A lors que l'UE invite les groupes armés actifs dans l'est de la RDC à "déposer les armes", Me Omar Kavota, vice-président et porte-parole de la société civile (un regroupement d'ONG) du Nord-Kivu, de retour d'une mission de plaidoyer à Washington, appelle la brigade d'intervention de la Monusco à "poursuivre" l'offensive contre les rebelles du Mouvement du 23-Mars (M23) et demande l'ouverture d'une "enquête mixte" sur la mort, le 24 août, de deux manifestants anti-Monusco dans la ville de Goma. Interview.
Me Omar Kavota, porte-parole de la société civile du
Nord-Kivu.
Malgré la zone de sécurité tracée entre Goma et Sake par les troupes onusiennes,
plusieurs obus sont tombés dans la capitale du Nord-Kivu depuis la reprise des
affrontements, le 21 août, entre l'armée congolaise et les rebelles du Mouvement
du 23-Mars (M23). Une situation qui envenime la cohabitation déjà difficile
entre les Casques bleus et les Gomatraciens, entendez habitants de Goma.
Exaspérés, ces derniers multiplient, ces derniers jours, des manifestations
anti-Monusco, exigeant de voir la brigade d'intervention internationale
déclencher la traque des groupes armés.
L'Union européenne a affirmé, le 26 août, soutenir "les initiatives de la
Monusco en vue d'assurer la protection des civils, y compris le déploiement de
la brigade d'intervention internationale au Nord-Kivu", condamnant en même temps
la reprise des combats autour de Goma. L'UE a également insisté sur "le besoin
urgent pour le M23 et les groupes armés de déposer les armes".
De son côté, la société civile du Nord-Kivu a dépêché, du 17 au 25 août, une
mission de plaidoyer à Washington pour exprimer le ras-le-bol de la population
de Goma face à la persistance de l'insécurité dans la partie est de la RDC.
Conduite par Me Omar Kavota, son vice-président et porte-parole, la délégation a
rencontré, le 20 août, Chris Coons, le président de la sous-commission des
Affaires étrangères du Sénat américain pour l'Afrique. Avant d'être reçu le
lendemain au département d'État et le jour suivant, par les membres du bureau
Afrique de la Maison blanche et par quelques ONG américaines.
Jeune Afrique : Quel était l'essentiel du message de la
société civile du Nord-Kivu aux autorités américaines ?
Me Omar Kavota- Nous sommes allés alerter les États-Unis sur la situation qui
prévaut au Nord-Kivu. L'accord-cadre d'Addis-Abeba est constamment violé. Nous
sommes allés rappeler à quel point le Rwanda continue de soutenir les rebelles
du M23 en hommes et en munitions dans les combats en cours à Kibati, à une
dizaine de kilomètres de Goma. Nous avons également dénoncé la protection de
criminels recherchés par les juridictions congolaises par Kigali. Refuser de les
extrader en RDC constitue une violation de l'accord-cadre par lequel les 11
États signataires se sont engagés à ne pas héberger sur leur territoire les
criminels qui déstabilisent la région des Grands Lacs.
"L'Ouganda combat les rebelles islamistes en Somalie, mais les arme en RDC."
À la charge de l'Ouganda, nous avons relevé son soutien à la milice
Kombi-Hilaire, pourtant allié aux rebelles de l'ADF-Nalu (Forces démocratiques
alliées – Armée de libération de l'Ouganda) qui se sont associés aux éléments
Shebab à Beni. Autrement dit, l'Ouganda combat les rebelles islamistes en
Somalie dans le cadre de la mission de maintien de la paix, mais les arme
indirectement dans l'est de la RDC.
Sur le terrain, à Kibati, la brigade d'intervention combat
désormais aux côtés de l'armée congolaise. Estimez-vous donc toujours qu'il y a
"lenteur" dans la mise en œuvre de la traque des groupes armés ?
Nous sommes allés à Washington pour exprimer le ressenti de la population du
Nord-Kivu. Aujourd'hui, nous sommes heureux de constater que la brigade
d'intervention commence enfin à exécuter son mandat. Mais elle ne doit pas se
contenter d'être une force d'appui, derrière les FARDC : elle doit vraiment
combattre et poursuivre l'offensive contre le M23.
Au même moment, Mary Robinson, l'envoyée spéciale du
secrétaire général dans la région des Grands Lacs appelle les belligérants à
privilégier la voie des négociations pour résoudre la crise dans le Kivu. Qu'en
pensez-vous ?
La société civile du Nord-Kivu fustige la démarche de Mary Robinson. Nous ne
pouvons donc pas comprendre qu'elle tente aujourd'hui de pousser le gouvernement
congolais à reprendre les pourparlers avec les rebelles du M23. Le Conseil de
sécurité des Nations unies a donné pour mission, dans sa résolution 2098, à la
brigade d'intervention de traquer et de neutraliser les groupes armés du Kivu,
dont le M23.
La Monusco a demandé l'ouverture d'une enquête conjointe
après la mort, le 24 août, de deux personnes lors d'une manifestation contre les
Casques bleus à Goma. Quelle est la position de la société civile locale ?
Deux versions s'opposent. Pour les témoins sur place, ce sont bien les Casques
bleus qui ont tiré sur la foule en colère, mais la Monusco soupçonne la police
congolaise. Nous exigeons des enquêtes mixtes, impliquant également les membres
de la société civile locale, pour établir les responsabilités des uns et des
autres.
Cet incident ne risque-t-il pas de rendre plus difficile la cohabitation, déjà
compliquée, entre la population de Goma et la Monusco ?
Non, ce ne sont pas les événements du 24 août qui rendront plus difficile la
cohabitation entre la population et la Monusco au Nord-Kivu. Le climat a
toujours été tendu. Les Kivutiens ont perdu confiance à la mission onusienne.
Pour recouvrer leur crédit, les Casques bleus doivent prêcher par des actes.
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Propos recueillis par Trésor Kibangula
Source:Jeuneafrique
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