Forum des femmes, succession d'Abdou Diouf, homophobie... La ministre française de la Francophonie, Yamina Benguigui, s'explique.
Yamina Benguigui n'a
Catherine Samba-Panza, la présidente centrafricaine, Aminata Touré, la Première
ministre du Sénégal, Fatou Bensouda, la procureure de la Cour pénale
internationale (CPI), ou encore les premières dames Antoinette Sassou Nguesso et
Aminata Maïga Keïta... Il y a eu du beau monde le 2 mars à Kinshasa, pour le IIe
Forum mondial des femmes francophones, à l'initiative de Yamina Benguigui. La
ministre française de la Francophonie espère en faire une réussite à inscrire à
son bilan, alors que s'ouvre la bataille pour la succession d'Abdou Diouf à la
tête de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF).
Jeune Afrique : Que changera ce forum dans la vie des
femmes francophones ?
YAMINA BENGUIGUI : L'accent sera mis sur la scolarisation des filles, qui
doit devenir obligatoire jusqu'à 16 ans. Nous allons lancer un fonds d'aide pour
cela. Cette scolarisation aura des conséquences en cascade, en limitant les
mariages précoces et les mutilations génitales. Je le sais d'expérience :
l'école, c'est une autorité de proximité. Je suis issue de l'immigration
algérienne. Nos parents pensaient retourner au pays, et ce retour devait
commencer par les filles, afin de les marier. La plupart, et j'en fais partie,
ont évité ce destin parce qu'elles étaient scolarisées.
Est-ce que cela doit devenir un critère d'admission à
l'OIF ?
C'est notre objectif. Les conclusions du forum nourriront le sommet de Dakar [en
novembre], à l'issue duquel une déclaration solennelle sera adoptée. Mais ce
n'est qu'une étape. J'aimerais léguer ce combat après la fin de ma mission à ce
ministère.
C'est le deuxième événement d'ampleur auquel la France
participe à Kinshasa en deux ans. Est-ce une manière de soutenir la RD Congo ?
Non. Je sais qu'on cherche des signes partout, que chaque éternuement sera
décrypté. Ce forum se tient à Kinshasa, car l'idée est que cet événement suive
désormais les sommets de la Francophonie. Le prochain aura lieu à Dakar. En
revanche, je suis contre la politique de la chaise vide, ou l'attitude qui
consiste à condamner depuis Paris.
Des partisans de l'opposant Vital Kamerhe ont été
dispersés à Bukavu, une ville où vous vous êtes rendue. Aborderez-vous le sujet,
à Kinshasa ?
J'aurai un entretien avec le président Kabila, et cette question en fera partie.
Dans l'espace francophone, certains pays connaissent de
sérieux problèmes d'homophobie...
La régression à laquelle on assiste en Ouganda, par exemple, est un désastre. Et
cela rejoint d'ailleurs le combat des femmes. Je vais également me rendre au
Cameroun pour aborder la question avec le président. Désigner les homosexuels
comme cible, c'est inadmissible et contraire aux valeurs de la Francophonie.
Blaise Compaoré, le président burkinabè, doit quitter le
pouvoir en 2015, à moins qu'il ne change la Constitution...
Il n'est pas le seul dans ce cas et je ne vais pas faire d'ingérence. Chacun
fera ce qu'il voudra, la France n'a pas d'ordres à donner. Mais nous souhaitons
à tous ces pays de respecter la volonté du peuple.
Denis Sassou Nguesso s'estime maltraité avec l'affaire
dite des biens mal acquis...
Le Congo-Brazzaville joue un rôle très important dans la région, notamment en
Centrafrique, où il a assuré une bonne partie des salaires. Notre relation
bilatérale avec lui est très dense. Mais en aucun cas le gouvernement français
ne peut intervenir dans une procédure judiciaire. D'ailleurs, cette affaire
n'entre pas en compte dans notre relation bilatérale. Le président Sassou
Nguesso n'évoque jamais le sujet.
La situation n'a pas changé, mais Catherine Samba-Panza a fédéré et donné de
l'espoir.
Avez-vous confiance dans la capacité de Catherine
Samba-Panza, la présidente centrafricaine, à redresser son pays ?
Je l'ai félicitée pour son élection. Je lui parlais déjà à l'époque où elle
était maire de Bangui. Le fait que ce soit une femme a apporté beaucoup : elle
s'est adressée aux Centrafricains en tant que mère. La situation n'a pas changé,
mais elle a fédéré et donné de l'espoir. Elle doit être aidée.
Ces souffrances auraient-elles pu être évitées si la
France avait soutenu le régime de François Bozizé face aux rebelles ?
Bozizé joue aujourd'hui un jeu étrange et jette de l'huile sur le feu. La France
est intervenue sous mandat de l'ONU dans une crise humanitaire. Elle n'avait pas
à intervenir dans une crise politique, en amont.
Abdelaziz Bouteflika, le président algérien, a fait
plusieurs séjours médicaux en France. L'avez-vous rencontré ?
Non, je n'étais pas là. Mais nous sommes en contact avec son entourage.
Qu'avez-vous pensé de sa décision de se représenter ?
C'est un processus électoral dans une démocratie où le peuple est souverain.
Mais nous scrutons l'Algérie. Je la scrute pour des raisons personnelles.
Abdou Diouf doit quitter le secrétariat général de l'OIF
en novembre. La possibilité qu'il prolonge son mandat à la tête de cette
institution a été évoquée...
D'après ce que je sais, il va achever son mandat sur le magnifique hommage qui
lui sera rendu à Dakar. Il n'a jamais évoqué l'hypothèse d'aller au-delà.
Qui pourrait lui succéder ?
Pour l'instant, personne ne s'est déclaré officiellement. Mais, d'ici à
juillet-août, il y aura probablement de nombreux candidats.
Le poste doit-il revenir à un Africain ?
J'aimerais que cela continue d'être un homme ou une femme en lien avec les pays
du Sud. Boutros Boutros-Ghali et Abdou Diouf ont été exceptionnels. Ce dernier a
porté l'organisation très haut. Il faut continuer sur ce chemin.
La France présentera-t-elle un candidat ?
Rien dans les textes ne l'interdit. Il n'est pas exclu qu'une Française ou un
Français qui aurait peut-être un lien avec les pays du Sud soit candidat. Je
pense que le choix se fera sur la personne.
Excluez-vous d'être candidate ?
Je n'ai pas terminé ma mission au gouvernement et n'ai donc aucune velléité
d'aller ailleurs pour le moment.
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