Profitant du soulèvement des peuples au
Maghreb, Les Etats-Unis et leurs cousins d’Europe veulent en finir avec Mouammar
Kadhafi et se partager définitivement la dépouille d’une Libye désormais
conquise. Pour ce faire, ils ont recours à une propagande intensive qui rappelle
celle utilisée contre l’ex-tyran irakien Saddam Hussein. Pour mémoire, les
médias occidentaux avaient quasi-unanimement repris l’antienne bushienne à
propos des armes de destruction massive qu’aurait détenues le dictateur irakien.
On découvrira le mensonge plus tard, mais l’Irak fut déjà détruit et les
ressources du pays confisquées. La même machine de propagande avait été déployée
contre Ceauçescu en 1989 en Roumanie. La presse occidentale avait vu en ce
dictateur le “dracula communiste“ auteur, avait-on dit, de charniers contenant
quelques “70.000 corps“.
On parla de “génocide“, de “charniers“, de “massacres“, de “femmes enceintes
éventrées“, de “tortures“, de « corps brûlés dans un crématorium ». On évoqua
des « chauffeurs de camions qui transportaient des mètres cubes de corps, qui
étaient abattus d’une balle dans la nuque par la police secrète pour éliminer
tout témoin. » Evidemment les charniers étaient des faux, mais le couple
dictatorial avait été déjà fusillé. Au même moment, passait sous silence
l’opération d’exfiltration manu militari du président du Panama, Manuel Noriega
agent de la CIA qui avait cessé d’obéir au maître de la Maison Blanche, Georges
Bush. Pour les médias occidentaux, cette opération n’avait fait aucun dégât
humain. Sauf qu’on découvrira plus tard qu’au moins 2.000 personnes avaient été
tuées par les yankees. Le serviteur dévoué de la France que fut Jean-Bedel
Bokassa, au moment où il allait être déchu, fut victime de la même propagande
qui vit en lui un anthropophage. Subitement, le dictateur ami qui couvrait le
couple Giscard d’Estaing de diamants était devenu “l’ogre de Berengo“ qu’il faut
abattre au plus vite pour éviter que ses “sujets centrafricains“ finissent tous
dans sa marmite.
Comme l’histoire se répète très souvent, aujourd’hui, la planète assiste à la
condamnation à mort de Kadhafi par la même voie. La machine à propagande a été
déclenchée : “Kadhafi massacre son peuple“, il “bombarde son peuple“, Kadhafi et
ses enfants, “tous psychopathes, sont en train de massacrer le peuple Libyen“.
Ils ont déjà fait “6.000 victimes qui manifestaient les mains nues“. Face à
toutes ces atrocités commises par un “fou“, un “inculte“, un “criminel“, il faut
envoyer une expédition “humanitaire“ pour sauver le soldat Ryan sous la férule
de Kadhafi.
Il existe bel et bien des éléments à charge contre Kadhafi. Cet homme n’est pas
un ange. Pas plus que ceux qui veulent l’abattre d’ailleurs. Mouammar Kadhafi
est au pouvoir depuis 42 ans. C’est une durée suffisamment importante pour être
signalée. Ceci ne peut qu’être mal vu dans un monde qui, empêtré dans ses
propres contradictions, a fini par ériger le changement factice comme la mesure
de toute chose. Ce nombre d’années au pouvoir a créé forcément des pratiques
répressives, clientélistes et corrompues. Cette longévité au pouvoir ne fait pas
que des heureux, c’est sûr. En 1996 déjà Benghazi a connu des troubles. La
famille Kadhafi a volé la Libye et placé beaucoup d’argent en Suisse, en Italie,
en Angleterre, aux USA et ailleurs où ces fonds sont parfois investis au
détriment du peuple Libyen.
En plus de tout ceci, Kadhafi et les siens se sont de près ou de loin, retrouvés
dans de nombreux contentieux internationaux. Kadhafi a un passé “terroriste“
admis par lui-même pour avoir indemnisé les familles des victimes du crash du DC
10 d’UTA et du Boeing de la Panam. Même si un jour peut-être, l’histoire dira
autre chose, il faut s’en tenir à ces faits. Pendant de nombreuses années, il a
détenu des étrangers pour
avoir inoculé le virus du sida à des enfants libyens. Kadhafi – à l’instar des
humanitaires occidentaux d’ailleurs – est reconnu comme un important soutien à
certains dictateurs africains. A l’ONU, lors de la 64e assemblée générale, le
guide Libyen n’a pas mâché ses mots contre les cousins qui se partagent le monde
et la terreur qu’ils exercent sur les peuples appauvris. Plus récemment, la
famille Kadhafi s’est retrouvé au centre d’une longue et difficile querelle avec
la Suisse suite à l’arrestation de Hannibal Kadhafi et sa femme pour mauvais
traitements sur leurs domestiques à Genève en juillet 2008.
Mais, en réponse à ces faits, Kadhafi accomplit pêle-mêle des actes qui vont lui
garantir le retour sur ce qui est appelé la scène internationale d’où il a été
évincé – mais pas totalement, puisque des affaires continuaient – depuis
l’embargo décidé par les Européens et leurs cousins d’outre-Atlantique les
différentes tentatives d’assassinat et les bombardements du golfe de Syrte, de
Benghazi et de Tripoli par les Etats-Unis.
Kadhafi va libérer les différents détenus, coopérer avec la justice écossaise
dans l’affaire du crash de Lockerbie, indemniser les victimes. Il va même
utiliser pendant toutes ces années l’argent du pétrole pour soutenir à la fois
des dictateurs obséquieux et nombre de combats anticolonialistes en Afrique.
Suivant l’intérêt à défendre et en habile politique, Kadhafi sait pactiser avec
le diable et dieu. Mieux, il va prêter main forte à l’Europe à contenir et à
réprimer l’immigration des africains. Comme les riches peuvent tout acheter y
compris l’âme des cupides, Kadhafi va obtenir du respect de part et d’autre en
achetant beaucoup d’armes aux Européens et à leurs cousins d’Amérique. Il va
leur livrer du pétrole et du gaz. Il va renoncer, dans une gigantesque opération
de communication bushienne qui voulait prouver que sa “guerre préventive“ en
Irak portait ses fruits, à son programme nucléaire. Il devient le bon ami que
chacun des hypocrites arrachent. L’argent n’a pas d’odeur, dit-on. Si on ne le
lui prend pas, “d’autres le feront à notre place“. C’est la Realpolitik,
affirmait-on !
Puis vint le soulèvement des peuples au Maghreb. Les “meilleurs élèves“ de la
Tunisie et de l’Egypte vont être éjectés. Pour ne pas tout perdre, les
Occidentaux vont militer pour que leurs deux “alliés de la région“ partent. Le
système doit être sauvé et pour cela, il faut court-circuiter les peuples en
essayant de paralyser leur élan avec le départ de Ben Ali et Mubarak. Mais, ces
peuples ont compris que le départ des deux hommes n’équivaut pas à un changement
de système car depuis leur “fuite“ organisée, la rue continue de manifester afin
que la révolution aille à son terme.
Pour ne pas laisser passer cette occasion, il faut susciter quelque chose en
Libye. Pour atteindre cet objectif, on va nous dire que la vague de la
révolution a atteint la Libye. Donc, c’est la révolution libyenne. Laquelle est
en train d’être réprimée sauvagement par Kadhafi. La campagne va être organisée
et la meute va puiser dans son éternelle boîte à outils et sortir des armes
traditionnelles réputées imparables : les médias, les institutions
internationales (ONU, UE), les ONG autoproclamées de défenses des droits de
l’homme financées par les multinationales (FIDH, Amnesty International, HRW,
Croix Rouge…), les outils militaires multilatéraux (OTAN) et unilatéraux (US
Marines) qui font vivre leurs pays respectifs du crime, le marteau judiciaire
(la CPI, le TPI), l’argent (donné le plus souvent par les entreprises
multinationales qui sont les vrais instigateurs de ces opérations) et les
groupes dits d’intellectuels amoureux des “causes justes“ à géométrie variable.
Tout cet arsenal est chapeauté par le sacerdoce humanitaire à l’égard des
peuples qui sont en danger de mort.
Les médias vont donc déclencher les hostilités. Kadhafi, le “bouffon“ est en
train de bombarder son peuple. Cette idée incessamment martelée finira par
porter l’émotion à son comble. Qui, dans ces moments d’intense exercice mental,
ne se représenterait pas le visage de ce Kadhafi “le fou“, “le criminel“. Ce
personnage terrifiant, ce bédouin aux verres fumées qui voit tout sans être vu.
Il ne répond pas aux codes de la société occidentale. Il est méprisant. “C’est
sûr, il est en train de massacrer son peuple“, entend-on dire. Comme on ne peut
éternellement rester dans l’imagination, des images vont finir par être montrées
à la télévision. Et là, on s’aperçoit que la révolution en Libye ne se déroule
pas comme en Tunisie ou en Egypte. Ici, c’est un groupe de personnes qui a pris
les armes et occupent des villes où le pétrole est produit. Alors, le langage va
changer. Désormais, on passe de la révolution à l’insurrection. Les médias
parlent désormais des insurgés et des rebelles. Mais en dépit du nouveau
vocabulaire médiatique, beaucoup d’esprits sont déjà structurés et prêts à
accepter “l’invasion humanitaire“.
Ensuite, les ONG d’obédience pétrolifères (FIDH, AI, HRW) entrent en scène.
Elles donnent un chiffre de 6.000 morts. Aussitôt, les médias reprennent ce
chiffre et le répètent afin que l’émotion atteigne effectivement son paroxysme
et y reste. Ces organisations dites de défenses des droits de l’homme vont
revoir ensuite ce chiffre à la baisse. Quelques heures après avoir parlé de
6.000 personnes massacrées, le nombre de victimes passe à 2.000 personnes, puis,
elles seront de 3.000. Même quand les images de télévision (France24) montrent
comment les combats se déroulent et qui sont les rebelles, on persiste à dire
que ce sont des populations civiles qui sont massacrées. Le vendredi 4 mars
2011, sur la RSR (radio suisse romande), un habitant d’une ville sous contrôle
rebelle a déclaré que les pilotes de l’armée nationale ne bombardent pas les
populations civiles. Mais qui a écouté ça ? Qui scrute les reportages à la
télévision et en tire par lui-même des conclusions ? Kadhafi, pour l’opinion
dite internationale, est un monstre, soit ! Les Occidentaux ont de nombreux
comptes à lui régler, c’est sûr. Mais, ce qu’on voit là est-ce une révolution
populaire ? Est-ce une rébellion armée ? Est-ce tout simplement une guerre
civile ? La réalité sur le terrain ne contredit-elle pas la fiction d’une
révolution populaire pacifique massacrée par “le fou de Tripoli“ ?
Malgré ceci, l’oncle Sam qui n’a jamais caché son intention de s’emparer de la
Libye, a déployé un arsenal militaire impressionnant en sa direction avec la
proposition d’un exil à Kadhafi comme option. Ses lieutenants britannique et
canadien l’ont suivi aussitôt. Les Européens qui ont compris les conséquences de
cette avance sur eux, car eux parlaient d’une action de l’OTAN, ont commencé par
traîner les pieds. Car, ils savent que le déploiement de leurs cousins
d’Amérique signifie qu’ils veulent s’arroger la part du lion libyen au cas où
Kadhafi venait à être renversé. La France dit à présent, à travers quasiment
tous ces hommes politiques qu’elle ne croit pas à un succès d’une opération
militaire. Elle est bel et bien consciente de ce que veut l’Oncle Sam qui
cherche à signifier aux Européens que les richesses de la Libye sont à
redistribuer car elles sont restées trop longtemps entre les mains des Européens
: achat d’armes, gaz et pétrole notamment.
Autrement dit, mettre la pression à l’Europe pour gagner doublement : ne pas
intervenir directement en Libye (leçons d’Afghanistan et d’Irak obligent) et
dans le même temps prendre à l’Europe une sphère d’influence et des richesses
supplémentaires avec sa propre action. Celle-ci préoccupée par la “vague
d’immigrés qui risque de l’envahir“ hésite à présent à s’engager dans cette
nouvelle “guerre juste“.
C’est un truisme de dire qu’il se passe actuellement en Libye une guerre. Comme
dans toute guerre la vérité est la première victime. Des livraisons d’armes aux
rebelles sous couvert des ballets d’avions humanitaires, il s’en passe sûrement.
De la formation, les rebelles en reçoivent de la part de leurs soutiens. Des
victimes, il y a en. D’ailleurs Kadhafi a appelé l’ONU à ouvrir des enquêtes.
Mais, non ! Moreno Ocampo, la marionnette, a déjà sorti la rhétorique habituelle
de la Cour pénale internationale contre les faibles : “crimes contre
l’humanité“. Puis, Interpol est mis à contribution. Ah, la CPI ! Ah, Interpol !
Toujours aussi forts avec les faibles et si impuissants avec les forts.
Le peuple libyen, comme tout autre peuple, a le droit indiscutable de se
débarrasser des dirigeants qui ne lui sont pas favorables. Mais ce droit est à
lui seul. Des “guerres justes“, s’il faut en faire, il va falloir les déclencher
contre les Etats-Unis, en commençant par Israël et par l’Europe qui n’ont de
cessé de tuer des populations civiles pour satisfaire leur soif d’expansion et
de ressources. Les Libyens quant à eux, savent ce qui est de leur devoir. Ils le
font déjà avec la pleine conscience des difficultés liées à toute lutte pour la
liberté. Ils n’ont pas besoin d’une “assistance humanitaire“ qui “expulse“
Kadhafi et le remplace par un roitelet obéissant qui livre quasi gratuitement –
et cela a déjà commencé – les puits de pétrole et d’autres ressources du pays à
Total, Texaco, Shell, BP, Exxon Mobil, ainsi qu’à tous les entrepreneurs de la
misère des peuples. C’est-à-dire un “démocrate“ comme les cousins aiment à en
avoir près des ressources dont ils s’emparent. Les peuples n’en ont que faire
des “libérations“ réalisées par le devoir d’ingérence humanitaire des cousins
d’Amérique et d’Europe. Il faut rappeler, à ce stade, la morale de l’histoire de
l’humanité : l’Occident ne roule jamais pour les autres. Pas pour des idées
“abstraites“ genre Liberté, Démocratie, Paix, Justice. Ce qu’il aime défendre ce
sont ses intérêts. Ni plus ni moins ! Car, en définitive et à voir les choses de
près, l’Occident n’est outillé que pour ses intérêts.
Source: IRIB
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