Les dirigeants sud-africains misent sur la ferveur populaire pendant le Mondial-2010 de football pour souder une nation toujours divisée selon la couleur de la peau, 16 ans après la chute de l'apartheid.
Depuis quelques semaines, les drapeaux de la nation Arc-en-ciel essaiment dans les ghettos noirs comme dans les banlieues blanches. Les Sud-Africains apprennent les passages de l'hymne national dans les langues officielles qu'ils ne maîtrisent pas. Et les files d'attente pour acheter les billets du Mondial sont multicolores.
"Cela fait chaud au coeur de voir la nation toute entière se rassembler", a commenté le président Jacob Zuma, qui enfile tous les vendredis le maillot vert et or de la sélection nationale. Et d'ajouter: "Cette harmonie devrait nous définir et se propager dans toutes les sphères de la société, même en dehors du sport. "
En Afrique du Sud, les leaders politiques ont de longue date utilisé le sport pour prôner les valeurs démocratiques. Sous l'apartheid (1948-1994), les opposants à la ségrégation ont fait pression auprès des autorités sportives internationales pour qu'elles boycottent les équipes sud-africaines, blanches à 100%.
Grâce à leur action, le pays était exclu en 1968 des compétitions de cricket, en 1970 des Jeux Olympiques, en 1976 de la Fifa. . .
Avec l'avènement de la démocratie en 1994, le sport est devenu vecteur des messages de réconciliation raciale. En 1995, lors de la finale du Mondial de rugby à Johannesburg, le premier président noir Nelson Mandela a conquis le coeur des Blancs en enfilant le maillot des Springboks, l'équipe fétiche de ses anciens oppresseurs.
Malgré tout, le sport reste l'emblème des divisions de la société sud-africaine.
La minorité blanche (10% de la population) préfère toujours le rugby et le cricket, qui se sont peu métissés: en 2007, les champions du monde de rugby comptaient 13 Blancs, deux métis et aucun Noir. Quand les Blancs suivent le foot, ce sont les matches des grands clubs européens.
Quant aux Noirs, ils soutiennent avec ferveur le foot local, un héritage des années d'apartheid quand les stades servaient d'exutoire les soirs de match.
Du 11 juin au 11 juillet, toutes les races devraient se côtoyer dans les gradins, comme elles l'ont fait récemment pour deux matches, l'un de foot et l'autre de rugby, dans le célèbre township de Soweto.
"Il y aura beaucoup d'enthousiasme. Comment pourrait-il en être autrement?", relève Ashwin Desay, professeur de sociologie et auteur d'un ouvrage sur le sport et la politique en Afrique du Sud. "Nous avons été les parias pendant si longtemps et, soudain, nous sommes au centre de toutes les attentions!" "Mais, après la fête, on se réveillera avec la gueule de bois, met-il en garde. On ne peut pas construire un sentiment d'unité nationale autour du foot, surtout dans un pays comme le nôtre où les inégalités sont calquées sur les races. "
En Afrique du Sud, le taux de chômage est de 4% chez les Blancs contre près de 40% chez les Noirs. Et les écarts s'aggravent: depuis 1994, le revenu moyen des Noirs a augmenté de 37,3%, celui des Blancs de 83,5%.
Le Mondial n'y changera rien. "La Coupe du monde est pour les riches, pas pour les pauvres", déplore le groupe Abahlali baseMjondolo, qui défend les habitants des bidonvilles du Cap. "Elle n'a rien modifié à nos conditions de vie. "
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