A l'instar du Cameroun, une vingtaine de pays africains ont conclu fin 2007 avec l'Union européenne (UE) des accords de partenariat économique (APE) jugés en Afrique et par des organisations mondiales comme les Nations Unies déstabilisateurs pour l'intégration de ce continent, déjà économiquement le moins avancé par rapport aux autres.
Qualifiés d'étape ou intérimaires, ces accords découlent du processus de négociations entamé en septembre 2002 par l'UE avec ses partenaires du groupe des 79 pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) parmi lesquels 48 africains, dans le cadre de l'Accord de Cotonou du 23 juin 2000 visant à intégrer ces pays dans l'économie mondiale par la libéralisation des échanges.
Continent aux économies nationales pour la plupart insuffisamment voire mal structurées et attirant peu les investissements étrangers, l'Afrique n'apporte qu'une contribution d'environ 1,7% au commerce mondial, selon les statistiques de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique. Des organisations de la société civile jugent inégal le partenariat entre le continent, les autres régions ACP et l'UE.
« Il est prouvé historiquement qu'une libéralisation prématurée du commerce entre des partenaires inégaux est contre-productive et risque d'accroître la pauvreté et le chômage plutôt que de les éradiquer », a indiqué dans un plaidoyer publié à Luxembourg, dans la capitale du pays du même nom, l'association Action Solidarité Tiers Monde (ASTM) opposée aux APE.
Elle a appelé à une modification du calendrier d'entrée en vigueur des zones de libre échange UE-ACP prévues par les APE.
« L'intégration régionale des pays ACP, que l'ASTM approuve, ne devrait pas être mise en place simultanément avec la libéralisation des échanges avec le marché européen », a-t-elle estimé.
Cette association juge important d'accorder le temps nécessaire à ces intégrations régionales pour se construire et se renforcer afin de permettre l'amélioration des capacités de production et des infrastructures, voire améliorer le niveau de vie global des populations ».
Basé à Bruxelles, au siège de l'Union européenne en Belgique, le Groupe de Travail Cotonou soutient pour sa part que parmi leurs effets, ces accords mettront fin aux préférences commerciales unilatérales en faveur des Etats ACP, de même qu'ils établiront un régime commercial entre l'UE et les ACP, synonyme d'une « OMC+ ».
A en croire cette organisation non gouvernementale, « l'établissement des zones de libre échange exposera les Etats ACP à la concurrence de l'UE, d'une manière tout simplement dévastatrice ».
En outre, la suppression des droits de douane qu'entraînera l'ouverture des marchés, aura des implications importantes sur les recettes fiscales de ces pays, ce qui « compromettra gravement les capacités institutionnelles et de dépense des gouvernements ».
Le secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies (ONU), Ban Ki-moon, s'est lui aussi insurgé contre les fameux accords, déclarant que « ce type d'accord ralentira, voire déraillera les efforts d'intégration régionale du continent ».
Fin octobre 2009, les Etats d'Afrique centrale (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine et Tchad), y compris le Cameroun, seul pays de la région à avoir paraphé avec l'UE un accord d'étape, se sont ressaisis en adoptant fin octobre 2009 à l'issue d'un conseil des ministres des Finances et de l'Economie une position commune pour mieux défendre leurs intérêts.
Ils ont ensuite adressé à l'UE à Bruxelles en Belgique une déclaration dans laquelle ils exhortent cette organisation « à déposer auprès de l'OMC, une demande de prorogation de la dérogation en cours, en vue de préserver à l'ensemble des pays de l'Afrique centrale, le régime de préférences commerciales de l'accord de Cotonou ».
Les négociations à l'échelle régionale entre cette région avec l'UE sont paralysées depuis février 2009 en raison de profonds désaccords entre les deux parties sur l'offre d'accès au marché de la région et les mesures d'accompagnement pour renforcer la compétitivité et les capacités.
Début 2008, une réunion de haut niveau convoquée par le secrétariat du Commonwealth au Cap en Afrique du Sud avait affirmé que les pays signataires étaient en droit d'exiger une réouverture des négociations pour s'assurer que ces accords correspondent aux programmes et aspirations de développement national et régional.
Les règles spécifiques de l'OMC pour les accords entre pays développés et pays en développement ont prévu deux grandes options. Dans le cadre de la première, qui porte sur des préférences unilatérales, le gendarme du commerce mondial autorise les pays développés à ouvrir leurs marchés sans exiger la réciproque des pays en développement.
La deuxième option est celle des préférences réciproques. Elle se définit par la possibilité pour les pays développés et les pays en développement de négocier un « accord de libre échange » axé sur « l'essentiel des échanges ».
C'est l'option choisie par l'UE pour qui les APE proposés à ses partenaires d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique leur « offrent de nouvelles opportunités commerciales, des possibilités d'augmenter les investissements et des flux de capitaux ».
Elle cite des avantages liés aux avancées technologiques ( notamment les technologies de l'information et de la communication) , la promotion de la croissance économique, le développement et l'amélioration des conditions de vie des populations dans les régions ACP.
Dans son scepticisme n'accordant aucune concession à l'initiative européenne, le Groupe de Travail Cotonou avance que « alors que l'UE et les Etats ACP ont convenu que les APE devaient être des outils pour le développement, l'approche des négociations d'APE adoptée par l'UE met en fait gravement en péril cet objectif de développement ». Suffisant pour maintenir la contestation.
En dehors du Cameroun en Afrique centrale, la Côte d'Ivoire et le Ghana en Afrique de l'Ouest, puis le Swaziland, le Mozambique, le Botswana et le Lesotho en Afrique australe figurent parmi les pays africains ayant paraphé les fameux accords.
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