Sans doute les jihadistes du nord du Mali
n'attendent-ils qu'une seule chose pour revenir : le départ des troupes
françaises, contre lesquelles ils ne peuvent rien. Ils sont désorganisés,
éparpillés, mais la menace n'a pas été éradiquée.
Ils sont de retour ! À Gao, dans ce qui fut, jusqu'à l'intervention de l'armée
française fin janvier, le fief du Mouvement pour l'unicité et le jihad en
Afrique de l'Ouest (Mujao), on observe avec inquiétude la réapparition de ceux
qui sont soupçonnés d'avoir collaboré avec les salafistes. Le 25 août, les
habitants d'un quartier de la ville ont manifesté pour dénoncer le péril
islamiste. "Certains ont porté des armes sous le Mujao, et ils reviennent comme
si de rien n'était", s'emporte Moussa, un jeune chômeur qui a participé à la
marche.
En fait de jihadistes, il s'agit pour la plupart de commerçants arabes qui,
certes, ont coopéré avec le Mujao, voire prospéré sous son joug, mais plus par
intérêt ou par instinct de survie que par complicité idéologique. Les
combattants "réguliers" et les chefs de ce mouvement présenté, lors de sa
naissance en 2011, comme une scission au sein d'Al-Qaïda au Maghreb islamique
(Aqmi), se font discrets. Hamada Ould Mohamed Kheirou (le fondateur), Omar Ould
Hamaha ("Barbe rouge") ou encore Abou Ahamed (le redouté chef de la police
islamique de Gao) sont dans la nature et "bien vivants", selon un émissaire
ouest-africain qui s'est récemment rendu dans la région. Les services de
renseignements les situent dans les environs. "Quelques-uns sont peut-être en
Algérie ou en Libye, mais la plupart se cachent encore au Mali", indique un
diplomate français. L'information est confirmée par des sources nigérienne et
burkinabè.
Pas de moyens de communication moderne mais des
capacités de nuisance
Selon l'émissaire ouest-africain cité plus haut, ils n'attendent qu'une chose
pour réapparaître : le départ des troupes françaises, contre lesquelles ils ne
peuvent rien. "Ils s'adaptent comme les talibans en Afghanistan lors du
bombardement de Tora Bora. Ils se terrent, se réorganisent en n'utilisant aucun
moyen de communication moderne, ni GSM ni Thuraya. Ils se déplacent à dos de
chameau et d'âne... Ils ne possèdent plus les moyens d'une armée
conventionnelle, mais ils conservent une très forte capacité de nuisance. Et ils
continuent de recruter via la Libye." Leurs futures cibles pourraient être les
Casques bleus au Mali, mais aussi le Niger et le Tchad, deux pays qu'ils ont à
l'oeil et où ils pourraient tenter de s'installer. En juillet, des éléments des
forces spéciales françaises ont été envoyés dans le nord du Tchad.
D'Ansar Eddine, il ne reste plus grand-chose. La grande majorité de ses hommes,
des Touaregs, s'est refait une virginité en se fondant dans le Haut Conseil pour
l'unité de l'Azawad (HCUA), une entité créée il y a quatre mois par la tribu des
Ifoghas et considérée comme un interlocuteur respectable par la communauté
internationale. Quant à Iyad Ag Ghaly, le chef d'Ansar Eddine, il ne serait plus
entouré que de quelques hommes et se terre quelque part (au Mali ou ailleurs,
chacun a sa petite idée). Mais nombreux sont ceux qui pensent qu'il continue de
jouer un rôle à Kidal.
Aqmi (ou du moins sa branche malienne) a été le groupe le plus touché par
l'offensive franco-tchadienne dans le Nord. "On leur a cassé les reins", souffle
un officier français, qui estime à plusieurs centaines le nombre de tués au
combat. Il reste toutefois des combattants disséminés dans le pays. "On les voit
passer à dos de chameau dans le massif des Ifoghas. On se doute qu'ils sont
d'Aqmi, mais on ne peut plus taper dans le tas. Ce sont les nouvelles
consignes", glisse l'officier. Quant aux chefs, hormis Abou Zeid, tous ont
échappé aux bombardements français. Ils auraient filé vers l'Algérie et le sud
de la Libye. "Ils semblent se réorienter vers le Maghreb, souligne un diplomate
français. La Tunisie, la Libye et l'Égypte."
Reste le Mujao. De loin le groupe le plus menaçant aujourd'hui, et, du coup, la
nouvelle cible des patrouilles françaises. "C'est le plus actif depuis des mois,
et aussi le mieux implanté au Mali", rappelle Jean-Hervé Jezequel, analyste à
International Crisis Group.
Le Mujao a revendiqué plusieurs attaques sur Gao et sur Kidal. Dans ses rangs,
on trouve de tout : des Arabes, des Touaregs, des Songhaïs, des Peuls. Des
Maliens, des Mauritaniens, des Nigériens, des Sénégalais, des Nigérians... Même
si nombre de ses hommes ont fui les frappes et sont rentrés chez eux, le Mujao
compte encore des combattants près de Gao, d'Ansongo et de Ménaka, et peut-être
plus au nord, à la frontière algérienne, mais aussi au Niger, où les autorités
en arrêtent chaque semaine.
Fusion entre la Mujao et Belmokhtar
Combien sont-ils ? Quelques centaines selon un officiel français, qui reconnaît
que les estimations varient du simple au double entre les différents services.
"Ils n'ont plus d'argent, ils sont désorganisés et ils ont des problèmes de
communication, poursuit-il. Mais ils restent redoutables." Surtout depuis qu'ils
ont annoncé leur fusion avec la katiba de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar. Ce
dernier a un temps été localisé dans le Sud-Ouest libyen. Aujourd'hui, il
effectuerait des va-et-vient entre le Mali et la Libye.
Source: Jeune Afrique
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