Élu premier vice-président de l’Assemblée nationale du Burundi jeudi 30 juillet 2015, Agathon Rwasa reste un personnage aussi ambigu que controversé. Portrait de l'ancien seigneur de guerre, opposant historique de Pierre Nkurunziza.
1. Très jeune déjà, il montre des qualités de leader
Né de parents hutus le 10 janvier 1964 à Ngozi (Nord), Agathon Rwasa est le
septième garçon d’une fratrie de 14 enfants. Il suit une formation primaire et
secondaire dans sa province natale mais aussi à Muramvya (centre). Très bon
footballeur, selon ses proches, c’est également un comédien apprécié dans la
troupe de théâtre de son lycée.
Son enfance est semblable à celle de ses voisins tutsis, même si en raison des
tensions interethniques que connaît le Burundi depuis des décennies, l’élite
hutue reste sur le qui-vive.
C’est tout juste près son entrée à l’université du Burundi que le jeune Agathon
Rwasa endosse pour le première fois un rôle de leader. À tout juste 20 ans, il
est nommé à la tête de l’association des jeunes intellectuels de sa province
natale.
2. Réfugié politique en Tanzanie
Dès 1988, la vie, jusqu’alors paisible de Rwasa, prend une toute autre
tournure. À peine diplômé de l’université, il est recherché par le gouvernement
en place comme la plupart des intellectuels hutus de sa région.
L’armée cible alors les Hutus en représailles aux massacres de Ntega (Kirundo)
et Marangara (Ngozi). Les 15 et 16 août 1988 des Tutsis sont massacrés dans ces
deux communes, au total, 5 000 sont mortes, selon Aloys Kadoyi, ministre de
l’Intérieur de l’époque
C’est dans ce contexte que le jeune étudiant en psychologie s’exile en Tanzanie,
dans le camp de Kigwa. De là, il monte très vite les échelons du mouvement
politique Palipehutu créé en 1980, revendiquant le droit de retour des réfugiés
burundais, hutus pour la plupart.
De simple membre du bureau politique, il devient le leader des Forces nationales
de libération (FNL), la branche armée du Palipehutu.
3. De rebelle impitoyable à politicien
Selon certains témoignages, Agathon Rwasa est un leader à la main de fer.
En même temps président du Palipehutu et chef de sa branche armée, il est au
centre de tous les pouvoirs. Impitoyable et intransigeant, il n’accepte pas la
contradiction.
Bien avant le putsch de 1993, de violents combats opposaient déjà les rebelles
des FNL au pouvoir en place à Bujumbura. Ce n’est que vers la fin des années
1990, usées par une longue guerre civile, que les parties prenantes au conflit
enclenchent des négociations.
Des négociations qui connaîtront de multiples rebondissements avant d’aboutir
aux accords d’Arusha de 1998. Malgré ces accords politiques, les FNL du
Palipehutu n’abandonnent pas pour autant les combats. À partir de janvier 2005,
les rebelles des FNL, dernier mouvement en guerre contre le gouvernement de
transition, acceptent de nouvelles négociations avec le président Domitien
Ndayizeye.
Après 20 ans passés dans le maquis, Agathon Rwasa rentre au pays en 2008. Un an
plus tard, le mouvement est démobilisé et renonce définitivement à la lutte
armée. En avril 2009, la faction rebelle devient officiellement un parti
politique. De Palipehutu-FNL, il garde simplement les Forces nationales de
libération (FNL).
4. Agathon Rwasa, une force redoutable et redouté par le
CNDD-FDD (au pouvoir)
« Je suis satisfait, malgré toutes ces tracasseries orchestrées par le
parti au pouvoir. Cela montre que je suis une force redoutable et redoutée par
le CNDD-FDD », avait déclaré-t-il en 2013, le jour de son retour à Bujumbura,
après trois ans passés dans la clandestinité.
Rwasa avait en effet été obligé de se cacher au lendemain des élections
communales de 2010. Après ces élections entachées d’irrégularités, selon la
majeure partie de l’opposition, l’historique opposant de Pierre Nkurunziza est
attaqué à son domicile, ce qui le contraint à se cacher durant trois ans
environ. À son retour, il fait une promesse à ses partisants : « Je vais
travailler d’arrache-pied pour que le CNDD-FDD quitte le pouvoir en 2015 ».
5. Un chef de guerre accusé de crimes contre l’humanité
En 2013, le procureur général de la République du Burundi, Gérard Ngendakumana
ouvre une enquête contre deux dirigeants des Forces nationales de libération
(FNL). Agathon Rwasa, le chef du mouvement, et Pasteur Habimana, son
porte-parole, qui a revendiqué le massacre de Gatumba.
Les deux anciens dirigeants des FLN sont accusés d’avoir joué un rôle
prépondérant dans le massacre 160 réfugiés tutsis banyamulenge (Congolais
d’ascendance rwandaise) dans le camp de Gatumba en 2004.
Agathon Rwasa oppose à cette plainte son immunité provisoire au titre de rebelle
burundais.
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