Le Nigeria pourrait être propulsé ce week-end au rang de première économie africaine, devant l'Afrique du Sud, à l'occasion de la publication de la nouvelle estimation de son PIB, calculé selon une nouvelle méthode.
Une vue générale d'un complexe pétrolier au Nigeria, en 2005.
Les nouveaux chiffres de l'économie du pays le plus peuplé d'Afrique doivent
être dévoilés dimanche par le Bureau national des statistiques. Des
statisticiens des Nations unies recommandent aux pays de modifier tous les cinq
ans le mode de calcul de leur produit intérieur brut pour prendre en compte les
évolutions dans la production et la consommation, mais le Nigeria n'avait pas
modifié sa méthode de calcul depuis 1990.
Les nouveaux chiffres, qui prendront en compte l'apparition et le développement
rapide de nouveaux secteurs et de nouvelles industries, notamment les
télécommunications et l'industrie locale du cinéma, Nollywood, donneront aux
investisseurs étrangers une vision plus réaliste de l'économie du pays. Mais,
selon les experts, ces chiffres ne doivent pas être interprétés comme un signe
de développement, l'Afrique du Sud étant largement devant le Nigeria en termes
de PIB par habitant, d'infrastructures et de gouvernance.
Si une petite partie de la population est extrêmement riche, la grande majorité
des quelques 170 millions de Nigérians vit avec moins de deux dollars par jour,
dans un pays qui manque cruellement d'infrastructures, où tous n'ont pas accès à
l'eau potable et où les coupures d'électricité sont quotidiennes. Pour Dawie
Rodt, de l'Efficient Group, basé en Afrique du Sud, "en termes d'infrastructures
et de systèmes de gestion l'Afrique du Sud reste un géant, loin devant le
Nigeria".
"Cela ne va rien changer dans la réalité, ce n'est pas comme si tous les
salaires allaient doubler", estime quant à lui Chuba Ezekwesili, un économiste
du centre de recherche Nigeria Economic Summit. Le changement de méthode de
calcul "est plus cosmétique qu'autre chose. Mais nous pensons que cela va
augmenter les opportunités d'investissement au Nigeria", a-t-il ajouté.
Nollywood et téléphonie mobile
Le Nigeria, principal producteur et exportateur de pétrole africain, a
enregistré de forts taux de croissance ces dernières années, devenant de plus en
plus attractif pour les investissements des entreprises étrangères, malgré la
corruption rampante, les problèmes de vol de pétrole à grande échelle et
l'insurrection islamiste qui sévit dans le Nord.
Le taux de croissance annuel a atteint en moyenne 6,8% entre 2005 et 2013 et les
prévisions de croissance pour cette année sont de 7,4%, selon les chiffres du
Fonds monétaire international (FMI). En comparaison, l'Afrique du Sud a connu un
taux de croissance légèrement supérieur à 5% entre 2005 et 2008-9, et peine
depuis à dépasser les 3,5%.
Les télécoms et l'industrie du cinéma comptent parmi les secteurs qui ont le
plus évolué au Nigeria depuis 1990. A cette époque, le Nigeria comptait peu de
lignes de téléphone fixe alors qu'aujourd'hui, il s'agit du plus important
marché de téléphonie mobile d'Afrique, avec environ 167 millions de lignes en
service selon la commission nigériane des communications. La très prolifique
industrie du film de Nollywood génère quant à elle jusqu'à 590 millions de
dollars de chiffre d'affaires annuel, selon Robert Orya, à la tête de la banque
nigériane de l'import-export.
"Pays pauvre'"
Pour Pat Utomi, professeur d'économie politique à l'école de commerce de Lagos,
ces nouveaux chiffres vont servir les intérêts des décideurs nigérians, alors
que "pour l'homme moyen, dans la rue, cela ne veut rien dire". "Le Nigeria reste
un pays pauvre, avec de très sérieux problèmes d'infrastructures", rappelle M.
Utomi.
"On devrait s'affairer à transformer l'énorme capital humain disponible dans ce
pays en ressources pour aider à réduire la pauvreté et à créer de l'emploi",
ajoute-t-il.
Pour Jidi Akintunde, le rédacteur en chef du magazine Financial Nigeria, "cela
va donner l'impression que le pays est d'avantage capable d'absorber les
investissements directs venus de l'étranger". "Mais le changement de mode de
calcul du PIB ne peut pas être une fin en soi (...) Nous devons nous concentrer
sur les réformes à mener pour faciliter la création d'entreprises au Nigeria",
estime-t-il.
Jeuneafrique
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