À moins de trois ans de la fin de son
deuxième - et, en principe, dernier - mandat, le président congolmais Joseph
Kabila semble s'engager sur la voie de la réconciliation nationale. Mais entre
une opposition méfiante et des promesses qui tardent à se concrétiser, le chemin
est tortueux.
Au moment où l'on s'y attendait le moins, l'incertitude a repris le dessus en RD
Congo. L'armée venait pourtant de remporter, début novembre 2013, une victoire
historique sur les rebelles du Mouvement du 23-Mars (M23), qui sévissaient dans
l'est du pays depuis plus d'un an. Un mois plus tôt, Joseph Kabila clôturait les
concertations nationales, ce forum qui avait réuni à Kinshasa, du 7 septembre au
5 octobre, des représentants de la majorité, d'une bonne partie de l'opposition
et de la société civile. Avec un seul mot d'ordre : "renforcer la cohésion
nationale".
Et pour tirer les leçons de ces assises, le président avait même sorti le grand
jeu, le 23 octobre, en annonçant des "mesures importantes" devant les deux
chambres du Parlement. Témoins de l'événement, "l'accompagnateur" Denis Sassou
Nguesso, chef d'État de l'autre Congo, et la Sud-Africaine Nkosazana
Dlamini-Zuma, présidente de la Commission de l'Union africaine, venue en mission
d'évaluation de l'accord-cadre d'Addis-Abeba (signé le 24 février 2013 par onze
pays en vue de ramener la paix dans l'est de la RD Congo) et priée de prolonger
son séjour afin d'assister à la déclaration présidentielle.
Le rapatriement des corps de Mobutu Sese Seko et de Moïse
Tshombe
Tranchant avec le discours solennel sur l'état de la nation qu'il prononce
chaque mois de décembre depuis son accession au pouvoir, en 2001, Kabila avait
alors indiqué la nouvelle marche à suivre pour "améliorer le quotidien des
Congolais et baliser l'avenir" du pays. "Pour changer le Congo, avait-il répété,
nous devons d'abord nous-mêmes changer dans notre manière de vivre ensemble, de
faire de la politique, de gérer l'État et la communauté nationale - bref, de
vivre la démocratie."
L'annonce d'un chantier colossal, donc, où il était question à la fois
d'ouverture politique, de professionnalisation de l'armée (indispensable face à
la situation sécuritaire dans l'Est), de l'émergence d'une classe moyenne et de
la lutte contre la corruption. Mais aussi de la réconciliation nationale, avec
un accent particulier mis désormais sur le suivi (diplomatique, politique et
même juridique) des dossiers des "compatriotes détenus [notamment] à la Cour
pénale internationale", ainsi que le rapatriement du corps de Mobutu Sese Seko,
enterré au Maroc, et de celui de Moïse Tshombe, l'ancien président du Katanga
sécessionniste puis Premier ministre du Congo, inhumé en Algérie.
"Des annonces qui ressemblent à une opération de charme destinée à s'attirer de
la sympathie", soupçonnait déjà Juvénal Munubo, député de l'Union pour la nation
congolaise (UNC, dirigée par Vital Kamerhe), seul grand parti de l'opposition,
avec l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, d'Étienne
Tshisekedi), à bouder le processus de renforcement de la cohésion nationale
engagé depuis les concertations et à réclamer l'ouverture d'un "vrai dialogue".
Près de trois mois plus tard, les "mesures importantes" présentées par le chef
de l'État semblent être restées lettre morte. Et ce dernier est confronté à de
nouvelles turbulences. Le 30 décembre, des attaques coordonnées ont été menées
simultanément à Kinshasa, Lubumbashi (sud du pays) et Kindu (Est).
Membres des forces de sécurité près du siège de la
Radio-Télévision
nationale, cible d’une attaque le 30 décembre 2013. © Reuters
Un Katangais de plus écarté du cercle de Kabila
Si, officiellement, les soupçons pèsent sur les adeptes du pasteur Paul-Joseph
Mukungubila, candidat malheureux à la présidentielle de 2006, très hostile à
Joseph Kabila qu'il considère comme un "Rwandais à la tête de la RD Congo",
plusieurs observateurs n'écartent pas l'hypothèse d'une implication directe ou
indirecte de certains politiciens cherchant à renforcer leur position. "Ce n'est
pas un hasard si ces attaques sont intervenues quarante-huit heures seulement
après le remplacement de John Numbi par Charles Bisengimana à la tête de la
police", lâche un élu kinois, soulignant que "c'est un Katangais de plus qui est
écarté du cercle de Kabila, après la mort accidentelle de Katumba Mwanke en
2012". Numbi est également cité dans le dernier rapport du groupe d'experts de
l'ONU comme l'un des soutiens des miliciens indépendantistes Kata Katanga qui
terrorisent la province méridionale du pays, surtout dans le "triangle de la
mort" compris entre Manono, Mitwaba et Pweto.
Joseph Kabila serait-il donc en butte au mécontentement des Katangais ? "Cela
n'a rien à voir avec les événements de ces derniers jours", assure Séraphin
Ngwej, ambassadeur itinérant du chef de l'État, précisant que le poste de
commissaire général de la police n'a jamais été une chasse gardée des Katangais.
Toujours est-il que le paysage politique est en pleine mutation. Les Libéraux
démocrates (regroupement de partis d'opposition autour de Léon Kengo wa Dondo),
le Mouvement de libération du Congo (MLC) et ses alliés semblent prêts à jouer
le jeu. En face, le reste de l'opposition, plus que jamais fragilisée, tente de
rebondir. Non sans difficultés. Les initiatives, comme Touche pas à mon 220
(référence à l'article 220 de la Constitution, qui interdit la modification des
dispositions relatives au nombre et à la durée des mandats présidentiels) ou
Coalition pour le vrai dialogue, ne manquent pas. Mais elles ont fait long feu.
Dernière tentative en date, le 18 novembre 2013, avec la naissance d'un nouveau
regroupement politique, Sauvons la RDC, autour de Vital Kamerhe, Nzanga Mobutu
et Mbusa Nyamwisi, qui entend faire obstacle à tout projet de prolongation du
mandat en cours au-delà de 2016.
Un pays morcelé qu'il a remis sur la voie de la
reconstruction
Pourtant, depuis quelques mois, Joseph Kabila assène qu'il est "pour le respect
de l'esprit et de la lettre de la Constitution". Et certains de ses lieutenants
assurent qu'il n'a pas l'intention de briguer un troisième mandat. "Cela ne fait
pas partie de ses préoccupations immédiates, confie Séraphin Ngwej. Il réfléchit
plutôt à l'héritage qu'il laissera au peuple congolais après avoir présidé à sa
destinée pendant quinze ans, de 2001 à 2016." Le jeune homme n'avait que 29 ans
lorsqu'il succéda à son père, Laurent-Désiré, assassiné le 16 janvier 2001. "Il
a trouvé un pays morcelé, qu'il a réunifié et remis sur la voie de la
reconstruction, n'hésitant pas à partager le pouvoir avec les anciens chefs
rebelles, rappelle Ngwej. L'Histoire retiendra également que c'est à son
initiative qu'en 2006 les Congolais ont été appelés pour la première fois à
élire leur président."
Malgré tout, la méfiance persiste. "Joseph Kabila doit déclarer ouvertement
qu'il ne sera pas candidat à sa propre succession en 2016", suggère Juvénal
Munubo. Une démarche que les caciques de la majorité déconseillent fermement à
leur champion. "Il faut attendre la fin du mandat pour se décider", estime
Marcellin Cishambo, ancien conseiller spécial du chef de l'État, avançant
l'éventualité d'une "demande du peuple", qui pourrait plébisciter "son"
président. Il appartiendra à Joseph Kabila de faire le bon choix. "S'il se
conforme à la Constitution, ce sera un précédent dans l'histoire de la RD Congo,
souligne Delly Sesanga, député de Luiza (Kasaï-Occidental) et ancien du MLC qui
a fondé son propre parti, Ensemble des volontaires pour le développement de la
RD Congo (Envol). Il s'agirait là d'un vrai repère pour un pays qui n'en a
plus."
Source:Jeuneafrique
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