Réformer l’économie algérienne : N’est-il pas déjà trop tard ? par Hassan HADDOUCHE
Le Premier ministre
Abdelmalek Sellal et Bouteflika le président algérien
Le Premier ministre
Abdelmalek Sellal et toute son équipe gouvernementale sont plus occupés à vendre
le bilan des années Bouteflika dans la perspective d'une candidature pour un
quatrième mandat, plutôt qu'à répondre aux appels pressants d'organismes
nationaux et internationaux, qui insistent sur l'urgence de la nécessité de
réformer l'économie algérienne.C'est un dialogue de sourd qui s'est installé à
propos des « années Bouteflika » à l'occasion du début de la campagne pour les
présidentielles. Alimenté par des raccourcis et des positions extraordinairement
tranchées , il oppose ceux qui ne retiennent des 15 dernières années qu'un bilan
« catastrophique » en insistant notamment sur l'énorme consommation de
ressources financières auquel elles ont donné lieu et l'absence de réformes
significatives du mode de fonctionnement rentier de l'économie algérienne.
Le camp adverse semble sortir renforcé de ces critiques « injustes » et mets au
crédit du Président sortant le maintient de la stabilité sociale et politique du
pays ainsi qu'un vaste programme de modernisation qui a surtout concerné les
infrastructures économiques et sociales. C'est en substance le discours que
tenait hier encore à Tissemsilt le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, en
affirmant : « Nous n'accepterons jamais de revivre les années de violence et
d'instabilité qu'a connu le pays dans le passé. Nous ne réussirons pas à
construire le pays sans préserver son unité et sa stabilité ». Le deuxième
pilier de l'argumentaire des partisans du président était également au rendez
vous de la visite à Tissemsilt. « Seul un ingrat nierait les réalisations de
l'Algérie depuis 1999 », s'est écrié M. Sellal.
Jusqu'au bout du modèle rentier
Jusqu'ici , on serait plutôt tenté de donner raison au Premier ministre. Le
problème c'est qu'il en déduit aussitôt que « seule la poursuite des programmes
et de la politique de Bouteflika permettra de préserver les réalisations
acquises et par la même de garantir un meilleur avenir au pays ». Une attitude
probablement dépourvue de cynisme et qui semble, de bonne foi, se nourrir de la
conviction que les choix politiques effectués par les pouvoirs publics sont les
bons mais restent encore insuffisamment relayés par les rouages de
l'administration et par les opérateurs économiques. D'ou l'insistance
d'Abdelmalek Sellal sur le dialogue social, sa croisade incessante contre la
bureaucratie ainsi que sa dénonciation récurrente du « fléau de la corruption »
qui ne serait « pas seulement l'affaire du pouvoir judiciaire mais aussi celle
de tous les Algériens ».
En réduisant pour l'essentiel le rôle du gouvernement à une fonction d'animation
de l'administration, dans le cadre de ce qui s'apparente dans beaucoup de
domaines à un approfondissement et une fuite en avant dans le modèle rentier, la
démarche du gouvernement Sellal illustre l'absence de prise de conscience réelle
au sein des cercles dirigeants algériens, de l'urgence et de la profondeur des
réformes réclamées aujourd'hui par la plupart des économistes et des experts
nationaux. En affirmant mercredi encore que « nous sommes aujourd'hui sur le bon
chemin et cela nous encourage à poursuivre le programme du Président jusqu'à son
application complète », Sellal annonce la couleur pour les années à venir dans
l'hypothèse désormais probable d'une reconduction des même équipes dirigeantes.
Des signaux d'alarme ignorés
Jusqu'en 2006 ou en 2007, on aurait encore pu en gros donner, sans trop d'états
d'âme, raison à M. Sellal et à l'équipe gouvernementale qui l 'entoure. Le
problème c'est que depuis cette époque les signaux d'alarme se sont multipliés.
A propos du dérapage apparemment irrésistible de la dépense publique ou bien sur
la croissance exponentielle des importations, ils dressent un constat identique
: celui d'une fuite en avant dans la consommation en grande partie improductive
de la rente pétrolière. Ils révèlent tous le caractère « insoutenable » des
évolutions de l'économie algérienne au cours des 6 ou 7 dernières années. Ces
signaux d'alarme ont d'abord été actionnés par des experts indépendants , des
organisations patronales ,voire par des journalistes. Ils ont été repris et
quelquefois développés par les nombreux think tanks nationaux qui ont vu le jour
au cours des dernières années .Ils ont enfin été ,plus récemment encore, relayés
par les institutions financières , FMI en tête. On en trouve même des traces
dans les derniers rapports de la Banque d'Algérie et jusque dans l'exposé des
motifs des différentes lois de finance depuis 2012.
Que disent en gros ces signaux d'alarme que les cercles dirigeants algériens ne
semblent pas vouloir entendre ? Que la rente pétrolière et gazière est menacée
d'extinction pure et simple dans un avenir sans doute inférieur à 10 ans. Que
les réformes complexes, difficiles et inévitables que nécessite la reconversion
de l'économie algérienne dans tous les domaines doivent être mise en œuvre de
façon urgente. Et que dans quelques années, il sera sans doute trop tard pour
les réaliser dans un cadre organisé et qui préserve l'indépendance de la
décision nationale. Il est largement temps que les cercles dirigeants algériens
entendent ce message.
Algerie-Focus
Naviguer à travers les articles | |
La Tunisie va émettre 2,2 milliards de dollars d'obligations souveraines | RDC : les brebis égarées du M23 |
Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
|