Les tensions politiques au Burkina Faso se traduisent par une insécurité de plus en plus grande pour les journalistes. Newton Ahmed Barry, le rédacteur en chef du bimensuel "L’Évenement", tire la sonnette d'alarme.
Le journaliste burkinabè Newton Ahmed Barry est
régulièrement menacé.
Mi-août, Newton Ahmed Barry, le rédacteur en chef du bimensuel L’Évenement, un
titre de la presse burkinabé particulièrement critique envers le régime de
Blaise Compaoré, a envoyé un SOS à plusieurs organisations de défense des droits
humains et de défense de la presse. Victime ces derniers mois d’appels anonymes,
de vols et même de violences, il y évoque de "graves menaces" qui pèseraient sur
sa vie. "Je sais que l’opinion nationale est en général incrédule face à de tels
appels au secours. Je consens à tirer la sonnette d'alarme sous la pression des
amis, convaincus qu’on ne peut rien contre la puissance des services de l’État",
écrit-il. Faisant référence aux tensions politiques qui secouent le Burkina Faso
depuis plusieurs mois ainsi qu’à l’assassinat, en 1998, du journaliste
d’investigation Norbert Zongo, il ajoute : "Nous sommes dans un tournant où la
raison a quitté bon nombre d’acteurs de la scène politique. L’impensable est
désormais possible". Il s’explique.
Jeune Afrique : De quoi avez-vous peur ?
Newton Ahmed Barry : Ces derniers mois, je me suis senti menacé à
plusieurs reprises. En février, on a attaqué ma maison alors que j’étais absent.
Mon gardien a été agressé, il a failli mourir. Aujourd’hui, plus aucun gardien
ne veut travailler pour moi. Je suis obligé de passer par une société de
sécurité privée. En mai, ma voiture a été vandalisée, on m’a volé des effets
personnels. J’ai aussi reçu plusieurs appels anonymes. On me dit : "c’est toi
Barry ?", ou : "c’est toi Newton ?", puis on raccroche. Enfin le 30 août, le
siège de L’Événement a été cambriolé. Mais c’est surtout mon bureau qui a été
visé. Il a été fouillé de fond en comble. Mon ordinateur portable et quatre clés
USB ont disparu, ainsi qu’une chemise cartonnée qui contenait des documents. On
m’a aussi volé une petite somme d’argent, mais bizarrement, les intrus n’ont pas
touché à la recette du jour et ils n’ont rien pris dans les autres bureaux.
C’est après ce cambriolage, et au regard de ce qui s’est passé dans notre pays –
je fais référence à l’assassinat de Norbert Zongo – que j’ai décidé d’écrire ce
message.
Avez-vous porté plainte ?
Plusieurs fois oui, mais elles n’ont reçu aucune suite pour l’instant.
Après la publication de mon message, la police m’a reçu. On m’a dit que mes
plaintes seraient étudiées. Mais on ne m’a pas proposé d’assurer ma sécurité.
Pourquoi êtes-vous visé, d’après vous ?
Ce n’est pas la première fois que je suis menacé. Cela arrive à chaque
fois que la situation politique est tendue. Or elle est très tendue depuis
quelques mois. Je pense notamment que certains dossiers sur lesquels nous
travaillons, et sur lesquels nous avons déjà publié des enquêtes, dérangent : la
mort du juge Salifou Nébié (le 24 mai, NDLR) et la mystérieuse explosion d’un
dépôt dans le quartier du Larlé Naaba (le 15 juillet, NDLR).
Savez-vous qui pourrait en avoir après vous ?
C’est difficile à dire. Je crois que c’est en partie lié au contexte
politique, et en partie à ces deux affaires. Beaucoup de personnes pensent qu’il
ne faut pas ajouter de la crise à la crise.
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Propos recueillis par Rémi Carayol
Trois journaux cambriolés
Outre L’Événement, deux autres titres de la presse burkinabè affirment avoir été
cambriolés récemment : il s’agit de L’Opinion (en février) et de Complément
d’enquête (en août). À chaque fois, du matériel a été volé, principalement dans
des bureaux soigneusement ciblés. Dans un communiqué publié le 17 août, la
Société des éditeurs de la presse privée (SEP) regrette qu’aucun de ces vols
n’ait été pour l’heure élucidé et constate "avec désolation" le "laxisme" des
pouvoirs publics et "le mépris" des gouvernants. "Le contexte actuel rappelle
celui qui a prévalu et précédé au lâche assassinat du journaliste Norbert Zongo
et ses quatre compagnons en décembre 1998", poursuit la SEP, qui "appelle les
professionnels des médias à redoubler de vigilance".
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