Le Sénégal, qui célèbre dimanche l' anniversaire de son indépendance, affiche une économie qui a su résister en cinquante ans à plusieurs années de sécheresse, aux crises du pétrole et vingt ans d'ajustement structurel, estiment les analystes.
Aucune des différentes crises qui ont secoué le monde depuis 1960 n'ont épargné l'économie du Sénégal, pays sahélien sans grandes ressources minières.
Des répercussions de la dernière crise financière ont été ressenties dans tout le pays, même ses effets ont été moins graves que les crises précédentes. Il n'empêche que les envois d'argent en provenance des émigrés sénégalais ont sensiblement baissé.
Les spécialistes situent les problèmes économiques du pays à son indépendance en 1960, parce que l'essentiel de l'économie " reposait sur l'orientation de la politique économique coloniale qui était basé sur l'exploitation agricole et la valorisation des produits principaux", explique Cheikh Gueye, enseignant à l'IFACE et au CESAG.
L'agriculture à l'époque coloniale "était une monoculture basée sur l'exportation. Les français voulaient que l'on produise l' arachide pour alimenter les huileries de Bordeaux ou de Marseille", rappelle le chef de l'Etat sénégalais, Abdoulaye Wade dans un entretien accordé à un mensuel français.
C'est cette économie de rente arachidière que le parti socialiste qui a hérité du pouvoir en 1960 s'est employé à structurer en organisant le monde paysan à travers l'expérience des coopératives.
"Du point de vue de l'orientation économique, c'était l' économie rurale qui portait le poids de la politique du Sénégal", note M. Guèye. Mais cette option économique sera fragilisée par un cycle de sécheresse intervenu à la fin des années 70.
"L'économie rurale s'est effondrée et le Sénégal a reçu de plein fouet les contre-coups de cette crise économique qui était le produit de la longue sécheresse qu'ont connu les pays du Sahel", souligne Cheikh Guèye.
Il s'y ajoute, trois ans plus tard, en 1973 l'intervention sur le plan international d'un facteur exogène important : le premier choc pétrolier.
Allié à la sécheresse, ce choc pétrolier va accentuer la crise du modèle économique sénégalais.
"La situation était intenable est il va se produire un changement de paradigme puisque l'ensemble des indicateurs macro- économiques étaient au rouge et l'Etat ne pouvait plus faire face seul aux dépenses courantes", explique l'économiste.
Ainsi va s'établir le partenariat avec les institutions de Bretton Woods qui lance le premier plan de stabilisation de l' économie sénégalaise en 1983.
Ce plan est suivi du plan de redressement économique et financier pour essayer d'agir sur le cadre macro-économique.
Mais, selon plusieurs économistes africains, les options de départ de ce partenariat reposaient sur un diagnostic qui était faux : désengagement de l'Etat pour plus de libéralisation.
"Les institutions de Brettons Woods ont obligé le Sénégal à rompre avec son modèle de développement économique. Il s'agit là de choix très contraignant. Le format de ce partenariat est connu sous nom de l'ajustement structurel", explique l'enseignant.
A son avis, les conséquences de cet ajustement structurel ont été aussi catastrophiques que celles de la sécheresse et celle du premier choc pétrolier.
"On a assisté à une déstructuration du système agricole avec le programme d'ajustement structurel. A partir des années 70, c'était la fin des programmes de soutien à l'agriculture ce qui a entraîné la pauvreté dans le monde rural et donné de l'ampleur à l'exode rural", relève l'économiste Moubarack Lô.
Analysant les efforts qui ont été fournis par les différents régimes qui se sont succédé au pouvoir depuis 1960, M. Lô souligne qu'aujourd'hui le Sénégal a une agriculture qui essaie de revivre avec des projets comme la Grande offensive agricole pour la nourriture et l'abondance (GOANA).
Même s'il déplore le fait qu'elle ne soit pas accompagnée par un programme de commercialisation.
Par contre, dans le domaine industriel, l'accession à l' indépendance des autres pays de la sous région a été fatale au Sénégal qui était le fournisseur du marché industriel dans ce domaine. "Le Sénégal avait un tissu industriel relativement développé comparé aux pays de la sous région. Mais après que ses pays eurent accédé à l'indépendance, ils ont essayé d'être indépendants en créant leur propre industrie et le marché sénégalais s'est rétréci", fait remarquer Moubarack Lô.
D'après lui, l'assaut des importations sous l'effet de la globalisation a aussi beaucoup contribué à l'effondrement de l' industrie sénégalaise qui a perdu en valeur ajoutée. Les économistes sénégalais déplorent cette libéralisation brusque, sans mesures d'accompagnement.
"Il y a eu un retard à trouver des secteurs de relais. Le seul secteur qui peut être considéré comme tel est celui des télécommunications. Mais ce secteur n'est pas très intégré avec l' économie locale. Et les principaux investisseurs sont des étrangers", note M. Lô. Selon lui, il y a eu des avancées au niveau des indicateurs sociaux.
"Les gouvernements successifs ont pu faire des efforts intéressants dans le domaine de la scolarisation, de la santé, au niveau des infrastructures, des forages, de l'électrification. Depuis les années 1990, il y a eu une amélioration dans beaucoup de secteurs", constate-t-il.
Selon lui, le défi, après cinquante ans d'indépendance, est le changement de comportement pour éviter des fautes de gestion. Et se focaliser plus sur des questions de développement que sur des questions politiques.
source:
http://french.news.cn/afrique