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Tchad – Moussa Faki Mahamat : « Nous savons que Boko Haram a été amoindri »

A Dakar, où il a participé les 9 et 10 novembre au Forum sur la paix et la sécurité en Afrique, le ministre tchadien des Affaires étrangères, Moussa Faki Mahamat, a mis l’accent, lors d’une session publique, sur le coût que représente pour son pays la lutte contre les forces jihadistes dans le Sahel. Dans l’interview qui suit, il fait le point sur les fronts malien, nigérian et libyen.

 

 


Le ministre tchadien des Affaires étrangères à l'ONU en 2014.

 


Jeune Afrique : Combien ont coûté toutes les opérations militaires que mènent les forces tchadiennes depuis plus de deux ans, au Mali et dans la région du lac Tchad ?
Moussa Faki Mahamat : Je n’ai pas de chiffre précis, mais cela a coûté très cher.

Ce alors que le Tchad traverse une période délicate, notamment en raison de la baisse du cours du pétrole. On dit que les caisses du Trésor sont vides. Les fonctionnaires tchadiens ont-ils l’assurance d’être payés dans les prochains mois ?
Vous pouvez ajouter, en plus de la baisse du prix du baril, les conséquences de la situation sécuritaire. Le Tchad est un pays enclavé, qui pâtit des crises que traversent ses voisins. Par exemple, la route entre le Tchad et le Nigeria, l’un de nos principaux partenaires commerciaux, est fermée depuis un an. Mais je vous rassure : nous ne sommes pas en cessation de paiement.

Le gouvernement tchadien vient de décréter l’état d’urgence dans la région du lac Tchad. Pour quelles raisons ?
Il y a eu plusieurs attaques du groupe Boko Haram dans cette région ces dernières semaines. Nous estimons que cette mesure est nécessaire pour pouvoir sécuriser les populations civiles. C’est une région lacustre, sans frontière terrestre, où l’on trouve une multitude d’îles. En cette période, les eaux montent : c’est donc un moment propice pour les terroristes, qui peuvent ainsi atteindre certaines îles. L’état d’urgence nous permettra de contrôler les mouvements des personnes et des biens, même si le commerce y est pratiquement arrêté à cause des violences de Boko Haram, et même si des populations ont déjà quitté les îles.

Envisagez-vous d’évacuer les îles, comme le Niger il y a quelques mois ?
Non, nous n’avons pas de programme pour dépeupler les îles. Il s’agit pour nous d’y positionner des éléments et de faire en sorte d’être en capacité d’assurer le transport de nos forces le plus rapidement possible.

Boko Haram a été amoindri ces derniers mois par l’action conjointe des armées de la sous-région. Quelle menace représente ce groupe aujourd’hui ?
Cette menace prend essentiellement la forme d’attaques kamikazes. Des attaques qui ciblent des gares, des marchés, et même des camps de personnes déplacées. Boko Haram ne procède plus aujourd’hui à des attaques frontales contre des positions militaires. Il y a quelques mois, ce groupe prenait des villes. Il a changé de mode opératoire, car il n’a plus les mêmes moyens.

Nous ignorons le nombre d’éléments qui composent ce groupe, mais nous savons qu’il a été fortement amoindri. Nous avons donc réadapté notre dispositif de défense. Désormais, nous mettons l’accent sur la protection des zones fortement habitées. Mais c’est très difficile, car nous sommes face à des gens qui sont prêts à mourir.

La capitale, N’Djamena, est-t-elle toujours menacée, quatre mois après les premiers attentats ?
On ne peut pas l’exclure. Mais le dispositif que nous avons mis en place est efficace.

Où en est la Force multinationale mixte, dont l’état-major se trouve à N’Djamena ?
L’état-major est en place. Et de notre côté, les troupes sont prêtes. Nous avons défini différents secteurs. Et des opérations sont déjà menées, même s’il sera difficile, d’ici janvier, de mener des opérations de grande envergure, en raison du climat. C’est dans le cadre de cette réorganisation que nous avons rapatrié nos hommes qui se trouvaient depuis des mois au nord du Cameroun et au nord-est du Nigeria. Cela doit nous permettre de mieux renforcer nos positions.

Ceux qui sont rentrés seront-ils remplacés ?
Non, ils seront repositionnés.

Y a-t-il encore des soldats tchadiens en territoire nigérian ?
La plupart sont rentrés. Il reste encore quelques éléments dont les missions sont plus spécialisées.

Il y a un an, ici même, Idriss Déby Itno appelait à « finir le travail » en Libye. Défendez-vous toujours une intervention militaire dans ce pays ?
C’est le chaos total en Libye. Il y a deux gouvernements, deux parlements, une multitude de milices, Daesh qui s’installe, dans la zone de Syrte notamment… Nous fondions beaucoup d’espoirs dans la médiation des Nations unies. Nous pensions qu’un gouvernement d’union nationale verrait le jour. Mais cela n’a pour l’heure rien donné. Il faut agir ! On ne peut pas laisser prospérer des groupes comme Daesh à nos portes. Et cela ne doit pas être seulement une préoccupation des voisins de la Libye.

Des Tchadiens ont-ils rejoint les rangs de Daesh ?
À ma connaissance, non. Mais nous savons que des Tchadiens rejoignent certaines milices « classiques » en Libye.

Ces milices ont-elles des liens avec d’anciens rebelles tchadiens ? La Libye pourrait-elle abriter un embryon de rébellion ?
Je n’ai pas d’éléments à ce sujet.

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