Les Libyens donnent aujourd’hui l’impression de ne plus savoir où donner de la tête.
Profitant du vide laissé par la faiblesse extrême de l’Etat, les miliciens ont
vite fait de mettre le pays sous coupe réglée et de se partager à coups de canon
sa dépouille. Le moins que l’on puisse dire est que le pays présente aujourd’hui
les attributs d’un Etat de nature, pour reprendre l’expression de Thomas Hobbes,
où la seule loi qui vaille est celle de la kalachnikov.
Cet environnement de non-droit n’est pas pour déplaire à la coalition islamiste
regroupée au sein de l’opération «Aube de la Libye», qui en profite visiblement
pour étendre son emprise politique et militaire sur l’ensemble du pays, au
détriment des forces libérales et laïques regroupées autour du général Haftar.
En effet, après avoir mis 80% de Benghazi, la deuxième ville du pays et Misrata
la troisième ville dans leur escarcelle, les djihadistes libyens viennent
d’inscrire sur leur tableau de chasse, l’aéroport de Tripoli, au détriment de
leur principale rivale de Zentan, proche du général Haftar.
Cette grosse prise des illuminés venus de Misrata, malgré les raids aériens
lancés par des avions non encore identifiés contre leurs positions à Tripoli,
met en évidence la puissance de feu dont ils disposent. C’est dans ce contexte
que les islamistes libyens, visiblement gonflés par leurs victoires militaires,
ont annoncé que l’ancien parlement, le Congrès général national où ils étaient
majoritaires, reprendrait ses activités. La Libye s’achemine donc vers la mise
en place de deux parlements rivaux. D’un côté, l’on a le parlement légitime,
fraichement installé, où dominent les forces politiques libérales et laïques et
de l’autre le congrès national général qui n’a d’autre légitimité que celle que
lui confèrent les armes.
Signaux au rouge
Après s’être donné les moyens militaires pour régenter une partie du
pays, l’on peut avoir l’impression que les partisans de l’opération «Aube de la
Libye» veulent se donner maintenant les instruments politiques et
institutionnels de la mise en place d’un califat, à travers lequel ils
dérouleront leur programme de société.
De ce point de vue, l’on peut dire que la balkanisation du pays est en marche.
Et ce ne sont pas les tergiversations de la communauté internationale dont
l’intervention avait été sollicitée pourtant par le parlement légitime, obligé
de se murer pour des raisons de sécurité à Tobrouk, très loin de Tripoli, qui
vont contrarier cette marche vers la partition du pays. L’on ne doit rien non
plus attendre du pouvoir fantomatique qui siège aujourd’hui à Tripoli.
L’opération «Dignité» initiée par le général Haftar, qui avait représenté une
lueur d’espoir pour tous ceux qui entretenaient le rêve d’arrimer la Libye aux
valeurs de la laïcité et de la modernité, semble avoir pris du plomb dans
l’aile, face à l’avancée des forces de l’obscurantisme et de l’intolérance. Tous
les signaux sont plus que jamais au rouge en Libye.
C’est pourquoi les ministres des Affaires étrangères des pays frontaliers de ce
pays, se sont réunis hier, 25 août au Caire en Egypte, dans le but de trouver
des voies et moyens pour le stabiliser. Réussiront-ils à sortir la Libye de ce
bourbier? Rien n’est moins sûr.
Véritable capharnaüm
Les milices ont pris une telle longueur d’avance sur les forces
loyalistes que l’espoir de voir la Libye s’en débarrasser n’est pas grand.
Mais il faut souhaiter que les voisins du pays de Kadhafi restent à son chevet
aussi longtemps que nécessaire. Il y va de l’intérêt de tous car si ces milices
parviennent à contrôler totalement la Libye, elles pourraient chercher à
conquérir d’autres territoires voisins, l’appétit venant en mangeant.
La Libye est devenue un véritable capharnaüm et l’on ne doit pas s’étonner que
ce pays qui constituait, il n’y a pas longtemps, un rempart contre l’immigration
clandestine vers l’Occident, soit devenu aujourd’hui un véritable paradis pour
les passeurs qui se bousculent pour proposer aux migrants la traversée de la
Méditerranée. L’illustration de cette image de pays passoire qui colle désormais
à la Libye, vient d’être faite avec le naufrage d’une embarcation de fortune
transportant 170 migrants africains.
Ce drame est une des nombreuses conséquences de la désintégration de la Libye.
Malheureusement, cette tendance est loin de s’inverser. Le salut de la Libye
pourrait venir de ses voisins, emmenés par l’Egypte du général Al-Sissi. Ce
dernier pourrait ne pas se gêner à voler au secours du général Haftar, pour
l’aider à conjurer le péril islamiste en Libye.
Pousdem Pickou
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