L'économie du Burundi, c'est côté face, une inflation maîtrisée et des exportations dopées par l'adhésion à la Communauté de l'Afrique de l'Est. Côté pile, c'est une croissance insuffisante et une pauvreté endémique.
Au Burundi, le secteur informel emploie 90% de la population active.
Le Burundi revient de loin. Des décennies de crises successives ont rendu son
économie exsangue. Entre 1993 et 2003, le PIB par habitant a chuté de plus de 45
% (passant de 200 à 109 dollars). Il serait de 330 dollars (271,50 euros) en
2014 selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI), soit plus de
quatre fois inférieur à la moyenne de l'Afrique subsaharienne, qui est de 1 400
dollars par tête.
Et encore "bien loin des 700 dollars par habitant promis par le gouvernement
dans sa vision 2025", rappelle Faustin Ndikumana, responsable de l'ONG Parole &
Action pour le réveil des consciences et l'évolution des mentalités (Parcem).
Certes, de réels progrès ont été accomplis ces dernières années en matière
d'éducation et de santé, ce qui a permis au Burundi de grappiller quelques
places dans le classement sur le développement humain 2014 du Programme des
Nations unies pour le développement (Pnud). Mais il n'y figure qu'au 180e rang
sur 187 et reste l'un des pays les plus démunis au monde, avec 68 % de la
population vivant sous le seuil de pauvreté national (fixé à 0,33 dollar par
jour). "Compte tenu de la croissance démographique, le pouvoir d'achat des
ménages est même plus faible aujourd'hui qu'il y a vingt ans", estimait la
Banque mondiale dans son rapport de suivi, en septembre 2014.
A bout de bras
Cet état de pauvreté persistant illustre à lui seul les insuffisances d'une
économie peu compétitive, dominée par le secteur informel (qui emploie 90 % de
la population active) et qui n'arrive pas à décoller malgré les efforts du
gouvernement, soutenu à bout de bras par les bailleurs de fonds, puisque l'aide
extérieure représente plus de 52 % du budget de l'État.
Après avoir progressé de 4 % à 5 % en moyenne annuelle au cours de la dernière
décennie, la croissance garde le rythme, avec un taux de 4,7 % en 2014, qui
devrait atteindre 4,8 % pour l'année 2015, selon les prévisions de la mission du
FMI qui s'est rendue à Bujumbura en décembre. Or, "il faudrait une croissance à
deux chiffres pendant plusieurs années pour sortir la population de son
indigence", s'agace Faustin Ndikumana.
Même diagnostic du côté de la Banque mondiale, qui souligne que quand bien même
son économie continuerait de croître au taux de 5 % par an entre 2015 et 2025,
le pays resterait parmi les plus pauvres du monde. Le Burundi a cependant obtenu
quelques résultats encourageants. Son taux d'inflation, par exemple, est enfin
maîtrisé. Après avoir culminé à près de 15 % en 2011, les prix à la consommation
n'ont en effet progressé que de 6 % en moyenne en 2014, aidés par la baisse des
cours internationaux sur les produits alimentaires et énergétiques.
Le taux d'inflation devrait être maintenu autour de 5 % ou 6 % en 2015 et dans
les prochaines années, grâce à une politique budgétaire prudente, qui a permis
de contenir le déficit à moins de 2 % en 2014, contre 4 % en 2012. Après avoir
ramené les dépenses publiques à un niveau soutenable pour le pays, l'objectif
est maintenant de mobiliser les recettes intérieures.
La création de l'Office burundais des recettes (OBR), en 2009, a permis dans un
premier temps d'améliorer les rentrées fiscales de 4 % jusqu'en 2011, avant que
les baisses d'impôt sur le revenu plombent à nouveau les comptes. Un casse-tête
pour les pouvoirs publics, qui doivent impérativement disposer de plus de moyens
pour investir dans les infrastructures qui lui font toujours défaut.
C'est vrai pour le transport et plus encore pour l'énergie, sans laquelle aucune
industrialisation ni diversification n'est possible, dans le secteur minier
notamment. La capacité électrique du Burundi est en effet évaluée à 44 MW "quand
il en faudrait quatre fois plus pour assurer le bon fonctionnement du pays",
soulignent les experts de la Banque mondiale.
Modeste
Faute de pouvoir recourir à l'aide internationale pour ne pas fragiliser
davantage sa position budgétaire, le Burundi doit promouvoir l'investissement
privé, quasiment au point mort. Ces dernières années, le pays s'est donc évertué
à réformer son environnement des affaires, avec un succès certain (lire
interview p. 84).
Mais le flux d'investissements directs étrangers (IDE) reste modeste. Il était
de 7 millions de dollars en 2013, contre 111 millions au Rwanda et près de 2
milliards en Tanzanie. La seconde priorité du gouvernement est de doper les
exportations, seul véritable moteur de croissance à la disposition du pays. Le
Burundi ne peut que progresser dans ce domaine, les volumes exportés,
essentiellement agricoles, représentant en valeur chaque année moins de 10 % du
PIB depuis 2008, soit l'un des taux les plus faibles du monde.
"Cela traduit non seulement le manque de compétitivité de l'économie burundaise,
mais aussi son isolement", note le rapport de la Banque mondiale. L'adhésion à
la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC) depuis 2007 est donc perçue comme "une
chance à saisir, surtout pour un pays enclavé", insiste Léontine Nzeyimana,
ministre chargée de l'EAC. Les effets ont été bénéfiques pour le Burundi, qui a
vu ses exportations vers la Communauté augmenter de 75 % en valeur entre 2009 et
2012.
Reste à diversifier les produits, en attendant l'arrivée programmée des
infrastructures routières et ferroviaires à vocation régionale qui, via les
ports de Mombasa et de Dar es-Salaam, relieront enfin le Burundi au reste du
monde.
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