Doctorant à l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence et président du Collectif musulman de France, Nabil Ennasri défend la légitimité des Frères musulmans en Égypte.
Nabil Ennasri est doctorant à l'institut d'études
politiques d'Aix-en-Provence.
JEUNE AFRIQUE : Vous critiquez le manque de réactions
occidentales face à la situation en Égypte...
NABIL ENNASRI : Il y a eu un processus démocratique, et les Frères
musulmans ont gagné six scrutins électoraux. Au bout d'un an ils ont été
destitués, sans réaction internationale. Beaucoup entendent dans l'attitude
occidentale un discours quasi néoconservateur : "Les peuples arabes doivent être
à notre niveau. S'ils ne sont pas laïcs, alors la démocratie n'est pas bonne
pour eux." Comment créer un dialogue serein entre civilisations si, lorsque le
monde arabe s'exprime réellement, on lui reproche de s'être mal exprimé ?
La France et les États-Unis n'ont-ils pas condamné le coup
d'État contre Morsi ?
Il y a condamnation et condamnation... À partir du moment où l'on reconnaît la
légitimité du nouveau gouvernement et cette farce qu'a été le dernier
référendum, que l'on maintient des relations diplomatiques - et même militaires
pour les Américains -, tout est dit. Morsi a été élu et destitué par une armée
qui a tout fait, y compris saboter les infrastructures, pour soulever la
population.
De leur côté, les pro-Sissi dénoncent l'implication des
Frères dans des actes terroristes...
Propagande ! Si la mouvance jihadiste reste bien plus marginale en Égypte qu'en
Syrie, par exemple, c'est précisément parce que le terrain est occupé par les
Frères et les mouvements salafistes.
La confrérie n'envisage plus le recours à la lutte armée
contre les gouvernements arabes jugés impies ?
Cela n'a jamais été sérieusement envisagé, sauf aux extrêmes par des
groupuscules qui ont d'ailleurs quitté les Frères, comme la Jamaa Islamiya,
après des désaccords sur le rapport au pouvoir et la manière de lutter. La
confrérie a toujours été dans une posture d'assistance et d'éducation de la
population. C'est ce qui fait sa force, sa base militante et son succès aux
élections.
Les Frères au pouvoir ne se sont pas montrés très
compétents...
Moubarak est parti mais l'État profond est resté. Morsi n'avait pas les moyens
de sa politique : le ministère de l'Intérieur était plein de fouloul [partisans
de l'ancien régime], l'armée était restée toute-puissante même si elle faisait
profil bas... Comment gérer l'État dans de telles conditions ?
La confrérie ne se trouve-t-elle pas dans une impasse ?
C'est tout le monde arabe qui se trouve aujourd'hui dans une impasse. Après
l'euphorie des soulèvements de 2011, on se rend compte que le mouvement de
renaissance du monde arabe risque de prendre beaucoup plus de temps qu'espéré.
___________
Propos recueillis par Laurent de Saint Perier
Naviguer à travers les articles | |
Yamina Benguigui : "Je ne pratiquerai jamais l'ingérence" | Mohamed Bazoum : "Oui à une solution politique pour Areva au Niger" |
Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
|