Joseph Kabila sera-t-il le premier président de la République démocratique du Congo à couler une retraite paisible ou va-t-il chercher à s'accrocher au pouvoir à tout prix ? La question se pose avec une acuité nouvelle à Kinshasa après les récentes déclarations de son camp.
La Majorité présidentielle (MP) a annoncé le 21 mars qu'elle envisageait
"sérieusement" de modifier la Constitution par voie référendaire afin de changer
le mode de scrutin des élections provinciales censées avoir lieu en 2015.
Cette coalition autour du Parti du peuple pour la reconstruction et la
démocratie (PPRD) a aussi lié la tenue de la prochaine présidentielle à
l'organisation d'un recensement administratif, ce que l'opposition dénonce comme
une opération destinée uniquement à retarder l'échéance électorale.
La MP assure néanmoins qu'il ne sera "jamais question pour [M. Kabila] et sa
famille politique de comploter contre la République ou la Constitution".
M. Kabila, âg& de 42 ans et déjà 13 ans de pouvoir, doit quitter son poste en
décembre 2016: La Constitution lui interdit de briguer un nouveau mandat.
A l'heure où d'autres présidents africains y réfléchissent (Blaise Compaoré au
Burkina Faso) ou s'y essayent (Pierre Nkurunziza au Burundi), M. Kabila, comme
son voisin de la République du Congo, Denis Sassou Nguesso, est fortement
soupçonné de vouloir modifier la Constitution pour rester en place.
Survenant après plusieurs déclarations équivoques de proches du chef de l'Etat,
les annonces de la MP sont loin d'avoir levé les doutes de l'opposition,
d'autant que certains, au sein de la majorité, font du zèle, tel ce haut cadre
du PPRD, qui a lancé une initiative populaire de révision de la Constitution
pour permettre à M. Kabila de "continuer son oeuvre" après 2016.
L'intéressé se tait, et ce silence alimente toutes les théories
"Mais il n'y a rien de concret sous ces spéculations", car M. Kabila "ne s'est
pas encore décidé" écrit Kris Berwouts, spécialiste de l'Afrique centrale, sur
le site internet African Arguments.
- Entrer dans l'Histoire ?-
On est dans le domaine de l'"hypothèse", reconnaît Samy Badibanga, chef du
groupe parlementaire de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS),
première formation de l'opposition.
Néanmoins, reproche-t-il, "au lieu [...] de s'assurer une sortie honorable, le
pouvoir en place fait de la résistance et voudrait expérimenter des formules
périlleuses".
Ex-meilleur allié de M. Kabila, Vital Kamerhe, président du troisième parti de
l'opposition, l'Union pour la Nation congolaise (UNC), a dénoncé une volonté de
"coup d'Etat constitutionnel".
MM. Badibanga et Kamerhe redoutent que le projet de révision de la Constitution
annoncé pour changer le mode de scrutin des provinciales ne soit qu'un prétexte
pour toucher plus largement à la loi fondamentale, et faire sauter les verrous
qui empêchent M. Kabila de briguer un nouveau mandat.
Il serait alors question de transformer le quinquennat présidentiel en
septennat, ou de changer le mode de désignation du président, pour qu'il soit
élu par les députés et non plus au suffrage universel direct.
M. Kabila a succédé à son père Laurent-Désiré Kabila en janvier 2001, le jour où
ce rebelle devenu président par la force des armes était assassiné.
Il a remporté en 2006 les premières élections démocratiques organisées dans le
pays, mais sa victoire de 2011, facilitée par une révision de la Constitution
ayant ramené la présidentielle à un tour de scrutin, a été entachée de fraudes
massives, dénoncées par l'opposition et la communauté internationale.
Depuis l'indépendance du pays en 1960, aucun des trois chefs de l'Etat ayant
précédé M. Kabila n'a quitté le pouvoir à l'occasion d'un passage de flambeau
démocratique. Le premier, Joseph Kasa-Vubu a été déposé en 1965 par le
dictateur-maréchal Mobutu Sese Seko, lui-même chassé du pouvoir 32 ans plus tard
par Kabila père.
"Qu'il quitte le pouvoir de façon digne, et Kabila entrera dans l'Histoire",
estime M. Kamerhe
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