Boko Haram, qui fête son dixième anniversaire, poursuit sa croisade macabre dans le nord du pays. Depuis le début de l'année 2014, la secte islamiste nigériane aux milliers de victimes a déjà frappé une quarantaine de fois.
Cela fait déjà dix ans. Dix ans que la secte Boko Haram sème la terreur au
Nigeria. Aux origines du mouvement, il y a Mohammed Yusuf. Dès 2002 - soit deux
ans avant le début de la vague d'attentats -, ce gourou harangue ses fidèles par
des prêches radicaux où se mêlent critique de la corruption, haine contre
l'Occident et sa "modernité", et dénonciation de l'inertie des autorités
centrales. Dans cette région longtemps délaissée par les autorités centrales où
l'illettrisme atteint des sommets, le discours fait recette et les foules se
pressent à l'entrée de la mosquée et de l'école coranique. Malgré quelques
assassinats et des assauts meurtriers contre la police, personne ne prête encore
véritablement attention à Boko Haram. Les autorités d'Abuja sont alors davantage
préoccupées par l'insurrection en cours dans le delta du Niger.
La carte interactive recensant les exactions de Boko Haram
au Nigeria depuis 2003 jusqu'à aujourd'hui.
Tout change en juin 2009, lors d'un banal incident avec la police. Quinze
fidèles sont tués. Yusuf promet de les venger et enclenche un soulèvement
d'envergure dans quatre États du Nord. La réplique des forces de l'ordre est
féroce. Le leader de la secte est capturé puis exécuté sans aucune forme de
procès. Sa mort va radicaliser la secte, désormais soumise à l'influence de son
nouveau chef Abubakar Shekau. Depuis, les attentats se sont multiplié.
Des attentats prolifiques
Dans l'horreur, Boko Haram est particulièrement efficace. Selon les estimations
les plus basses, 160 attentats auraient été commis par la secte depuis 2004 pour
des victimes qui se comptent en milliers (2 600 au minimum). Dans cette longue
litanie de crimes, les victimes sont nombreuses mais contrairement à ce que l'on
croit, majoritairement de religion musulmane (environ les deux tiers pour un
tiers de chrétien). Civils, forces de l'ordre, membres de groupes d'autodéfense,
personnalités critiques... Autrement dit, sont visés tous ceux qui semblent
s'opposer à la secte, symboliser l'État fédéral ou, surtout, sont suspectés
d'être de mèche avec ce dernier.
Plus étonnants sont les massacres commis dans les collèges et écoles du nord
nigérian. Boko Haram – dont le nom signifie "l'éducation occidentale est un
péché"- entend ainsi combattre la laïcisation de l'enseignement perçue comme "un
outil du maintien de la domination des élites sur les masses", explique Bala
Liman, spécialiste nigérian de la secte. Dans les premières années, les
attentats se concentraient surtout dans le Nord-Est et plus particulièrement
dans la région autour de la ville de Manduguri, fief historique de la secte. Là,
les jihadistes disposaient de commodités et de complicités propices à leurs
activités.
Dès 2010, de mieux en mieux organisé, Boko Haram n'hésite plus à s'aventurer
plus au Sud. Ces incursions suscitent une inquiétude croissante au sein de la
population chrétienne, majoritaire au Sud et cible de choix des islamistes. Une
inquiétude qui atteint son paroxysme lors de l'attentat-suicide du 16 juin
contre le siège de la police nationale en plein cœur de la capitale.
Échanges de bons procédés entre djihadistes
Au cours des années 2012 et 2013, les observateurs ont tôt fait de constater le
degré de sophistication de plus en plus poussé des attentats de la secte. Une
sophistication croissante qui s'expliquerait par la perméabilité (encore non
prouvée) de Boko Haram à l'influence des différents groupes jihadistes qui
essaiment dans le Sahel. Déjà en décembre 2012, le commandant américain de
l'Africom, le général Carter Ham, évoquait ces échanges de bons procédés entre
la secte et Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi): "Nous croyons et nous avons vu
des rapports (confirmant) que Boko Haram reçoît un soutien financier,
probablement un entraînement, probablement quelques explosifs, d'Aqmi dans une
relation qui va dans les deux sens".
Cette porosité prouverait que Boko Haram n'est pas qu'un groupe unifié autour
d'un seul but, à savoir l'instauration d'un califat islamique au nord du pays où
serait imposée la charia. Ainsi s'explique la scisson du groupe au début de
l'année 2012 qui voit naître Ansaru (Avant-garde pour la Protection des
Musulmans en Afrique noire). Plus orientés vers l'international, ses membres
sont responsables de la multiplication des enlèvements d'occidentaux.
Pour autant, il n'existe pas de stricte répartition des tâches entre les deux
groupes, l'un occupé au national, l'autre au jihadisme mondial. L'intervention
française au Mali en janvier 2013, perçue comme une énième croisade de
l'Occident contre l'islam, a en effet convaincu les responsables de Boko Haram
d'internationaliser leurs actions. La frontière entre le groupe historique et
Ansaru ne serait ainsi pas totalement hermétique : "il y a des indices qui
prouveraient qu'ils ont collaboré ensemble lors de quelques kidnappings",
déclare Bala Liman, spécialiste nigérian du groupe islamiste.
Depuis l'année dernière, le groupe subit la pression continue de l'armée
nigériane qui tente de reprendre le contrôle du Nord. De plus en plus acculés,
ses membres se servent des pays limitrophes – particulièrement le Cameroun –
comme base arrière. Avec toutes les craintes de régionalisation du conflit que
ces incursions suscitent.
Ci-dessous, les cibles et les modes opératoires de Boko Haram :
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