Michel Camdessus est aujourd’hui membre de l’Africa Progress Panel. Et, à ce titre, l’ancien patron du FMI évalue les atouts et les faiblesses du continent avec la précision d’un expert et la passion d’un acteur engagé.
Michel Camdessus, dans les
studios de RFI.
Révolution agricole en Afrique, pillage des ressources naturelles,
politiques d’ajustement structurel des années 1990... C’est le membre de
l’Africa Progress Panel mais aussi l’ancien directeur général du Fonds
monétaire international (FMI) que RFI et Jeune Afrique ont accueilli dans le
cadre de l’émission Le Grand Invité de l’économie.
Croissance africaine
« Jusqu’en 1995, les Africains s’appauvrissaient continûment car le
taux de croissance économique était inférieur au taux de croissance
démographique. Depuis, les courbes se sont inversées. Mais cet
enrichissement ne profite pas aux plus pauvres. Il y a même des cas
dramatiques, comme en Zambie, où le pays s’enrichit mais pas sa population,
en raison d’inégalités grandissantes dans la distribution des fruits de la
croissance. »
Insécurité alimentaire
« L’Afrique a vocation à se nourrir et à nourrir la planète. En cinq
ans, le continent pourrait doubler sa production agricole si des politiques
appropriées étaient instaurées. Les pays africains doivent d’abord tenir
parole. Ils s’étaient engagés, à Maputo, au Mozambique, à consacrer 10 % de
leur budget à l’agriculture. Pourtant, moins d’une dizaine le font, tandis
que seize autres ont réduit leurs dépenses en proportion. Il y a
indéniablement un effort à faire en matière d’investissement pour les routes
et le stockage alors qu’un tiers de la production agricole est aujourd’hui
perdue. Et il faut adopter des mesures sociales en faveur des petits
agriculteurs. »
Pillage
« L’exploitation illégale des forêts grève de 18 milliards de dollars
par an les budgets africains, résultat des activités de certaines sociétés
offshore dont on ne connaît pas les véritables propriétaires. Le secteur de
la pêche, quant à lui, est victime des mêmes aléas, causés par des pavillons
de complaisance, notamment en Afrique de l’Ouest, bien que dans des
proportions moindres. Ce dernier domaine est encore une zone de non-droit. »
Ajustement structurel
« On ne désindustrialise pas quand il n’y a pas d’industrie ; et il y
en avait peu en Afrique avant les années 1990. Ou alors des entreprises
obsolètes créées pour verser des revenus à des amis du pouvoir. Si l’Afrique
bénéficie aujourd’hui de politiques macro-économiques saines, elle le doit
au consensus de Washington, qui était celui de l’ensemble des pays membres
du FMI et de la Banque mondiale. »
Christine Lagarde et « le FMI de papa »
« La création du Fonds monétaire international date de 1947. On peut
donc dire qu’un FMI de grand-papa a bien existé. Mais lorsque, dans Jeune
Afrique (n° 2785) Christine Lagarde parle du « FMI de papa », il n’est pas
certain qu’elle parle de moi. Le FMI d’aujourd’hui ressemble comme deux
gouttes d’eau à celui des années 1990, et c’est cela qui me fait très
plaisir. »
Propos recueillis par Frédéric Maury (J.A.) et FrédérIc Garat (RFI)
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