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Le tribunal international demande à la France de coopérer

Les juges du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) reprochent à la France de ne pas coopérer. Paris refuse notamment de remettre la liste détaillée des personnes qui s’étaient réfugiées à l’ambassade de Franceau début du génocide, en avril 1994.

A quelques jours d’intervalle, les juges du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ont rendu deux décisions dans lesquelles ils demandent à Paris de coopérer. Dans l’une de ces décisions, les juges ont saisi le président du tribunal, Dennis Byron. Il pourrait dénoncer les obstructions de la France devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Ces décisions ont été sollicitées par les avocats de deux accusés, l’ancien ministre de la Jeunesse, Callixte Nzabonimana et l’ex-ministre du Plan, Augustin Ngirabatware. Anciens membres du gouvernement intérimaire, qui avait orchestré la mise en œuvre des massacres, ils sont accusés de génocide et crimes contre l’humanité par le tribunal international, basé à Arusha, en Tanzanie. Or tous deux réfutent les charges du procureur qui affirme notamment qu’entre le 6 et le 12 avril, l’un comme l’autre incitaient la population aux tueries. Eux affirment qu’ils se trouvaient alors à l’ambassade de France et entendent le prouver.

Réponses contradictoires

Pour ce faire, ils demandent à Paris de fournir la liste des personnes qui s’étaient réfugiées à l’ambassade, ainsi que la liste des employés. A ce jour, leur demande n’a reçu qu’une réponse partielle. Paris a transmis un extrait de l’annuaire diplomatique de 1994, sur lequel figurent seulement six noms. Par ailleurs, dans un courrier daté du 15 septembre 2009 et adressé par l’ambassade de France en Tanzanie à l’avocat de Callixte Nzabonimana, Maître Philippe Larochelle, Paris affirme que « les listes de réfugiés de l’ambassade étaient établies au fur et à mesure de l’arrivée des personnes. Il n’y avait pas d’appel ou de recensement systématique et les réfugiés à l’ambassade pouvaient entrer et sortir librement ». Mais auditionné en mai 1998 par la mission d’information parlementaire française sur le Rwanda, l’ancien ambassadeur de France à Kigali, Jean-Michel Marlaud, rapportait que « la liste des personnes réfugiées à l’ambassade a été envoyée au ministère à intervalles réguliers ». Quinze ans après le génocide, la question reste, semble-t-il, toujours confidentielle.

L’audition de l’ex-ambassadeur refusée

L’avocat de Callixte Nzabonimana a demandé à entendre l’ancien ambassadeur de France, Jean-Michel Marlaud. Mais Paris refuse tout interrogatoire et estime « pas possible d’aller au-delà de ces communications ». Trois télégrammes diplomatiques datés des 7, 9 et 11 avril 1994 ont été remis à maître Larochelle. Ils confirment la présence de l’accusé à l’ambassade, mais selon l’avocat, les documents sont « caviardés » et seul le nom de M. Nzabonimana y figure. Et la procédure du tribunal, très exigeante, nécessite des preuves supplémentaires. De son côté, l’avocat d’Augustin Ngirabatware, Maître Peter Herbert, souhaite interroger « un diplomate français », mais affirme que « les autorités françaises ont répondu de telle manière que cela empêche ­de [lui] poser les questions », elles ont notamment « demandé (…) de retirer 60% des questions présentées ».

Paris impose une procédure ubuesque

Dès le déclenchement des premières enquêtes du tribunal, en 1995, Paris a imposé une procédure très lourde. Seul Etat à avoir exigé de telles mesures, la France exige que les questions soient posées à l’avance, que le premier interrogatoire se déroule en présence de représentants du gouvernement français. Par la suite, si le témoin doit être appelé à déposer devant le TPIR, il doit d’abord être entendu devant le tribunal de grande instance de Paris. Puis sa déposition à Arusha doit se dérouler à huis clos, sous pseudonyme, après que les questions aient été approuvées par les autorités françaises. Présent lors de l’audience, un représentant du gouvernement peut intervenir s’il juge que les propos constituent une menace à la sécurité nationale. Ces mesures ubuesques rendent plus lourdes encore les suspicions qui planent sur le rôle de la France en 1994, et Paris peine toujours à faire la lumière. La France avait été accusée, notamment, d’avoir procédé à « une évacuation sélective » des Rwandais réfugiés dans son ambassade au début du génocide, parmi lesquels figuraient de nombreux extrémistes.

rfi.fr
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