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Les rêves brisés de Sud-Soudanais, réfugiés pour la deuxième fois

Le retour de la guerre au Soudan du Sud a anéanti les rêves de Bol Gatkuoth Bithaw, Martha Nyaluak et d'autres, les renvoyant vers les camps de réfugiés d'Ethiopie, qu'ils avaient quittés il y a quelques années à peine, pleins d'espoir.

 

 


Les rêves brisés de Sud-Soudanais, réfugiés pour la deuxième fois © AFP

 


Le 15 décembre à Juba, des combats ont éclaté au sein de l'armée sud-soudanaise, issue de la rébellion sudiste, entre soldats fidèles au président Salva Kiir et troupes loyales à son ancien vice-président Riek Machar, avant de s'étendre ailleurs dans le pays.

Le conflit a brutalement mis fin aux espoirs de paix et de liberté des habitants de la toute jeune nation sud-soudanaise, née en juillet 2011 dans les décombres de décennies de guerre civile meurtrière contre le Soudan.

Bol Gatkuoh Bithaw, 33 ans, a marché plusieurs semaines avec sa femme et son fils en direction de la frontière éthiopienne, enjambant des cadavres, se nourrissant de fruits sauvages et de feuilles, avant d'atterrir dans ce camp où s'entassent quelque 80. 000 personnes près de Pagak, dans la région éthiopienne de Gambela.

Un retour douloureux pour celui qui avait passé 10 ans dans des camps éthiopiens à l'époque de la longue guerre civile (1983-2005) entre la rébellion sudiste et les forces de Khartoum ayant abouti à la partition du Soudan.

Deux ans après l'accord de paix de 2005, il avait enfin pu quitter les camps et rentrer chez lui. "J'étais très heureux parce que c'était la première fois que je sentais l'odeur de la paix. Je voulais construire le pays", où tout, routes, infrastructures, Etat, était à faire, raconte-t-il, assis près d'un centre de distribution de nourriture où des femmes font la queue.

Mais "maintenant, l'espoir s'étiole", admet le père de famille, qui travaillait pour un projet de désarmement d'enfants-soldats à Malakal, capitale de l'Etat pétrolifère du Haut-Nil, et qui est loin d'être le seul réfugié du camp à avoir refait le pénible trajet vers la frontière éthiopienne.

- Malnutrition, surpopulation, risque d'épidémie -

Martha Nyaluak avait elle aussi quitté l'Ethiopie et ses camps en 2007 pour retourner chez elle, dans le Haut-Nil, des rêves de nouvelle vie plein la tête. Désormais, cette mère de 35 ans, revenue à la case départ, n'a plus qu'une préoccupation: subvenir aux besoins de ses six enfants, dont le plus jeune souffre de diarrhée sévère.

"J'étais heureuse parce que mes enfants recevaient une bonne éducation, des soins adéquats et (. . . ) on construisait des routes, des ponts", se rappelle-t-elle. "Je me sens triste maintenant parce qu'aujourd'hui, au lieu du développement, il y a la guerre".

Le conflit a chassé plus d'un million de Sud-Soudanais de chez eux depuis la mi-décembre. Les combats se sont accompagnés de massacres ethniques, car à la rivalité politique entre MM. Kiir et Machar se greffent de vieux antagonismes entre peuples Dinka et Nuer, dont sont respectivement issus les deux hommes.

Un cessez-le-feu conclu mi-janvier n'a pas empêché les combats de se poursuivre et les négociations à Addis Abeba, destinées à trouver une solution politique au conflit, n'avancent pas, laissant peu d'espoir de paix à court terme.

Dans les camps éthiopiens, les organisations humanitaires peinent à subvenir aux besoins des réfugiés, dont le nombre croît de 1. 000 par jour. Le conflit au Soudan du Sud risque de conduire à une "vraie catastrophe humanitaire", a averti le Haut-Commissaire de l'ONU aux réfugiés, Antonio Guterres.

La situation dans les camps éthiopiens est critique, a de son côté expliqué Peter Salama, le patron de l'Unicef en Ethiopie: "Nous avons une combinaison de malnutrition et de surpopulation. S'ajoute à cela un risque d'épidémie".

"La vie est difficile ici, il n'y a pas assez de nourriture", confirme Bang Chuol qui, en quelques jours de décembre, a tout perdu: sa famille, tuée sous ses yeux, son ambition de devenir géographe et ses projets pour son pays.

"Je vivais avec ma famille et j'étais très heureux. Puis ils ont été assassinés un par un", raconte le timide jeune homme de 20 ans, qui a perdu mère, frère, tante et neveu.

"Je les ai vus mourir de me propres yeux", dit-il. Avant d'ajouter: "tout ce que je veux, c'est de reprendre mes études".

Jeuneafrique

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