À l'ouest du pont de la rivière Ouaka,
règnent les partisans des anti-Balaka, à l'est les ex-milices de la Seleka.
Bambari est une petite ville de moins de 50.000 habitants perdue dans la
touffeur de l'épaisse forêt tropicale de la République centrafricaine (RCA).
Etalée sur les deux rives de la rivière Ouaka, cette préfecture de l'une des
cinq provinces centrafricaines est le théâtre d'un conflit fratricide qui
déchire ses habitants depuis la guerre civile qui a ravagé le pays en 2013. Ty
McCormick, un journaliste du site américain Foreign Policy (partenaire de Slate
Afrique), s'est rendu sur place.
«Un jour, nous déclencherons une grande guerre» lui ont dit des miliciens armés
jusqu'aux dents qui rêvent de vengeance.
Petite leçon de géographie. La rive est de la rivière Ouaka est contrôlée par
d'anciens miliciens de la Seleka, une coalition rebelle majoritairement
musulmane qui a semé le chaos en pillant, violant et tuant en Centrafrique après
avoir renversée l'ancien président François Bozizé et prit brièvement le
contrôle du pays au printemps 2013. Les quartiers de Bambari qui s'étendent à
l'ouest de la rivière sont quant à eux contrôlés par les anti-Balaka, les
combattants chrétiens armés de machettes qui ont combattu et commis les pires
atrocités en réponse à l'insurrection de la Seleka.
Un Etat sans loi
Aujourd'hui, alors que les braises de la guerre civile fument toujours, «les
musulmans sont trop effrayés pour se rendre sur la rive ouest», raconte le maire
de Bambari, qui répond au nom d'Abel Matchipata. Dans le sens inverse, «quelques
chrétiens voyagent sur l'autre rive, mais ils le font avec beaucoup de peur»,
poursuit le maire.
De la taille du Texas, la RCA est aujourd'hui un Etat sans loi. Mais si la
situation a largement empiré, elle n'est pas nouvelle. Avant même la crise de
2013, l'International Crisis Group évoquait déjà un «Etat en faillite». Deux ans
et demi après le putsch violent des milices de la Seleka, le pays est de facto
divisé: aux anti-Balaka le contrôle du sud-ouest, aux anciens combattants de la
coalition à majorité musulmane le nord-est du pays, où ils se sont enfuis après
leur défaite et le démantèlement de la Seleka par la communauté internationale
en janvier 2014. «En dehors de Bangui, la capitale, pratiquement rien n'est sous
le contrôle du gouvernement», note Foreign Policy.
Et la RCA porte toujours les stigmates de la guerre. Au moins 6.000 personnes
ont été tuées, 832.000 ont été déplacées (à l'intérieur où l'extérieur des
frontières) et la moitié des 4.7 millions d'habitants ont besoin d'une
assistance humanitaire, estiment les Nations unies.
«Quand j'ai visité Bambari le mois dernier avant la tenue d'élections que
beaucoup redoutent pour le chaos qu'elles pourraient apporter, écrit Ty
McCormick, la troisième ville la plus peuplée de RCA était toujours secouée par
de récents spasmes de violence. Le 20 août, un chauffeur de taxi musulman était
traîné hors de son véhicule à l'extérieur de la ville où des combattants
anti-Balaka lui tranchèrent la tête. L'incident provoqua une réplique de la
communauté musulmane et une contre-attaque de la communauté chrétienne, les deux
camps ayant soif de revanche. Avant que la poussière soulevée n'ait le temps de
toucher le sol, au moins 10 personnes étaient tuées et des dizaines d'autres
blessées, dont deux membres de la Croix Rouge.»
Un pansement sur une plaie béante
Pour éviter un bain de sang sur les deux berges de la rivière Ouaka, un
bataillon de casques bleus de l'ONU a été envoyé à Bambari. Par une drôle
d'ironie, les soldats dépêchés dans la ville viennent eux-mêmes de République
démocratique du Congo, pays voisin où est déployée la plus grande force de
casques bleus au monde: la Minusca. Des militaires français de la force Sangaris
ont aussi été envoyés sur place pour pacifier la ville. Mais de nombreuses
polémiques ont déjà éclatées autour de la présence de soldats de l'ONU en
République centrafricaine. Plusieurs soldats, dont des Français de la force
Sangaris, ont été accusés de viols sur des enfants, notamment dans un camps de
réfugiés à Bangui.
À Bambari, des heurts violents ont éclaté le 23 mai 2014 quand des habitants
musulmans ont accusé les soldats français d'avoir tué l'un des leurs. Plus
généralement, la forces françaises sont accusées de soutenir les anti-Balaka, et
les casques bleus africains de prendre parti pour les combattants musulmans.
Après la défaite de la Seleka à l'automne 2013 et les massacres commis par les
milices chrétiennes, la quasi-totalité des musulmans ont fui Bangui. Selon
l'ONU, 99% de la population musulmane de la capitale avait fuit en décembre
2013, par peur de représailles. Mais à Bambari, la situation était alors
différente. Un chef local de la Seleka dirigeait la ville depuis décembre 2012
et à l'automne 2013 des centaines de rebelles de la Seleka défaite trouvaient
refuge sur les bords de la rivière Ouaka. C'est alors que débuta la spirale de
la violence dans la ville.
Depuis, un calme précaire est revenu dans les rues de Bambari. Mais s'il y a
bien une chose sur laquelle sont d'accord les deux camps ennemis, c'est sur la
faiblesse des casques bleus, qui ne sont rien de plus qu'un pansement posé sur
une plaie béante. «Dans une ville coupée en deux sur pratiquement tout le reste,
il y a un large consensus sur le fait que la force des Nations unies est
biaisée, incompétente, et partiellement responsable du cycle de violences»,
résume Foreign Policy.
Le reportage est à lire en intégralité sur Foreign Policy (en anglais)
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