La Casamance, région sud du Sénégal en proie à une rébellion armée depuis 1982 est dans une situation de ni guerre ni paix, constatent les analystes.
Après une longue période d'accalmie marquée par des braquages de véhicules ou d'actes de banditisme, les violences ont repris à nouveau dans la partie méridionale du pays.
La dernière violence en date, est l'accrochage qui a opposé l' armée sénégalaise aux éléments du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC), le 2 mars dernier, à Diaboudior, dans le département de Bignona.
Bilan des affrontements: "un soldat sénégalais tué", rapporte la presse locale.
Cet incident est le troisième à intervenir en deux semaines, dans la région sud du Sénégal.
Le premier, qui a fait deux morts du côté de l'armée sénégalaise, date du 15 février à Baraf, village situé à quelques kilomètres de Ziguinchor.
Deux semaines plus tard, le 1er mars, un braquage a eu lieu sur l'axe Bignona-Sénoba (frontière avec la Gambie), au cours duquel le véhicule du Conseil régional de Ziguinchor a été emporté par les assaillants.
Ce regain de violence inquiète les médiateurs et spécialistes de la crise casamançaise, d'autant qu'en début décembre 2009 six soldats ont été tués dans une attaque indépendantiste dans la région de Sédhiou (120 km de Ziguinchor).
Ces attaques ont beaucoup ému dans les milieux civil et militaire et des voix s'élèvent pour demander plus de fermeté à l' égard des rebelles et que les autorités politiques laissent des coudées franches. C'est le cas de deux généraux à la retraite, dont l'un a été gouverneur de la région de Casamance.
Des positions plus modérées sont également exprimées. Le secrétaire général du Collectif des cadres Casamançais, Moussa Cissé, a indiqué que "tant que les gens n'accepteront pas de s' asseoir autour d'une table pour discuter, il y aura toujours des germes de tension en Casamance".
Selon lui, cette vague de violence s'explique en partie par le non respect par l'Etat du Sénégal "des échéances" arrêtées au sortir des négociations avec le MFDC, le 1er février 2005 à Foundiougne.
En attendant que l'Etat convoque le MFDC pour poursuivre les négociations, le collectif des cadres Casamançais propose "la cessation des hostilités", indique M. Cissé.
Le journaliste politologue, spécialiste du dossier Casamançais, Babacar Justin Ndiaye dit n'être nullement surpris par le regain de la violence en Casamance.
"Dans cette situation de ni paix ni guerre, on a un potentiel de violence. Et à tout moment, ça peut rebondir", a estimé M. Ndiaye.
Pour lui, il faut "dialoguer, décider et avoir un dessein". " Envoyer des généraux négocier est une grande erreur, les militaires doivent faire la guerre pendant que les autres discutent de paix", a-t-il proposé.
De son côté, Me Boucounta Diallo, un avocat qui vient de publier un ouvrage intitulé "La crise casamançaise : problématique et voies de solution", suggère la mise en place d'une Confédération Sénégal-Gambie-Guinée Bissau pour résoudre la crise.
"On ne peut écarter la Gambie et la Guinée Bissau (pays frontaliers avec le Sénégal) dans la recherche de solutions à la crise casamançaise. Car leurs populations sont historiquement liées à celle de la région Sud", explique l'avocat.
Les autorités sénégalaises ne se sont pas encore prononcées depuis la reprise des violences en Casamance.
La dernière déclaration du président sénégalais Abdoulaye Wade sur la Casamance remonte au 18 septembre 2009.
S'exprimant à la télévision nationale, le président Wade, qui recevait une délégation du Collectif des cadres casamançais, avait affirmé sa volonté de "désenclaver la Casamance pour l'extraire de son isolement'".
Depuis 1982, le MFDC réclame l'indépendance de la Casamance. Les affrontements y sont fréquents et parfois sanglants.
Après plusieurs tentatives visant à rétablir la paix, le gouvernement du Sénégal signe, le 30 décembre 2004 un accord général de paix avec le MFDC.
Le document prévoit entre autres, la création d'un Conseil de surveillance de l'accord de paix (composé de représentants de l' Etat, du MFDC et de la société civile), la mise en place d'un groupe d'observateurs chargés de la démobilisation et du désarmement des rebelles.
Mais, si l'accord a permis à la région de connaître une longue période d'accalmie, mise à profit pour reconstruire des villages détruits et de réaliser des projets de développement en faveur des populations, sa mise en oeuvre reste encore lente à cause essentiellement de divergences entre dirigeants du MDFC.
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