A la veille des élections générales de dimanche en Ethiopie, beaucoup d'opposants ont une pensée émue pour la grande absente, leur dirigeante emblématique Birtukan Mideksa, emprisonnée à vie.
"Dans la tradition communiste, nous craignons que le gouvernement essaie de l'affaiblir en prison pour qu'elle ne représente plus un danger politique", confie Negasso Gidada, vice-président de l'Union pour la démocratie et la Justice (UDJ, opposition), que préside Mme Birtukan.
Détenue dans la prison de Kaliti à Addis-Abeba, elle ne peut recevoir la visite que de sa mère et sa fille de quatre ans, occasionnellement celle d'un pasteur.
Mme Birtukan, 36 ans, avait été de nouveau incarcérée en décembre 2008 pour avoir dénoncé le pardon dont elle avait bénéficié en juillet 2007 avec plusieurs dizaines d'opposants -accusés de "complot contre la Constitution", suite aux manifestations qui avaient suivies la contestation des résultats de l'élection de 2005. Elle avait déjà passé deux ans en prison.
Après sa libération, Mme Birtukan avait affirmé à l'étranger qu'elle n'avait jamais demandé sa grâce.
Selon des sources diplomatiques, elle avait été fermement invitée par le gouvernement à ne pas s'exprimer sur ce sujet.
"Cette femme a été reconnue coupable et doit purger sa peine. Elle n'a pas respecté les conditions de son pardon et comme le prévoit la loi, la grâce a été révoquée", affirme le porte-parole du gouvernement, Shimeles Kemal, ancien procureur.
"Elle n'est pas prisonnière politique ou de conscience comme certains voudraient le faire croire, (. . . ) mais une personne stupide qui a sans doute entretenu des illusions de grandeur, et a été victime de ses mauvais calculs", accuse-t-il.
Après des études de droit, Birtukan Mideksa devient juge fédéral de première instance. En 2001, elle instruit une affaire impliquant l?ex-ministre de la Défense, Siye Abraha, aujourd?hui dans l'opposition.
Faute de preuve, la jeune magistrate ordonne sa libération. Mais l'ex-ministre est arrêté dès sa sortie du tribunal, et passera sept ans en prison.
En 2004, elle fait campagne pour l'opposition, qui obtient en 2005 les meilleurs résultats de son histoire.
Après sa libération en 2007, contrairement à certains de ses camarades qui choisissent l'exil, comme l'économiste Berhanu Nega aux Etats Unis, Mme Birtukan décide de continuer la lutte politique dans son pays.
En juillet 2008, celle que certains appellent l'Aung San Suu Kyi éthiopienne --en référence à l'opposante birmane et prix nobel de la paix--, est désignée présidente de l'UDJ. C'est la première femme à occuper de telles responsabilités dans une Ethiopie encore très traditionaliste.
"Elle est très courageuse, très dynamique et engagée dans la lutte pacifique pour que la loi soit respectée", selon M. Negasso, qui ne cesse de demander sa libération.
Mais pour le Premier ministre Meles Zenawi, il n'y a "aucune chance" que çelà arrive: "il n'y aura aucun accord avec personne pour libérer Birtukan. Jamais. Point final! C'est une histoire terminée", a-t-il martelé fin 2009.
L'opposition a donc dû faire campagne sans elle pour le scrutin du 23 mai. "Ils leur manquent le charisme de Birtukan, ils n'ont pas été capables de capter l'imagination des citoyens", estime un politologue éthiopien.
En 2009, les Etats-Unis, principal allié de l'Ethiopie, s"étaient déclarés extrêmement préoccupés par le sort de la dirigeante emprisonnée, tandis la Commission pour les droits de l'homme de l'Onu l'avait qualifiée de "prisonnière politique".
Amnesty International la considère également "comme une prisonnière d'opinion, emprisonnée pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d'expression et d'association".
source:
http://www.jeuneafrique.com/