À l'occasion de la présidentielle en Mauritanie, "Jeune Afrique" vous présente jusqu'au 21 juin une série de portraits et d'interviews de candidats. À 64 ans, Ibrahima Sarr, le président de l’Alliance pour la Justice et la Démocratie/Mouvement pour la Réconciliation (AJD/MR), est l'un d'eux. Entretien.
Ibrahima Moctar Sarr se présente pour la troisième fois à
la présidentielle mauritanienne.
Fidèle à ses convictions, il a dit non au boycott. Ibrahima Sarr, 64 ans, se
présente pour la troisième fois à l’élection présidentielle. Le président de
l’Alliance pour la Justice et la Démocratie/Mouvement pour la Réconciliation
(AJD/MR), créé en 2007, revendique une farouche indépendance. Ancien détenu de
la tristement célèbre prison d’Oualata (1986-1990), il n’a eu de cesse de
dénoncer, au cours de ses quarante années de militantisme politique, la
discrimination dont souffrent les Négro-Mauritaniens. Fondateur des Forces de
libération africaines de Mauritanie (Flam), l’ancien journaliste, par ailleurs
député, entend profiter de la tribune que lui offre la présidentielle pour
réitérer son appel à l’unité nationale.
Jeune Afrique : En quoi le dialogue communautaire, que
vous n’avez eu de cesse de réclamer durant votre campagne, peut-il régler la
question de la cohabitation ?
Ibrahima Sarr : La Mauritanie n’est pas un pays normal car elle
est en danger. Je ne m’oppose pas au régime mais au système, dont je veux la
déconstruction. J’appelle toute la classe politique à s’assoir autour d’une
table, comme l’ont fait Nelson Mandela et Frederik de Klerk. Nous devons
redistribuer les richesses et partager le pouvoir. Je ne suis pas sûr que l’on
puisse régler cela par le biais d’une élection présidentielle, mais je profite
de cette occasion pour lancer cet appel aux Mauritaniens et à la communauté
internationale. Si je suis élu, j’appellerai à un gouvernement d’union
nationale.
Pourquoi êtes-vous opposé à une fédération des partis
Négro-Mauritaniens, comme l’ont proposé Arc-en-ciel, le Plej ou encore les Flam
?
Je ne rentre pas dans ce jeu-là. Nous ne sommes par un parti Négro-Africain,
mais un parti national, qui estime qu’il y a une discrimination et qu’il faut y
remédier. Si les Maures blancs étaient stigmatisés, nous l’aurions également
dénoncé ! Mais la Mauritanie est ainsi et je mène mon combat avec des Arabes
blancs, qui pensent comme moi. Quand on fait des regroupements, il y a toujours
des petites querelles de chapelle et cela ne nous intéresse pas. D’accord pour
se concerter, mais pas pour rentrer dans une coalition. Je revendique une
indépendance totale.
Vous avez d’ailleurs refusé de boycotter la
présidentielle.
Nous sommes toujours allés aux élections, car nous les considérons comme
un moyen de gagner du terrain politique et de continuer à nous exprimer. Ainsi,
aux dernières législatives, nous avons obtenu quatre députés à l’Assemblée
nationale et remporté la mairie de Sebkha. Le FNDD a boycotté le scrutin de 1992
et la classe politique a passé une vingtaine d’années à le regretter. Sous
Maaouiya Oukd Taya, les partis politiques ont toujours participé aux élections
et ils n’ont jamais exigé quoi que ce soit. C’est incompréhensible. Si
l’opposition s’était présentée massivement contre Mohamed Ould Abdelaziz, on
aurait peut-être provoqué un second tour. Il aurait essayé de passer en force et
cela aurait interpellé la communauté internationale.
Vous avez été régulièrement reçu par Mohamed Ould
Abdelaziz au lendemain de son élection.
Je l’ai rencontré dix-huit fois, depuis son arrivée au pouvoir. J’ai cru
qu’il pouvait régler la question de l’unité nationale, mais il m’a déçu. Il ne
voulait pas avancer sur certaines questions de fond. Certes, il a reconnu le
passif humanitaire à Kaédi, mais ce qu’il a entrepris ensuite s’apparente à un
pansement, pas à une solution définitive. Il a peut-être des idées, mais il
n’est pas assez outillé politiquement. Le système a dû le freiner.
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Propos recueillis par Justine Spiegel
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