La ministre marocaine déléguée aux Affaires étrangères, Mbarka Bouaida, était à Addis Abeba en marge du 22e sommet de l'Union africaine (24-31 janvier). Elle revient sur les conditions dans lesquelles le royaume pourrait réintégrer l'organisation panafricaine.
Mbarka Bouaida est la ministre marocaine déléguée aux
Affaires étrangères
depuis octobre 2013.
Jeune Afrique : Quelle est le sens de votre venue à
Addis-Abeba, en marge du sommet de l’Union africaine, sachant que le Maroc n’est
pas membre de cette organisation en raison de la présence, en son sein, de la
RASD (la République arabe sahraouie démocratique) ?
Mbarka Bouaida : Le Maroc attache une importance particulière à l’Afrique, du
fait de son appartenance naturelle au continent et du fait de la coopération
qu’il souhaite développer. Nous saisissons toutes les occasions possibles pour
organiser des réunions bilatérales avec les pays du continent. Le Maroc a pris
l’habitude d’être présent en marge de ces réunions et tente à chaque fois de
sensibiliser les pays africains à la nécessité de développer des partenariats
privilégiés.
Qui avez-vous rencontré à Addis-Abeba ?
Nous avons rencontré des chefs de délégation et des chefs de diplomatie
africains, notamment ceux de Tanzanie, d’Angola, du Kenya, du Togo, du Bénin, de
l’Ouganda, du Rwanda, du Nigeria ainsi que le président du Mali, un pays frère
et ami. Nous avons aussi eu des concertations avec le secrétaire général du
comité exécutif de la Cen-Sad. L’idée est de travailler ensemble sur toute une
série de dossiers, pas seulement politiques, mais aussi sociaux et économiques,
et d’échanger nos points de vue sur des questions régionales.
Nous ne pourrons envisager un retour au sein de l'UA qu'à une seule condition :
la sortie ou le gel de l’adhésion de ce que l’on appelle la RASD.
Le Maroc a quitté l’OUA en 1982, et n’est pas membre de
l’Union africaine. Peut-on imaginer un moyen pour que cette situation cesse ou
se transforme ? Quelles seraient les conditions auxquelles le royaume pourrait
envisager un retour dans l’UA ?
Nous réalisons qu’il y a une demande de plus en plus forte en ce sens, qui émane
de nos amis africains. Au vu de ce dynamisme, nous pensons que la conjoncture
rendra peut-être ce retour possible un jour ou l’autre. Les situations ne
doivent pas rester figées. Mais nous ne pourrons envisager un retour que si nos
conditions sont satisfaites. Ces conditions sont simples, logiques et
raisonnables : c’est la sortie ou le gel de l’adhésion de ce que l’on appelle la
RASD. Ce groupe ne remplit aucun des critères pour être considéré comme un État.
Sa participation à l’Union africaine est en violation totale et absolue du droit
international, nous ne pouvons l’accepter. Et nous espérons que l’UA puisse un
jour réaliser et corriger cette anomalie juridique et politique.
Donc, en vous suivant bien, on peut imaginer qu’un gel de
l’adhésion de la RASD pourrait constituer une solution de compromis, si elle
était envisagée ou clairement proposée par la Commission ?
Nous sommes un pays assez ouvert, assez tolérant et assez flexible, dans toutes
les démarches qu’il entreprend, et c’est la raison pour laquelle nous avons
soutenu et nous continuons à soutenir le processus de négociation sous l’égide
de l’ONU pour le conflit du Sahara. Nous sommes prêts à accepter beaucoup de
choses, mais nous avons des lignes rouges : la souveraineté du royaume du Maroc.
Donc, pour vous répondre, nous sommes prêts à écouter toute proposition venant
de l’Union africaine, si proposition il y a, et si, bien entendu, cette
proposition va dans le sens de nos conditions.
Avez-vous eu des contacts avec la Commission de l’Union
africaine, notamment depuis que Madame Dlamini-Zuma la préside ?
Pour être honnêtes, nous n’avons eu aucun contact officiel avec la Commission de
l’UA. Madame Dlamini-Zuma n’a pas essayé de prendre langue avec le Maroc, mais
elle essaie d’impliquer l’UA dans le processus de négociation pour trouver une
solution au problème du Sahara. Nous considérons que cette démarche est
déplacée. La communauté internationale dans son ensemble soutient un processus
existant ; le Conseil de sécurité des Nations unies suit les résolutions de
manière continue et étroite, et nous pensons que multiplier les acteurs ne fera
que semer la confusion, et risquerait d’augmenter les ambiguïtés et de troubler
l’opinion publique…
Une page pourrait se tourner, lors de la présidentielle du
17 avril, en Algérie. Cela peut-il laisser augurer d’un nouveau départ dans les
relations entre le Maroc et son voisin ?
Nous espérons de tout cœur un changement positif en Algérie et, plus encore, que
ce rendez-vous puisse avoir un impact positif sur les relations
maroco-algériennes. Vous savez que la frontière entre nos deux pays est encore
fermée, et que le Maroc ne cesse d’appeler à l’ouverture de cette frontière.
Nous avons des problèmes de voisinage avec l’Algérie, mais le dialogue peut
résoudre tous les problèmes, peut aplanir ces différents. Il est temps de mettre
en place une nouvelle politique de voisinage, à l’échelle de notre région, à
l’échelle du Maghreb arabe, et c’est la raison pour laquelle nous appelons
l’Algérie, toutes les fois que nous le pouvons, à aller dans le sens de
l’ouverture, de l’écoute et de la collaboration. C’est d’ailleurs la seule
manière qui permettrait d’avancer réellement sur le dossier du Sahara, car in
fine, pour nous, l’interlocuteur principal c’est l’Algérie.
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Propos recueillis, à Addis-Abeba, par Samy Ghorbal
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