Alors que le scrutin est prévu le 28 juillet, de nombreuses voix dénoncent déjà des irrégularités.
Près de sept millions de Maliens sont appelés à élire dans une semaine leur
nouveau président, un scrutin censé ramener paix et stabilité, mais déjà
contesté.
Le président malien par intérim, Dioncounda Traoré, et même le secrétaire
général de l'ONU, Ban Ki-moon, ont prévenu d'avance que cette élection
présidentielle dont le premier tour a lieu dimanche prochain, serait
«imparfaite», mais qu'il faudrait néanmoins en «accepter» les résultats.
Les violences de jeudi et vendredi qui ont fait quatre morts à Kidal (1.500 km
de Bamako) et les enlèvements samedi d'agents électoraux et d'un élu plus au
nord, à Tessalit, font planer de très sérieux doutes sur la tenue du scrutin
dans cette région du nord-est du Mali, berceau des Touareg et de leur rébellion.
Déjà mauvaises avant le début du conflit au Mali dont tout le Nord a été occupé
en 2012 par des jihadistes un temps alliés à la rébellion touareg du Mouvement
national de libération de l'Azawad (MNLA), les relations entre communautés
noires, majoritaires, et les «peaux claires», essentiellement Arabes et Touareg,
se sont depuis considérablement dégradées.
Les «peaux claires» sont assimilés aux groupes djihadistes et au MNLA,
considérés comme les responsables des malheurs du pays. Et l'arrivée de soldats
maliens à Kidal début juillet a attisé les haines.
Si le vote n'avait pas lieu à Kidal, l'impact serait presque insignifiant sur
les résultats, vu le peu d'électeurs dans la zone.
«Mais cela exposera l'incohérence de l'approche qui consistait à faire de la
participation de toutes les régions du Mali une condition sine qua non de la
tenue du scrutin présidentiel" sans se donner le temps d'une "organisation
sereine dans la région de Kidal», a déclaré à l'AFP Gilles Yabi, d'International
Crisis Group (ICG).
La tenue de cette élection —six mois après le début d'une intervention armée
internationale initiée par la France pour chasser les djihadistes qui occupaient
le Nord et menaçaient d'avancer vers le Sud— est prévue pour mettre fin à la
plus grave crise de l'histoire récente du pays.
Mais des analystes, dont Gilles Yabi, et un des 28 présidentiables, Tiébilé
Dramé, qui a décidé de retirer sa candidature, ont vainement demandé le report
d'un scrutin "bâclé" et dont les résultats risquent d'être «contestés».
ICG a listé fin juin les obstacles au bon déroulement du scrutin: la
distribution à temps de nouvelles cartes à 6,9 millions d'électeurs, le
redéploiement inachevé de l'administration centrale dans le Nord, l'absence de
retour chez eux de 500.000 réfugiés et déplacés ayant fui le conflit et dont la
plupart risquent de ne pas pouvoir voter.
Un scrutin préparé «à la hâte»
Quant à Tiébilé Dramé, artisan d'un accord de paix signé en juin à
Ouagadougou avec la rébellion touareg, il s'est retiré parce que, selon lui,
«les conditions d'une élection régulière ne sont pas réunies». Il a mis en avant
le cas de Kidal où le scrutin est préparé "à la hâte" par le gouverneur rentré
dans sa région il y a moins d'une semaine.
Il s'est aussi montré très critique à l'égard de la France qui a exercé une
forte pression pour que la présidentielle ait lieu en juillet. Dès avril, le
président français François Hollande avait dit qu'il serait "intraitable" sur le
respect d'un calendrier qu'il a lui-même fixé.
«Nous sommes reconnaissants à la France pour ce qu'elle a fait pour nous, mais
on peut aider un pays à se libérer sans toucher à sa dignité», a affirmé Tiébilé
Dramé.
La présidentielle doit sceller la «réconciliation» d'un Mali divisé et rétablir
l'ordre constitutionnel interrompu par le coup d'Etat militaire du 22 mars 2012
qui avait renversé le président élu Amadou Toumani Touré.
Le putsch avait précipité la chute du nord du Mali aux mains du MNLA et de
djihadistes qui y ont commis pendant neuf mois d'innombrables exactions, qui ont
pris fin grâce à l'intervention de l'armée française à partir du 11 janvier, aux
côtés d'une armée malienne humiliée par sa débâcle de 2012 et d'autres armées
africaines.
Ces troupes africaines ont été intégrées depuis le 1er juillet à une mission de
stabilisation de l'ONU au Mali, la Minusma, actuellement composée de 6.300
hommes qui assureront la sécurité du scrutin, avec l'éventuel soutien des 3.200
soldats français toujours présents au Mali.
Des éléments jihadistes dits «résiduels» restent actifs et pourraient saisir
l'occasion pour commettre un coup d'éclat, en particulier dans le Nord.
Vingt-sept candidats, dont une seule femme, demeurent en lice pour le premier
tour après le retrait de Tiébilé Dramé. Ibrahim Boubacar Keïta, 69 ans, cacique
de la vie politique, et Soumaïla Cissé, ingénieur de 63 ans, ancien responsable
de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa), sont considérés
comme favoris.
Un second tour aura lieu le 11 août si aucun candidat n'obtient la majorité
absolue le 28 juillet. Le scrutin sera surveillé par de nombreux observateurs
internationaux, dont 90 de l'Union européenne (UE).
Slate Afrique avec AFP
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