Quelle mouche a donc piqué le président Abdelaziz Bouteflika pour qu’il autorise l’exploitation du gaz de schiste au Sahara, alors qu’il y a deux ans Abdelmalek Sellal, son Premier ministre, ne l’envisageait qu’« à l’horizon 2040 » ? Ce revirement à 180° signifie-t-il que les dangers liés à son extraction par fracturation hydraulique ont diminués ? Non, selon la majorité des experts. Une rumeur persistante fait état d’un accord secret conclu par Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, avant la dernière élection présidentielle algérienne. En échange de quoi ?
En 2005, aux Etats-Unis, on se doutait déjà de ce qui risquait de se passer en
propulsant de l’eau additionnée de sable et de produits chimiques à 3500 mètres
sous terre. Pour éviter des procès liés à la pollution de l’environnement, Dick
Cheney avait fait voter une loi exemptant de poursuites judiciaires les
entreprises pratiquant cette technique. Et pour cause : aujourd’hui dans
certaines parties de la Pennsylvanie, l’eau du robinet contient de l’arsenic, de
l’aluminium, des molécules cancérigènes, et la proportion de méthane dans l’air
a augmentée dangereusement. En juin 2013, Delphine Batho, ministre française de
l’Ecologie, déclarait qu’outre le stockage de 3 milliards de mètres cubes d’eau
polluée à l’air libre aux Etats-Unis, des nappes phréatiques étaient polluées au
mercure, et que l’exploitation du gaz de schiste avait déclenché des séismes de
5 sur l’échelle de Richter. Ce n’était pas rien, mais suffisant pour que
François Hollande déclare le mois suivant qu’il n’y aura pas d’exploration du
gaz de schiste en France tant qu’il sera président. Ces dangers seraient-ils
moindres en Algérie ?
La société Total a été retenue pour exploiter – je dis bien « exploiter » - le
gaz de schiste au Sahara. Elle va, c’est normal, y expérimenter de nouvelles
techniques de fracturation. C’est le vœu de Ségolène Royal, ex-compagne de
François Hollande devenue ministre de l’Environnement et de l’Energie, qui a
affirmé le 23 mai dernier que la France n’est plus contre l’exploitation du gaz
de schiste « si de nouvelles technologies non dangereuses apparaissent»…
sous-entendu : à condition de les chercher ailleurs qu’en France. Libre aux
gouvernements français et algérien d’avoir la mémoire courte en matière de
pollution du Sahara : les conséquences des essais nucléaires des années soixante
sur l’environnement et la population, sont pourtant toujours présentes. Au
Sahara, ne serait-il pas plus logique et rentable d’investir dans le solaire ?
On n’arrête pas le progrès, mais on sait aussi que l’appât du gain de certains
est difficile à contenir ! La décision d’exploiter le gaz de schiste en Algérie
– 11 forages pour commencer… avec beaucoup de précautions, a dit prudemment M.
Sellal - va très certainement rapporter gros à un petit nombre d’entreprises et
d’individus. A moins de la découverte finale d’un procédé miracle, ce sera au
prix de grands risques et à court terme, car aux Etats-Unis on est passé à autre
chose. Après un boom digne de laRuée vers l’or et des dégâts conséquents sur
l’environnement, les entreprises qui exploitaient ce gaz le gaz de schiste ont
mis « la pédale douce », ou fait faillite. La société Total est bien placée pour
le savoir, l’expression est de son PDG Christophe de Margerie. Résultat : Total
s’est pratiquement retirée du marché étatsunien… en y laissant des plumes. Qui
veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes ?
Gilles Munier
Nota : Un extrait de cette tribune est paru dans Le Chiffre d’Affaires
(Quotidien algérien de l’économie et des finances) le 10/6/14: Exploitation du
gaz de schiste : la France sommée d’être patiente : L’Algérie prend les risques
au sérieux
mondialisation.ca
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