À deux ans de la présidentielle gabonaise, le co-fondateur du courant des Souverainistes, branche radical du mouvement de l’Union national (UN), Joseph John-Nambo, tire à boulet rouge sur la politique menée parti au pouvoir.
Joseph John-Nambo, co-fondateur du courant
des Souverainistes.
Agrégé des facultés de droit Joseph John-Nambo, 59 ans, est une figure de
l’Union nationale (UN), parti de l’opposant André Mba Obame (AMO) dissout en
2011. Conseiller d’AMO, il est un co-fondateur du courant des Souverainistes,
branche radical du mouvement – puisqu’il ne peut plus être qualifié de parti –
de l’UN. Il est également un cousin de Jean Ping, l’ex-cacique du Parti
démocratique gabonais (PDG) du président Ali Bongo Ondimba (ABO) qui a claqué la
porte de sa mouvance en février 2014. Après la tenue en décembre 2013 des
élections locales qui ont vu le parti présidentiel conserver sa domination, à
deux ans de l’élection présidentielle cruciale qui se tiendra en 2016, il nous
livre sa vision du paysage politique gabonais.
Jeune Afrique : Quelle leçon tirez-vous des dernières
élections locales de décembre 2013 ?
Joseph John-Nambo : En tant que souverainistes au sein de l’Union
nationale (UN), mes amis et moi avons jugé utile de ne pas nous impliquer dans
cette énième mascarade électorale organisée par un pouvoir qui s’est spécialisé
dans la "kleptomanie électorale", nous ne voulions pas être les complices de
cette opération que le raïs du Gabon voulait utiliser pour redorer son image de
pseudo démocrate si abimée à l’internationale. Au vu des résultats qu’on a bien
voulu servir à la communauté nationale et internationale par la "tour de Pise"
électorale du Gabon, il est évident que si les choses avaient été comme dans les
pays normaux, l’UN serait sortie largement vainqueur de cette compétition.
Quel regard portez-vous sur le Parti démocratique gabonais
du président Ali Bongo Ondimba (ABO) ?
Je crois que les PDGistes, au lieu de verser dans l’insulte qui est leur arme
préférée, feraient mieux de bien réfléchir à ce qui leur arrive en ce moment. Je
ne veux pas prétendre ici leur donner des leçons, mais l’histoire politique nous
apprend qu’un parti politique, après 20 ans, est appelé à se renouveler, faute
de quoi, il sombre dans la vacuité politique et devient une coquille vide.
Aujourd’hui, Ali Bongo est le principal allié de l’opposition.
À quoi attribuez-vous les défections au sein du PDG,
dernièrement messieurs Ping et Adiahénot : stratégie ou maladresse d’ABO ?
Parler de stratégie au sujet d’Ali Bongo, c’est lui accorder trop d’importance
en la matière ; ce qui est certain, c’est que sa gestion catastrophique et
chaotique du pouvoir et du pays qu’il a pris par effraction, son arrogance qu’il
partage avec ses mercenaires de la plume et du micro, ne sont certainement pas
étrangères à ce qui se passe dans son écurie politique ; ce n’est même plus de
l’ordre des maladresses, j’oserai même parler ici de suicide politique ! En tout
cas, aujourd’hui, Ali Bongo est le principal allié de l’opposition.
Quels griefs porte M. Ping au parti présidentiel ?
C’est justement de transformer ce beau pays en pays virtuel avec l’appui
inconditionnel d’un parti à bout de souffle politique et d’amener inexorablement
le pays vers des problèmes que les fameux émergents ne sauront pas gérer. Jean
Ping ne voulait pas monter sur le Titanic et il a eu raison.
Pourtant le PDG reste le parti qui domine le paysage
politique, et son noyau reste soudé…
La majorité de ceux qui entourent ABO est plutôt habitée par la peur que par une
quelconque adhésion à sa personne. Peur de perdre les postes que beaucoup
n’auraient jamais occupé dans un pays normal, peur d’être réduit à néant. Ce
monsieur règne, je dis bien règne beaucoup plus par la terreur que par la
recherche d’une quelconque adhésion à sa personne ou à sa politique
incompréhensible ; voilà d’ailleurs pourquoi, nous qui avons osé et qui exposons
quotidiennement nos vie dans cet environnement politico-dangereux sommes
considérés par beaucoup de Gabonais comme des téméraires, des morts en sursis.
Nous sommes décidés à aller jusqu’à l’instauration d’une véritable démocratie
dans notre pays.
Face à une telle omnipotence, que peut l’opposition ?
L’opposition essaie comme elle le peut d’exister. À mon humble avis, elle manque
cruellement de détermination et d’envie d’en découdre. C’est ce qui m’a amené à
identifier dans l’espace politique gabonais deux types d’opposition,
l’opposition du pouvoir, celle qui accompagne le pouvoir dans son aventure
suicidaire pour le pays et l’opposition au pouvoir, celle qui recherche avant
tout l’alternance et le changement avec au préalable l’instauration d’une
véritable démocratie, pas une démocratie à la sauce gabonaise. En tout cas celle
dans laquelle je milite est habitée par le désir ardent d’alternance, mes amis
de l’UN, en tout cas les Souverainistes, sommes déterminés et décidés à aller
jusqu’à l’instauration d’une véritable démocratie dans notre pays ; au péril de
nos petites vies.
Comment voyez-vous l’avenir de l’opposition ?
Mon souhait est de voir cette opposition enfin déterminée avec un objectif
clair, débarrassée des égos qui caractérisent certains. Une opposition surtout
décidée à imposer la tenue de cette Conférence nationale souveraine qui seule
pourra nous éviter les fâcheuses conséquences des frustrations et des haines
accumulées depuis 2009, année du coup d’État électoral qui a porté le raïs Ali
au pouvoir.
Quelle va être la stratégie de l’UN dissoute ?
Au moment où je réponds à vos questions, les militants de l’UN, parti dissout
par le très démocrate pouvoir émergent du Gabon, sont réunis en journées de
réflexion pour essayer de faire le point sur le chemin parcouru ; à condition
que cette réflexion aboutisse à des propositions crédibles pour son avenir. Les
Souverainistes de l’UN y tiennent en tout cas. Nous osons espérer que d’ici là
un congrès se tienne pour ajuster la stratégie qui nous mènera au combat futur.
Et quel sera votre champion, André Mba Obame étant fort
malade ?
André Mba Obame (AMO) reste et demeure notre champion, il a démontré sa capacité
à fédérer autour de lui ; je vous rappelle qu’en 2009, c’est lui que les
Gabonais avaient choisi.
Quant à son état de santé, il poursuit ses soins quelque part loin du Gabon et
je puis vous assurer que les choses se déroulent parfaitement ; que ceux qui ont
voulu sa mort prématurée se rassurent, AMO aura une couronne pour chacun d’eux.
Tant qu’il y a la vie, il y a de l’espoir, qui peut savoir de quoi demain sera
fait ? Même ceux qui lui ont fait ça, savent-ils de quoi leur lendemain sera
fait ? Alors pour 2016, les AMOistes attendent leur champion de 2009 !
Quel programme politique serait celui de l’UN ?
Le programme politique, social et économique de l’UN sera décliné en temps
opportun, rassurez-vous, l’UN est un grand parti qui ne manque pas de matière.
Le moment venu, les Gabonais en seront édifiés. Candidature unique pourquoi pas,
mais je voudrais quand même rappeler à la mémoire des lecteurs que AMO avait
gagné en 2009 malgré les nombreux candidats de l’opposition ! L’union n’est pas
une fin en soit, à condition que cette union soit sincère et déterminante pour
l’objectif partagé. En tout cas, les Souverainistes, au sein de l’UN ne feront
rien qui aille à l’encontre de cet objectif de victoire en 2016 en espérant bien
entendu que les conditions de cet objectif soient clairement définies et
partagées par le plus grand nombre.
Le contrôle biométrique des électeurs reste-t-il une bonne
solution pour vous ?
La biométrie est le moins mauvais des systèmes en la matière, encore faudrait-il
qu’elle soit franchement mise en place, ce qui ne fut pas le cas pour ces
dernières élections locales au Gabon. On ne peut même pas parler ici de
faiblesses puisqu’on a tout simplement assisté à une supercherie, une de plus !
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Propos recueillis par Laurent de Saint Périer
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