Le président nigérian Muhammadu Buhari rencontre lundi le président Barack Obama aux États-Unis. Un voyage qui permettra de renouer les relations diplomatiques entre les deux pays, estime Lauren Ploch Blanchard, spécialiste en affaires africaines, au Congressional Research Service, basé à Washington.
Le président du Nigéria, Muhammadu Buhari,
au sommet du G7, le 8 juin 2015.
Jeune Afrique : Pourquoi Barack Obama a-t-il invité
Muhammadu Buhari à lui rendre visite à la Maison Blanche ?
Lauren Ploch Blanchard : L’administration Obama a toujours considéré la
relation avec le Nigeria comme l’une des plus importantes en Afrique en raison
de la taille du pays mais surtout de son rôle dans la région. Les États-Unis
craignaient que l’élection présidentielle cause de grandes violences et déchire
le pays. Le fait que le scrutin se soit finalement déroulé sans heurts et ait
été jugé crédible par la communauté internationale fut un grand soulagement.
Alors que plusieurs présidents s’accrochent à leur poste en Afrique,
l’alternance démocratique au Nigeria a plu aux Américains. Barack Obama souhaite
donc partir du bon pied avec Muhammadu Buhari et améliorer sa relation
diplomatique avec le Nigeria, qui était sous tension avec l’ancien président
Goodluck Jonathan.
Qu’est-ce que le Nigeria et les États-Unis ont-ils à
gagner de cette rencontre ?
Les États-Unis veulent obtenir un partenariat plus efficace sur la lutte
contre le terrorisme puisque la menace de Boko Haram prend de l’ampleur sur le
continent. L’administration Obama se sent très concernée par les nombreuses
attaques, dont l’enlèvement des lycéennes de Chibok et le massacre de Baga. En
contrepartie, le gouvernement de Buhari aimerait bien augmenter les
collaborations avec les services secrets américains. Dans le cadre de sa lutte
anti-corruption, le président nigérian pourrait aussi demander de l’aide pour
retrouver les fonds qui ont été volés et détournés à l’extérieur de son pays.
Quelles sont les relations entre le Nigeria et les
États-Unis ?
La visite de Muhammadu Buhari à la Maison Blanche et les deux visites du
secrétaire d’État américain, John Kerry, au Nigéria en 2015 sont les signes
d’une volonté réelle de l’administration américaine d’améliorer les relations
diplomatiques. Les engagements du président nigérian, notamment sa volonté de
combattre Boko Haram et de lutter contre la corruption, coïncident avec la
vision de l’administration Obama. Les États-Unis veulent s’engager davantage
avec un partenaire de confiance. Cette confiance n’était pas présente dans les
dernières années avec Goodluck Jonathan.
Le président Buhari a été clair : il veut diriger la lutte
contre Boko Haram. Comment les États-Unis peuvent-ils soutenir le Nigeria ?
Les États-Unis ont déjà commencé à augmenter leurs investissements pour
améliorer la sécurité dans les pays voisins du Nigeria : Cameroun, Tchad et
Niger. Tout en conservant ses engagements, Barack Obama pourrait maintenant
investir encore davantage au Nigeria s’il y voit des signes de volonté réelle et
d’efforts de la part du gouvernement Buhari. Les États-Unis pourraient offrir
des renseignements, de l’entraînement, du soutien logistique et même de
l’équipement militaire de protection comme des vestes pare-balles, des véhicules
blindés et des casques.
Boko Haram multiplie les attaques meurtrières depuis
quelques semaines. Les miliciens ont-ils changé de stratégie, selon vous ?
La stratégie de Boko Haram est en constante évolution. Le groupe conduit
plus d’attentats-suicides en utilisant des femmes, dont plusieurs ont pu être
des otages du groupe. Il est possible que les miliciens ne soient plus en mesure
actuellement de gagner plus de terrain. Cependant, ils sont encore prêts à faire
la guerre et capables de frapper sur un grand territoire. Ils sont très actifs
dans les pays voisins, notamment au Tchad. Et nous ne savons pas encore quel
impact aura leur allégeance à l’État islamique.
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