L'île possède un important potentiel minier encore peu utilisé. Face à l'accélération de l'exploitation sur son sol, l'État tente de mettre en place une réforme pour en tirer davantage de bénéfices.
Site d'extraction de la compagnie minière d'Ambatovy,
producteur de cuivre et de cobalt.
Or, rubis, saphir, uranium : Madagascar a tout d'une île aux trésors pour les
exploitants miniers. Pourtant, l'an dernier, Rajo Daniella Randriafeno, alors
ministre des Mines, confiait à Reuters qu'il s'agissait d'un "secteur malade".
La crise financière de 2008, conjuguée au marasme politique de 2009-2014, a
freiné l'exploration du sous-sol et le nombre de permis octroyés s'est effondré.
Pendant la crise politique, le gouvernement a suspendu en partie la délivrance
de nouveaux permis miniers. Ce sont autant d'investissements potentiels qui ont
été repoussés. Entre 2009 et 2012, le nombre de permis est passé de 3 364 à 772.
Les grandes compagnies internationales sont cependant toujours présentes, à
l'image de l'anglo-australien Rio Tinto, qui extrait de l'ilménite, de l'indien
Varun, propriétaire de gisements d'or et de platine, de l'allemand Tantalus,
oeuvrant dans le domaine des terres rares, ou du chinois Wisco pour
l'exploitation du minerai de fer. En 2010, malgré la décision de stopper la
délivrance de nouveaux permis, ce dernier a obtenu une licence pour exploiter
une mine de fer, contre 100 millions de dollars (75,5 millions d'euros).
"Il y avait des règles strictes et, malgré la crise politique, elles n'ont pas
été remises en cause. Cependant, leur mise en application a parfois été
défectueuse et certaines compagnies ont pu en profiter", note Rémi Pelon,
spécialiste minier pour Madagascar à la Banque mondiale.
Indispensable
Plusieurs mines sont déjà en cours d'exploitation. Le site le plus ancien est
celui de Fort-Dauphin, où la société QIT Madagascar Minerals (QMM) extrait
l'ilménite. QMM est détenue à 80 % par Rio Tinto et à 20 % par l'État malgache.
Le projet minier d'Ambatovy SA, une association des canadiens Sherritt et
SNC-Lavalin, du sud-coréen Kores et du japonais Sumitomo, exploite quant à lui
le nickel et le cobalt, et son site est en passe de devenir l'une des plus
grandes mines de nickel latéritique au monde.
Depuis l'an dernier, le gouvernement malgache essaie de reprendre la main sur le
secteur et de mettre en place une réforme de son code minier. Une mesure
"indispensable" pour que l'exploitation minière et pétrolière profite à une
majorité de la population, selon le ministre des Ressources, Joël Valérien
Lalaharisaina. Concrètement, une société nationale des mines et une société
nationale du pétrole devraient être créées dans les deux ou trois prochaines
années.
"Les bases ont été lancées avec des projets de lois, mais les détails n'ont pas
encore été partagés. On reste dans une phase de consultation, bien qu'il semble
que le gouvernement ait un calendrier assez serré, explique Rémi Pelon. C'est un
jour nouveau pour l'exploitation minière à Madagascar. L'État compte optimiser
la contribution des mines au développement du pays. Il lui reste cependant à
réviser toutes les lois existantes."
Aujourd'hui, la redevance due par les compagnies à l'État ne dépasse pas 2 %, et
l'utilisation de ces fonds reste opaque. Dans l'affaire Wisco de 2010, les
autorités n'ont par exemple jamais communiqué sur l'affectation des sommes
versées par l'entreprise chinoise. Avec cette réforme, la redevance au bénéfice
de l'État pourrait augmenter.
"C'est une piste qui pourrait être explorée, mais le gouvernement devra trouver
le bon équilibre : parvenir à utiliser les revenus miniers pour le développement
de l'île sans pour autant effrayer les investisseurs étrangers", précise Rémi
Pelon.
L'enjeu est en tout cas énorme, car si certaines mines sont déjà en phase de
production, ce n'est cependant pas encore le cas des gisements pétrolifères. Un
appel d'offres pour l'exploitation de 225 blocs offshore devrait être
prochainement lancé.
Pour Madagascar, il est urgent de regagner la confiance des investisseurs
étrangers. En 2013, les investissements directs étrangers sont tombés à 455
millions de dollars, contre 1,36 milliard en 2009.
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