Ancien haut responsable du MNLA, Ibrahim Ag Mohamed Assaleh a définitivement rompu avec la rébellion touarègue. Il compte annoncer la création officielle de son propre mouvement à Alger d’ici à la mi-mars. Interview.
Ibrahim Ag Mohamed Assaleh, le 7 octobre 2012 à
Ouagadougou.
Ibrahim Ag Mohamed Assaleh, ancien chargé des relations extérieures du Mouvement
national de libération de l’Azawad (MNLA), joue désormais sa propre partition
dans les complexes négociations pour un accord de paix au Nord-Mali. Evincé de
la rébellion touarègue à la fin du mois de février, sur fonds de profondes
tensions avec son leader, Bilal Ag Acherif, l’ancien député de Bourem va
annoncer, d’ici la mi-mars, la création officielle de sa propre organisation à
Alger.
Soutenu par les autorités algériennes, ce futur "mouvement politico-militaire",
selon les termes de son fondateur, entend enfin faire aboutir l’accord de paix
avec le gouvernement malien. D’après Ibrahim Ag Mohamed Assaleh, cette nouvelle
dissidence serait soutenu par une majorité des cadres du MNLA et compterait près
de 8 000 combattants armés. De passage à Bamako, où il a officiellement informé
les responsables maliens et ceux de la Minusma de sa démarche, le rebelle
touareg a reçu Jeune Afrique pour expliquer ses objectifs.
Jeune Afrique : pourquoi avez-vous définitivement claqué
la porte du MNLA ?
Ibrahim Ag Mohamed Assaleh : Car je constate qu’avec Bilal Ag Acherif
nous resterons dans une situation de "ni paix ni guerre", alors qu’il faut
savoir faire la guerre, mais aussi la paix, quand cela est nécessaire.
Que lui reprochez-vous ?
De vouloir instrumentaliser le combat légitime du peuple de l’Azawad au profit
d’autres agendas, notamment ceux de certains États, qui ne correspondent pas aux
nôtres.
C'est à dire ?
Je parle en particulier du conflit entre Rabat et Alger dans lequel nous ne
devrions pas nous immiscer, en tant que peuple qui lutte pour son droit à vivre
en toute liberté et en toute dignité sur son territoire.
Vous accusez donc Bilal Ag Achérif d’être trop proche des
autorités marocaines…
Ce n’est pas qu’il est trop proche de Rabat. Nous partageons notre frontière
avec l’Algérie. S’il n’y avait pas eu la colonisation française, il n’y aurait
pas de frontière entre l’Azawad et l’Algérie. Notre peuple est situé de part et
d'autre de cette délimitation. Par contre, nous n'existons pas au Maroc.
Et vous, vous ne répondez pas aux intérêts algériens ?
Ecoutez, je suis très indépendant vis à vis des intérêts algériens et nous
sommes autonomes dans notre lutte. Si vous pensez que je suis proche d'Alger, je
vous réponds "oui, nous le sommes géographiquement et socialement". La majeure
partie du sud algérien est occupée par des Touaregs. Je pourrais même dire que
je suis à 50% algérien.
Bilal Ag Acherif a-t-il officiellement sollicité une
médiation marocaine dans les négociations actuelles entre les groupes armés du
Nord du Mali et le gouvernement malien ?
Oui. Il a sollicité une médiation auprès du roi du Maroc. Au lieu de solliciter
cette nouvelle médiation, alors que nous avons déjà celle de la Cédéao, grâce à
laquelle nous avons signé l'accord de Ouagadougou, il faudrait accepter celle de
l'Algérie. C'est un pays frère avec lequel nous partageons les mêmes communautés
de chaque côté de la frontière.
Quel est l'objectif de votre dissidence ?
J'ai déclaré haut et fort la création de ma dissidence. J'ai écrit au
représentant spécial des Nations unies et chef de la Minusma, M. Bert Koenders,
pour l’en informer. Je lui ai fait savoir que nous ne répondions plus aux
instances dirigées par Bilal Ag Acherif au sein du MNLA. Nous allons déclarer la
création de ce mouvement politico-militaire dans les jours à venir, d'ici la
mi-mars, à Alger. Il sera consacré à la défense des droits légitimes du peuple
de l'Azawad dans le processus de négociations avec Bamako.
Combien de combattants armés comptera ce mouvement ?
Il est difficile de définir un nombre exact de combattants, car certains se sont
prononcés et d'autres attendent notre déclaration officielle pour se prononcer.
Mais je suis sûr et certain que nous compterons environ 8 000 hommes. Nous avons
aussi l'adhésion de plus de 60% de la population azawadienne.
L'indépendance de l'Azawad n'est plus à l'ordre du jour à partir du moment où
nous avons signé l'accord de Ouagadougou.
Comment va s'appeler cette dissidence ?
Son nom sera annoncé le moment venu et chacun l'entendra.
Entendez-vous participer à la relance du dialogue avec les
autorités maliennes ?
L'indépendance de l'Azawad n'est plus à l'ordre du jour à partir du moment où
nous avons signé le respect de l'intégrité territoriale du Mali dans l'accord de
Ouagadougou. Nous allons nous battre pour qu'il y ait un contrat social entre
l'Azawad et Bamako sur les aspects politico-institutionnels, sécuritaires,
économiques, ou encore socio-culturels, afin d'aboutir à un accord de paix
durable. Nous souhaitons des négociations à travers la communauté
internationale, la Cédéao, et l'Algérie, pour pouvoir atteindre le maximum des
aspirations du peuple de l'Azawad.
Cette nouvelle dissidence ne va-t-elle pas apporter encore
plus de confusion dans les négociations de paix ?
Cette dissidence n'apportera pas de confusion parce que nous existerons sans le
sigle du MNLA. Nous allons exister sous un autre nom, pour justement éviter
toute confusion.
_________
Propos recueillis par Benjamin Roger, à Bamako
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