L'Afrique du Sud compte acheter la moitié de la production électrique du futur barrage Inga III, en RD Congo. Du coup, le projet, enfin crédible, pourrait être lancé en 2015.
La centrale Inga I sur le fleuve Congo
Enfin, Kinshasa n'est plus seul à croire au Grand Inga. Ratifié par les
Parlements des deux pays, le traité de coopération énergétique entre la RD Congo
et l'Afrique du Sud a été signé le 29 octobre 2013 en présence du président
Joseph Kabila et de son homologue sud-africain, Jacob Zuma, en visite d'État.
Une étape cruciale dans la construction d'une nouvelle série de barrages près de
l'embouchure du fleuve Congo, dans la province du Bas-Congo.
42 000 mégawatts
Cet accord donne à Pretoria la priorité sur l'achat d'un tiers de la colossale
production électrique potentielle du site. D'après une étude franco-américaine
(menée par EDF et Aecom), une fois achevé, Grand Inga disposerait d'une
puissance d'au moins 42 000 mégawatts (MW). Soit presque deux fois plus que
celle du barrage chinois des Trois-Gorges (jusqu'à présent le plus important au
monde), et la moitié de la capacité actuelle du continent. De quoi alimenter la
RD Congo, l'Afrique du Sud et l'Égypte réunies... dans quelques décennies.
À moyen terme, c'est sur la première tranche du projet, Inga III, que se
concentre le traité. Des 4 800 MW que générera le futur complexe
hydroélectrique, Pretoria devrait en acquérir la moitié (2 500 MW). Le reste
serait réservé à la RD Congo (où le taux d'accès à l'électricité n'est que de 9
%), dont 1 300 MW pour l'industrie minière du Katanga, qui accuse un déficit
énergétique de 400 MW environ.
Pour acheminer l'électricité jusqu'en Afrique du Sud, le projet prévoit la
construction d'une ligne à haute tension de plus de 3 000 km, qui traversera le
sud de la RD Congo, la Zambie et le Zimbabwe, pour un coût estimé à 2,3
milliards de dollars (près de 1,7 milliard d'euros).
L'Afrique du Sud a changé la donne
Bien plus que l'intérêt suscité chez les voisins d'Afrique centrale, l'arrivée
parmi les clients potentiels de la très solvable Afrique du Sud a changé la
donne. Ce partenariat donne en effet au projet la crédibilité qui lui faisait
défaut, notamment depuis les déconvenues subies avec les barrages Inga I et II,
inaugurés en 1972 et 1982.
À l'époque de leur construction, sous Mobutu, le pays tablait sur une croissance
importante de sa consommation énergétique, notamment en raison d'une forte
demande de la part de l'industrie minière du Katanga. Or ces prévisions ne se
sont pas confirmées et les deux ouvrages se sont révélés surdimensionnés.
Le déficit de consommation, associé à la mauvaise gestion de l'État, n'a pas
permis de dégager les ressources nécessaires à leur maintenance (lire
l'encadré). Mais avec l'arrivée du partenaire sud-africain, les bailleurs de
fonds sont désormais prêts à financer en partie Inga III. Le 20 novembre, la
Banque africaine de développement (BAD) a ainsi approuvé le déblocage de 68
millions de dollars.
Relativement optimiste
La première pierre devrait être posée en octobre 2015, pour une livraison à
l'horizon 2020, selon un calendrier que l'ont reconnaît être "relativement
optimiste" à Kinshasa. Car beaucoup de choses doivent encore être réglées, à
commencer par le choix des sociétés auxquelles seront confiées la construction
du barrage (coût estimé : 4,8 milliards d'euros) puis sa gestion. Trois
candidats sont en lice : le chinois Three Gorges Corporation, le consortium
formé par les coréens Daewoo et Posco avec le canadien SNC-Lavalin, ainsi que
les espagnols ACS, Eurofinsa et AEE.
Kinshasa et Pretoria devront aussi s'entendre sur le prix d'achat de
l'électricité, qui doit être négocié courant 2014. "Nous nous sommes déjà mis
d'accord sur trois des conditions que ce tarif devra remplir : permettre
l'entretien des installations, générer un minimum de ressources en RD Congo et
être avantageux pour les Sud-Africains, explique une source gouvernementale
congolaise. Ce prix ne sera peut-être pas tout à fait optimal pour nous, mais
nous devons être conciliants vis-à-vis de nos partenaires... C'est une étape
vers le Grand Inga."
En attendant, la tension monte
Alors que les barrages Inga I et II disposent d'un potentiel total de 1 750 MW,
leur capacité réelle ne s'élève aujourd'hui qu'à 1 100 MW en période de pointe.
Après des années de mauvaise gestion et de manque d'entretien, trois des huit
turbines d'Inga II, le plus puissant des deux complexes, sont à l'arrêt ; et sur
les cinq qui fonctionnent, une seule tourne à plein régime. Leur remise à niveau
est cependant en cours.
Quelque 300 MW ont déjà été "récupérés" depuis le début du chantier, en mai
2012, et la capacité devrait continuer à augmenter jusqu'à atteindre le
potentiel prévu à l'origine. Sans oublier la construction, sur d'autres sites,
de plusieurs centrales, dont celles de Zongo II (150 MW) dans le Bas-Congo, de
Katende (62 MW) dans le Kasaï-Occidental, et de Kakobola (10,5 MW) dans le
Bandundu. De quoi patienter jusqu'à la mise en service d'Inga III.
Jeuneafrique
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