Des journaux ivoiriens reprennent vendredi la polémique sur la nationalité du leader du parti opposant, Alassane Dramane Ouattara, candidat à l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire après en avoir été exclu en 2000 pour "nationalité douteuse", prenant prétexte de deux interviewes publiées par des périodiques malien burkinabé.
"Alassane est bien un Burkinabé", affichait à sa une jeudi Notre Voie (journal officiel du Front populaire ivoirien, FPI, parti présidentiel) publiant une interview du périodique malien Le Ségovien avec un certain Kalilou Thiéro qui se présente comme " l'ancien chauffeur" du président Félix Houphouët-Boigny décédé en 1993.
Vendredi, Notre Voie revenait à la charge avec, en première page, une autre interview tirée du journal burkinabé L'Observateur qui écrit, citant l'ancien ambassadeur du Burkina Faso aux Etats- Unis, Frédéric Guirma, que "Ouattara a étudié aux Etats-Unis et travaillé à la BCEAO (Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'ouest) en tant que Voltaïque (Burkinabé)".
La nationalité d'Alassane Ouattara, parachuté sur la scène politique ivoirienne suite à sa nomination comme Premier ministre par feu Félix Houphouët-Boigny en 1990, suscite toutes les passions.
En 1995, lui-même avait renoncé à se présenter à l'élection présidentielle parce qu'une clause du code électoral, assimilé à l'ivoirité, qui stipule que ne peut être éligible à l'élection du président de la République que l'Ivoirien d'origine, né de père et mère eux-mêmes Ivoiriens d'origine, ne le lui permettait pas.
Cinq ans plus tard, en 2000, il avait vu sa candidature rejetée par la Cour suprême pour "nationalité douteuse".
Le rejet de la candidature d'Alassane Ouattara et la question de sa nationalité ont exacerbé la question identitaire surtout dans le nord de la Côte d'Ivoire qui partage avec le leader du Rassemblement des républicains (RDR) une communauté ethnique, culturelle et religieuse.
Ces deux questions liées sont souvent présentées comme l'origine de la crise déclenchée dans le pays en septembre 2002.
Conformément aux accords de paix déclarant éligibles "à titre exceptionnel" tous les candidats proposés par les partis signataires, le Conseil constitutionnel a validé la candidature d'Alassane Ouattara à l'élection présidentielle annoncée pour fin février-début mars.
Pour le quotidien Nuit & Jour (indépendant), la déclaration de M. Kalilou est "inopportune et incongrue" en cette période de réconciliation et de sortie de crise.
"Que vise réellement M. Kalilou à quelques mois seulement de la tenue du scrutin présidentiel?", s'interroge Nuit & Jour qui croit savoir que "le moment et les circonstances dans lesquelles cette déclaration est rendue publique montrent bien qu'il pourrait s'agir d'une campagne de dénigrement et de diabolisation contre le mentor des Républicains".
Nord-Sud Quotidien (proche du Premier ministre et de l'ex- rébellion) relève, pour sa part, un "anachronisme manifeste", " plusieurs méprises graves" et "les incohérences" du "chauffeur d'Houphouët-Boigny" âgé de 80 ans.
"Le fait que ce témoignage apparaisse en pleine campagne présidentielle et fasse ressortir une ritournelle vieille de 16 ans, à savoir qu'Alassane n'est pas Ivoirien mais Burkinabé, ôte beaucoup de saveur à ce témoignage", estime le journal.
"Pauvre FPI!", s'exclame, de son côté, le Patriote (proche du RDR) qui pense que le parti de Laurent Gbagbo et ses journaux ont "encore fait du faux", révélant que Kalilou Thiéro qualifié de " mythomane" n'a jamais été chauffeur d'Houphouët-Boigny.
"Le vieil homme sert du déjà entendu", poursuit le Patriote qui relève qu'en ouvrant "le vain débat" sur la nationalité d'Alassane Ouattara, le camp présidentiel ivoirien montre sa "fébrilité" et atteste qu'il est en "manque d'arguments", qu'il est "en panne sèche de stratégie" pour séduire l'électorat.
Pour le journal, le "vrai débat" qui prévaut c'est de savoir " qui est l'homme de la situation, capable de résoudre les problèmes et répondre aux préoccupations des Ivoiriens"
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