M algré l'optimisme affiché, le jeune gouvernement somalien, qui représentait il y a un an le premier espoir de paix en Somalie depuis plus deux décennies, a peu à célébrer pour son premier anniversaire, marqué par une série de mauvaises nouvelles.
Le 20 août 2012, s'achevait huit ans de mandat du Gouvernement fédéral de
transition, faible et corrompu. Un nouveau Parlement, désigné par les chefs
coutumiers, investi dans la foulée, élisait le 10 septembre suivant un nouveau
président, Hassan Cheikh Mohamoud, au terme d'un processus initié et appuyé par
la communauté internationale.
Présentées comme le début du processus de rétablissement d'un véritable
gouvernement central dont la Somalie est privée depuis la chute du dictateur
Siad Barre en 1991, ces nouvelles autorités suscitent alors l'optimisme de la
communauté internationale qui injecte des milliards de dollars dans ce pays
qu'elle a abandonné depuis deux décennies.
Un an après, les islamistes shebab affiliés à Al-Qaïda sont loin d'être vaincus,
malgré de sévères revers. Parallèlement les chefs de guerre reviennent en force,
les rivalités entre clans s'aiguisent et des régions affirment leur autonomie.
Le tout dans un climat de violence et d'insécurité persistantes.
Comme un symbole, le 15 août dernier, l'ONG Médecins sans Frontières (MSF),
présente depuis 1991 dans le pays, annonce son départ du pays arguant que "le
respect des principes humanitaires (...) n'existe plus en Somalie".
"L'acceptation de la violence contre les travailleurs humanitaires imprègne
toute la société somalienne" et est "partagée par de nombreux groupes armés
ainsi qu'à de nombreux niveaux du gouvernement, des chefs de clan aux
commissaires de district", expliquait récemment le président de MSF, Unni
Karunakara.
Le départ de MSF "intervient à un moment où les dirigeants mondiaux, pour la
première fois en deux décennies, commençaient à se répandre en discours positifs
sur un pays sur le chemin de la guérison, doté d'un gouvernement",
soulignait-il: "pour eux le moment choisi pour notre décision n'aurait pu être
pire".
Certes, Mogadiscio, ravagée par des années de combats urbains, se reconstruit et
reprend vie depuis que les shebab en ont été chassés en août 2011 par la force
de l'Union africaine (Amisom). Mais hors de la capitale, la situation demeure
sombre.
"Rarement a-t-il été aussi important de garder à l'esprit le vieil adage:
Mogadiscio n'est pas la Somalie", rappelle Matt Bryden dans un rapport du Centre
des Etudes internationales stratégiques (CSIS).
"Le flot d'habitants de retour, d'investisseurs, de travailleurs humanitaires et
de diplomates à Mogadiscio ne s'est produit nulle part ailleurs dans le pays,
créant une bulle d'optimisme artificielle, quasi-surréaliste", poursuit l'ancien
chef du Groupe de surveillance de l'ONU pour la Somalie.
Morcellement du territoire
Il y a un an, le nouveau gouvernement somalien était décrit comme la meilleure
chance de paix en Somalie en 20 ans.
En mai dernier, le Premier ministre britannique David Cameron affirmait que les
progrès en Somalie avaient "dépassé toutes les attentes". Mais pour les
chercheurs de l'Institut pour les Etudes de sécurité (ISS), ces progrès sont au
contraire "péniblement lents".
"L'échec du gouvernement du président Hassan Cheikh Mohamoud à asseoir son
autorité au-delà de Mogadiscio et le chaos régnant dans de nombreuses parties du
pays rappellent durement les considérables obstacles à une paix durable en
Somalie", selon l'ISS.
La faible -voire inexistante- influence du gouvernement hors de Mogadiscio
accentue le morcellement du territoire.
Le Somaliland, partie nord du territoire somalien, a fait sécession dès 1991 et
tient farouchement à son indépendance, loin des errements somaliens. Les
autorités du Puntland, région du nord-est qui s'est déclarée autonome en 1998,
ont elles annoncé début août, suspendre leurs relations avec Mogadiscio, accusé
de "refuser le partage du pouvoir, des ressources et de l'aide étrangère".
Au sud, deux chefs de guerre, dont le puissant ex-islamiste Ahmed Madobe,
s'affrontent pour le contrôle de la région du "Jubaland" et rejettent l'autorité
de Mogadiscio.
En outre de vastes zones rurales du centre et du sud restent aux mains des
shebab. Affaiblis et divisés, ils restent capables d'attaques spectaculaires
jusque dans Mogadiscio, comme l'assaut mené en juin contre le principal complexe
de l'ONU dans la capitale somalienne.
Les shebab restent la "principale menace à la paix et la sécurité en Somalie",
selon le Groupe de contrôle de l'ONU sur la Somalie qui estime leurs effectifs à
5.000 combattants.
Autre signe du chaos persistant, l'ONU vient d'annoncer une résurgence de la
poliomyélite, dont la Somalie était considéré comm débarrassé depuis 2007.
Les Nations Unies dénoncent aussi une violence sexuelle "généralisée", largement
attribuée aux membres de l'embryon d'armée somalienne, agrégat d'ex-miliciens de
tous bords.
Plus d'un million de Somaliens sont toujours réfugiés à l'étranger et un autre
million restent déplacés à l'intérieur du pays, le plus souvent dans des
conditions terribles.
Plus de 2,7 millions de Somaliens continuent de dépendre de l'aide humanitaire,
selon Philippe Lazzarini, coordinateur humanitaire de l'ONU selon qui "les
progrès sont fragiles et l'ampleur de la crise reste énorme".
Source:Slateafrique
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