La France doit "regarder la vérité en face" concernant son rôle dans le génocide de 1994 au Rwanda, a estimé dimanche la ministre rwandaise des Affaires étrangères, ajoutant que Kigali ne pouvait s'entendre avec Paris au détriment de l'histoire.
La ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise
Mushikiwabo,
à Paris le 12 septembre 2011.
Louise Mushikiwabo a estimé "injustifiée" la décision française d'annuler sa
participation lundi aux cérémonies marquant le 20e anniversaire du génocide.
Paris a pris cette décision en réponse aux propos du président rwandais Paul
Kagame qui a accusé dans une interview la France d'avoir joué un "rôle direct
dans la préparation du génocide" et d'avoir participé "à son exécution même".
"Pour que nos deux pays commencent réellement à s'entendre, nous allons devoir
regarder la vérité en face, la vérité est difficile, il est compréhensible qu'il
soit très difficile d'accepter la vérité d'être proche de quelqu'un associé au
génocide", a déclaré Mme Mushikiwabo qui s'exprimait à Kigali lors d'un forum
international au Parlement. "Il est impossible pour nos deux pays d'avancer, si
la condition est que le Rwanda doive oublier son histoire pour s'entendre avec
la France (...) Nous ne pouvons avancer au détriment de la vérité historique du
génocide", a-t-elle poursuivi.
Mme Mushikiwabo a ensuite estimé devant la presse que les propos de M. Kagame
dans l'hebdomaire Jeune Afrique paru dimanche, n'étaient "ni nouveaux, ni
surprenants". "Ce que je dis c'est que la réaction (française) à un commentaire
qui a été fait plusieurs fois auparavant par le président (...) est une réaction
excessive", a-t-elle expliqué aux journalistes. "C'est malheureux parce que
l'histoire est l'histoire", a poursuivi la ministre, estimant que "le peuple
français en général ne devrait pas être tenu dans l'ignorance de ce que certains
responsables français ont fait" au Rwanda.
La décision de Paris d'annuler sa participation aux commémorations officielles
des 20 ans du génocide au Rwanda marque un nouveau coup d'arrêt à la
normalisation des relations entre les deux pays, empoisonnées par le soupçon
malgré la réconciliation officielle de 2010. La France était en 1994 une alliée
du régime extrémiste hutu à l'origine du génocide qui a fait environ 800.000
morts, essentiellement dans la minorité tutsi, entre avril et juillet, et le
rôle des autorités françaises de l'époque reste controversé.
Bernard Kouchner réfute les accusations
Dans cette interview à Jeune Afrique, parue la veille du lancement des
commémorations officielles, M. Kagame accuse notamment des soldats français
d'avoir été non seulement "complices" mais aussi "acteurs" des massacres. A
Paris, Romain Nadal, porte-parole du ministère des Affaires étrangères a déclaré
dimanche que la France était "surprise" par les accusations du président Kagame
qui sont en "contradiction avec le processus de réconciliation et de dialogue
engagé" entre les deux pays. "Mais nous tenons à dire aujourd'hui que la France
s'associe au deuil des familles des victimes et qu'elle s'incline devant la
mémoire de toutes les victimes de ce génocide. Nous continuerons à l'avenir à
faire le travail de mémoire pour perpétuer le souvenir de ce génocide", a-t-il
ajouté.
Deux anciens ministres français, Bernard Kouchner, et Paul Quilès ont aussi
réfuté dimanche toute "participation directe" de la France au génocide. M.
Quilès, ancien président de la mission parlementaire française d'information sur
le génocide au Rwanda a qualifié dimanche "d'ignominieuses" les accusation de M.
Kagame, qu'il juge motivées par les "difficultés internationales" que rencontre
le Rwanda, notamment avec les Etats-Unis et le Conseil de sécurité de l'Onu,
suite aux ingérences de Kigali dans l'est de la République démocratique du
Congo.
Jeuneafrique
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