La loi américaine ne pourrait être plus
claire: toute aide militaire ou économique à un pays dont le gouvernement a été
renversé par l'armée doit être annulée. Mais trois jours après la destitution de
Mohamed Morsi en Egypte, Washington préférait temporiser, de façon à mieux
exercer son influence.
Les acrobaties verbales de Barack Obama et d'autres responsables américains pour
éviter le mot tabou de "coup d'Etat" témoignent de leur volonté de ne pas trop
affaiblir les généraux égyptiens, tout en les menaçant implicitement au cas où
des élections libres n'étaient pas rapidement organisées.
"Aucun des fonds (...) ne peut servir à financer directement une aide au
gouvernement d'un pays où le chef de gouvernement dûment élu est déposé par un
coup d'Etat militaire", énonce un article de la loi budgétaire, régulièrement
reconduit depuis 1985.
Une autre clause précise que l'Egypte doit "soutenir la transition vers un
gouvernement civil". Mais depuis 2012, les secrétaires d'Etat Hillary Clinton
puis John Kerry ont chacun levé cette condition pour dégeler les crédits, au nom
des intérêts de sécurité nationale.
L'aide militaire (1,3 milliard de dollars en 2013) couvrirait près de 80% des
achats annuels d'équipements par l'armée égyptienne. Les crédits 2013 ont déjà
été alloués, mais en pratique, les Etats-Unis financent des contrats étalés sur
plusieurs années auprès de fabricants américains, surtout de chars et d'avions
de chasses.
"Ce n'est pas comme si les Egyptiens recevaient un chèque d'1,3 milliard de
dollars", explique Robert Satloff, directeur du Washington Institute for Near
East Policy, à l'AFP. "L'administration peut décider de bloquer les livraisons"
dit-il. "Mais elle va attendre de voir comment la situation évolue en Egypte
avant de prendre toute décision".
Un contrat portant sur 20 chasseurs F-16 a été signé en 2010 avec Lockheed
Martin, dont quatre ont été livrés en janvier, selon un rapport indépendant du
Congrès (12 à la date d'avril, selon Fox News). Depuis 1980, plus de 220 F-16
ont été donnés aux Egyptiens.
Le débat sur l'aide se concentrerait donc sur les livraisons du solde des F-16.
Au passage, les annuler aurait des conséquences en termes d'emplois aux
Etats-Unis, à un an des élections législatives.
Moyen de pression
Barack Obama s'est dit "profondément inquiet" par la destitution du président
Morsi, et a indiqué que son gouvernement allait "examiner les implications
légales concernant notre aide au gouvernement égyptien".
Selon Tamara Cofman Wittes, ancienne responsable du département d'Etat
aujourd'hui à la Brookings Institution, cette déclaration a été ciselée pour
inciter le gouvernement de transition à donner rapidement des garanties
démocratiques.
Ne pas avoir parlé de coup d'Etat "donne du temps aux gouvernements américain et
égyptien pour avoir une série de conversations sur les intentions de l'armée,
sur la feuille de route et le calendrier", dit-elle à l'AFP.
Prudents, les responsables démocrates comme républicains du Congrès ont préféré
les périphrases au terme de "coup d'Etat". Le président de la commission des
Affaires étrangères de la Chambre des représentants, Ed Royce, a ainsi évoqué
vendredi "la décision de l'armée égyptienne de reprendre l'autorité de l'Etat
aux mains des Frères musulmans".
Si quelques élus, comme le démocrate Patrick Leahy, entendent remettre en cause
l'aide militaire, le sénateur républicain Bob Corker a estimé qu'il fallait
d'abord "avoir en tête nos intérêts vitaux de sécurité nationale".
Ces intérêts incluent notamment la sécurité du canal de Suez, dit à l'AFP
Michael Rubin, expert du Moyen-Orient au centre de réflexion conservateur
American Enterprise Institute.
"Le canal de Suez est très important, car tous les bateaux de notre côte Est
passent par le canal de Suez pour se rendre dans le Golfe Persique, via la
Méditerranée", rappelle-t-il.
Le calendrier parlementaire américain donnera en outre un peu de marge de
man?uvre au Caire: le montant de l'aide américaine pour l'année budgétaire 2014,
qui commence le 1er octobre, ne devrait être voté au Congrès qu'après l'été.
Source:AFP
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