La Libye a enjoint mardi les États-Unis
de lui remettre "immédiatement" Abou Anas al-Libi, un chef présumé d'Al-Qaïda
capturé le week-end dernier par un commando américain à Tripoli. Barack Obama a
lui affirmé que l'islamiste libyen serait jugé par la justice américaine.
Le ton monte entre Tripoli et Washington à propos d'Abou Anas al-Libi. Capturé
le week-end dernier par des forces spéciales américaines à Tripoli, cet
islamiste radical libyen, chef présumé d'Al-Qaïda, est désormais réclamé à voix
haute par le gouvernement libyen, très embarrassé par cette affaire.
Dans un communiqué lu par son
porte-parole, Omar Hmidan, le Congrès général national libyen (CGN), la plus
haute autorité politique de Libye, a souligné "la nécessité de la remise
immédiate du citoyen libyen", qualifiant le raid américain de "violation
flagrante de la souveraineté nationale". Il s'agit de la première réaction
officielle libyenne condamnant clairement l'opération américaine, le
gouvernement ayant jusqu'ici tenu des propos mesurés.
Après les raids en Libye et en Somalie le week-end dernier, le président Barack
Obama a promis mardi que les États-Unis continueraient à s'en prendre aux
"groupes régionaux, certains liés de façon explicite à Al-Qaïda ou à cette
idéologie, d'autres plus autonomes".
Le chef de l'État américain a cependant refusé de commenter la légalité de
l'opération à Tripoli. "Nous savons que Libi a aidé à planifier et à mettre en
œuvre des complots qui ont abouti à la mort de centaines de personnes, dont de
nombreux Américains. Nous en avons des preuves solides. Et il sera traduit en
justice", a-t-il assuré.
Raid à Tripoli
Samedi, lors d'un raid audacieux à son domicile à Tripoli, les forces spéciales
américaines ont capturé Abou Anas al-Libi, un Libyen figurant sur la liste des
personnes les plus recherchées par la police fédérale américaine (FBI), qui
offrait "jusqu'à 5 millions de dollars" pour toute information permettant son
arrestation ou sa condamnation. Selon les Américains, il a été transporté à bord
d'un navire de guerre de l'US Navy dans la région pour interrogatoire
De son vrai nom Nazih Abdul Hamed al-Raghie, ce chef présumé du réseau Al-Qaïda
était recherché par les États-Unis pour son implication présumée dans les
attentats meurtriers de 1998 contre les ambassades américaines en Tanzanie et au
Kenya (plus de 200 morts).
Le ministre libyen de la Justice Salah al-Marghani avait convoqué lundi
l'ambassadrice américaine à Tripoli pour lui "demander des réponses à plusieurs
questions relatives à l'affaire". Lors d'une conférence de presse à Tripoli, il
a précisé avoir expliqué à Mme Jones que la capture du Libyen était "un
enlèvement contraire aux lois libyennes". Salah al-Marghani a souligné que son
gouvernement "usera des moyens diplomatiques et juridiques pour garantir les
droits du citoyen libyen Nazih al-Raghie".
Le Premier ministre libyen, Ali Zeidan, a lui aussi critiqué l'opération
américaine, mais de façon plus indirecte. Il a estimé que les citoyens libyens
devaient être "jugés en Libye" et que "la Libye ne [livrerait] pas ses citoyens
pour qu'ils soient jugés à l'étranger".
Pression des milices islamistes
Les autorités libyennes, qui n'ont pas réussi à rétablir l'ordre depuis la chute
de Kaddafi, sont confrontées à la pression d'une partie de l'opinion publique et
à celle de groupes armés ou milices pro-islamistes.
La "Chambre des opérations des révolutionnaires de Libye", qui réunit des
groupes d'ex-rebelles ayant combattu le régime kaddafiste en 2011, a ainsi
annoncé dans un communiqué un "état d'alerte maximum face (...) aux atteintes à
la souveraineté du pays de la part des renseignements étrangers". Elle demande
aussi aux ex-rebelles de se tenir "prêts et d'attendre les ordres" de leur
commandement "pour chasser les étrangers en situation irrégulière".
De son côté, le groupe salafiste Ansar al-Charia a appelé, également dans un
communiqué, à "une grande mobilisation populaire pour libérer le frère Abou Anas
détenu par ces mécréants (...), et ceci par tous les moyens permis par la
charia", la loi islamique.
Enfin, plusieurs organisations de défense des droits de l'homme ont réagi à
cette affaire. Washington "doit immédiatement confirmer son lieu de détention et
lui fournir l'accès à un avocat", a déclaré Amnesty International, alors que
Human Rights Watch appelait à "respecter les droits (d'Abou Anas) afin qu'il
puisse être jugé équitablement par un tribunal civil".
Source: Jeune Afrique
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