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