Recherche sur l'Afrique > Actualités de l'Afrique > les pays d'Afrique centrale: Perspectives pour 2010

les pays d'Afrique centrale: Perspectives pour 2010

Dans un contexte tantôt électoral comme en République centrafricaine (RCA) ou peut-être aussi au Cameroun, tantôt post-électoral comme au Gabon, au Congo et en Guinée équatoriale, l'Afrique centrale inaugure une nouvelle année où l'enjeu pour la majorité des six pays de cette région africaine sera la stabilité politique, a estimé dans une analyse à Xinhua le Pr Joseph Vincent Ntuda Ebodé, spécialiste des relations internationales.

Le décryptage au cas par cas offre un panorama édifiant comme grille de lecture de l'évolution sociopolitique de chacun de ces Etats, avec une tendance parfois à la délicatesse pour la gestion des réalités internes dans une perspective allant au-delà même de 2010.

CAMEROUN : UN AIR DE CAMPAGNE

Avec les appels multipliés de son parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), en faveur d'une nouvelle candidature du président Paul Biya pour brigueur un quatrième mandat consécutif à la tête du Cameroun, bien des observateurs évoquent l'éventualité d'une anticipation en 2010 de l'élection présidentielle, normalement prévue en octobre 2011.

Tout au moins, un parfum de campagne envahit déjà le pays, à en croire le Pr Ntuda Eobdé, chef du Centre de recherches et d'études politiques et stratégiques (CREPS) de l'Université de Yaoundé II.

"Si on ne considère pas que 2010 pourrait être une année électorale, on doit au moins s'imaginer que la campagne a commencé. Ça pourrait naturellement être une année électorale si le président de la République décide d'anticiper l'élection présidentielle", a-t-il indiqué.

En attendant, le chef de l'Etat camerounais a lui-même annoncé dans son message de fin d'année à la nation le 31 décembre la tenue du scrutin pour le Sénat, la chambre haute du parlement créée par la Constitution de 1996 mais jamais matérialisée.

"A présent, la voie est ouverte pour la mise en place du Sénat", a-t-il affirmé, promettant à la fois "un appareil électoral qui rendra incontestables les résultats du prochain scrutin".

Créé en lieu et place de l'Observatoire national des élections (ONEL), Elections Cameroon (ELECAM) est entré dans une phase opérationnelle en janvier 2009 sans véritables ressources financières et moyens matériels de fonctionnement, et surtout un concert de contestations contre la qualité de certains du conseil électoral de cet organe.

TCHAD : L'ARMEE SUR LE QUI-VIVE

Après une année 2008 au cours de laquelle le pouvoir du président Idriss Deby Itno a été mis à rude épreuve, notamment avec le raid rebelle des 2 et 3 février sur N'Djamena où l'opposition armée fit près de son objectif, le Tchad a connu un climat politique moins tendu en 2009.

"Le gouvernement a eu le temps de se préparer. D'un point de vue militaire, il s'est armé substantiellement. Autour de N'Djamena, il a été créé ce qu'on pourrait appeler un corridor sécuritaire", note le Pr Ntuda Ebodé.

Pour le politologue, cette organisation donne la possibilité aux autorités de N'Djamena "d'envisager le combat, les attaques, sachant qu'il a plus qu'hier les capacités pour mettre suffisamment hors d'état de nuire toute rébellion interne ou externe". Autrement dit, elles "seraient capables de faire face à toute éventualité en 2010".

D'autant qu'une accalmie est envisageable entre le Tchad et le Soudan. Car, de l'avis du Pr Ntuda Ebodé, "le fait qu'on ait décidé de porter au président Béchir va l'amener à se concentrer à ses propres internes par rapport aux objectifs de politique extérieure, qui vont cette fois-ci se résumer à un lobbying pour que cette plainte de la Cour pénale internationale n'aboutisse pas ".

Mais en même temps, il existe la possibilité que "certains jusqu'au-boutistes fassent pression pour entrer aussi au gouvernement d'union nationale".

RCA : LE CAS PATASSE

Conformément au calendrier électoral communiqué par la Commission électorale indépendante (CEI) supervisée par un responsable religieux, le pasteur Joseph Binguimalet, les Centrafricains iront aux urnes le 18 avril pour élire leur futur président.

Parmi les candidats en lice figurent le chef de l'Etat sortant François Bozizé et l'ancien Premier ministre Martin Ziguélé, investi par le Mouvement de libération du peuple centrafricain ( MLPC) créé par l'ex-président Ange Félix Patassé et dont ce dernier a été radié en juin 2009, après en avoir été suspendu deux ans plus tôt pour "non respect de la ligne directrice du parti".

Egalement débouté par la justice qui, par une décision de la Cour de cassation le 29 décembre, a entériné un arrêt déjà rendu par la Cour d'appel de Bangui, l'ancien président, renversé le 15 mars 2003 par un coup d'Etat de François Bozizé, sera néanmoins dans la course, en candidat indépendant.

Aux yeux des observateurs, ce contexte entretient un climat politique délicat pour la stabilité dans un pays qui en tellement besoin.

"L'élection présidentielle en République centrafricaine va se passer dans un contexte un peu nouveau, qui peut amener à se poser quelques questions. Le contexte est nouveau parce qu'il y a eu ce qu'ils ont appelé la grande réunion de réconciliation nationale [ en décembre 2008] qui a fait venir au pays l'ensemble des acteurs majeurs, naturellement chacun suivant son calendrier", résume le Pr Ntuda Ebodé.

Selon lui, c'est peut-être la gestion du futur politique d'Ange Félix Patassé qui peut constituer aujourd'hui une menace à prendre au sérieux.

"Non pas parce qu'il est tout à fait armé, mais parce qu'il considère comme son parti l'a tout simplement exclu. Et comme pour se présenter à l'élection présidentielle, il lui faut un appareil partisan, la justice vient de donner raison à ceux qui l'ont exclu en disant qu'il n'est pas nécessaire pour ce parti, puisque les autres s'en sont déjà appropriés", a-t-il affirmé.

Et d'ajouter : "cela peut donc être une source de conflit qui, naturellement, va diviser l'opinion et donc va garantir le succès du président actuel. Mais, elle peut aussi déstabiliser la nation entière et l'opposition, donc le régime en place".

Cette élection va se tenir alors que le gouvernement centrafricain continue de faire face, dans certaines régions du pays, en particulier dans le nord, à des groupes de rebelles qui refusent de s'associer au processus de réconciliation nationale et eu programme de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) entamé en 2009.

Cette situation, accentuée par la présence de combattants de l'Armée de libération du Seigneur (LRA) du chef rebelle ougandais Joseph Kony, préoccupe jusqu'aux Nations Unies.

Lors d'une réunion du Conseil de sécurité le 22 décembre à New York, l'organisation mondiale a demandé aux autorités centrafricaines de "mener à bien sans tarder, dans la transparence et le respect du principe de responsabilité" le programme de DDR et à faire en sorte qu'il "soit terminé avant les élections de 2010".

GABON : ALI BONGO FACE A UNE COALITION DE L'OPPOSITION

Proclamé vainqueur avec 41,73% des suffrages, Ali Bongo a remplacé à la tête du Gabon, à la suite de l'élection présidentielle organisée le 30 août 2009, son père Omar Bongo Ondimba, décédé le 8 juin à Barcelone des suites de maladies après près de 42 ans au pouvoir.

Contestée par l'opposition, surtout emmenée par l'ancien ministre de l'Intérieur André Mba Obame, autrement dit un ancien pilier du régime, cette victoire a plongé le pays dans un cycle de violences et créé des fissures au sein de la population. Ce qui, de l'avis des analystes, augure de perspectives peu sereines pour Ali Bongo pour diriger le pays.

"2010 sera marquée par un autre scrutin, ce sont les élections législatives. Et c'est dans la préparation de ces élections que je crois, puisque je viens de séjourner à Libreville et à Port-Gentil, que les grands perdants ont décidé il y a tout juste une semaine de fonder un seul parti. Si cette hypothèse marche, cela va compliquer un peu la posture du président actuel", analyse le Pr Ntuda Ebodé.

De son côté, Ali Bongo prépare aussi sa stratégie de conquête en prenant "un certain nombre d'initiatives pour se démarquer à la fois de son défunt père et du Parti démocratique gabonais (PDG), comme cela a fonctionné jusque-là".

"Le principal risque de cette posture, c'est qu'il se fait certainement des amis du côté de la populace et de l'opposition calculatrice. Mais dans son propre camp, il se fait beaucoup plus d'ennemis. Cette posture gêne ceux qui ont emmagasiné un certain nombre de moyens et peuvent se reverser dans l'opposition et la doper. Elle peut aussi devenir un élément fédérateur de tous ceux dépolitisaient jusque-là, reprochant au système d'être monolithique", juge le Pr Ntuda Ebodé.

Au bout du compte, "cela peut amener à une cohabitation difficile, tout au moins du point de vue de la gestion politique au Gabon".

GUINEE EQUATORIALE : DEFIS DE LA GESTION DE LA MANNE PETROLIERE

Réélu avec 95,1% des voix à l'issue de la présidentielle du 29 novembre, le président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogon, au pouvoir depuis 1979, a le torse bombé pour conduire en toute sérénité son programme de développement national caractérisé par de remarquables réalisations sociales et économiques.

Les observateurs s'accordent à dire qu'il contrôle la situation et, face à une opposition réduite à sa plus simple expression, l'avenir apparaît sans soucis pour lui. Dans la mesure justement où, reconnaît le Pr Ntuda Ebodé, "le pays est dans une dynamique de développement matériel, qui fait que du jour au lendemain il y a un accroissement visible de l'indice de développement, c'est-à- dire qu'il y a beaucoup de d'hôpitaux et d'écoles qui sont construits".

Mais, passé l'environnement interne, le chef de l'Etat équato- guinéen est considéré comme étant confronté à "un problème de fond, celui de la gestion de la manne pétrolière non plus en rapport avec son propre pays, mais avec les puissances étrangères, tant à l'échelle de la sous-région qu'à l'échelle du monde occidental, arabe ou asiatique".

En d'autres termes, la stabilité en Guinée équatoriale, troisième producteur de l'or noir en Afrique après le Nigeria et l'Angola, dépendra au cours des années à venir "de la manière dont les contrats d'exploitation de cette ressource avec les grandes puissances sont traités".

Si dans les rapports avec ces puissances étrangères il y a des prétentions hégémoniques, souligne le politologue, les convoitises peuvent amener à mettre le président à l'écart. "Mais a priori, ce scénario pour l'instant n'est pas perceptible".

CONGO : SITUATION POST-ELECTORALE DISPUTEE

Victorieux de la présidentielle du 12 juillet 2009 avec 78,61% des voix, le président du Congo, Denis Sassou Nguesso, déjà aux commandes de 1979 à 1992 et revenu par les armes en 1997, ne peut véritablement se targuer d'avoir des coudées franches, en raison d'une situation post-électorale jugée disputée.

Malgré la normalisation retrouvée après des années de guerre, de juin 1993 à janvier 1994, puis de mai à octobre 1997, le pays n'a pas tout à fait exorcisé ses vieux démons. Jusque-là, ce que les analystes politiques appellent la "fusion ethnique" n'a pas eu lieu.

De facto, selon le Pr Ntuda Ebodé, le Congo reste dans "une grande fragilité", qui fait que "lorsqu'on est au Congo, on a l'impression que chaque quartier représente une ethnie à part. Ce qui montre qu'il n'y a pas eu conversion des intérêts particuliers en intérêts collectifs".

Résultat : "par exemple, chaque fois qu'un puits est construit dans un quartier, qui lui-même est majoritairement occupé par une ethnie, les autres quartiers vont s'interroger sur les raisons du choix de ce quartier".

"Comme c'est un pays où il y a quand même une tradition de violences politiques, je crois qu'il est intéressant que le président Sassou Nguesso essaie, à mon avis, d'expérimenter la négociation. Pour une paix durable, il faut d'abord qu'il y ait au Congo une politique dont l'objectif cette fois-ci est la fusion ethnique pour que personne ne se reconnaisse plus en terme ethnique, lorsqu'il y a une route, un hôpital ou un puits. Cela signifie que tout le monde doit pouvoir vivre partout", préconise le politologue.

french.news.cn
  Envoyer cet article

Naviguer à travers les articles
Article précédent libya: reçovoir le ministre tunisien de la Défense Maroc: installation de la Commission consultative de la régionalisation Article suivant
Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.